La lettre juridique n°435 du 7 avril 2011 : Aide juridictionnelle

[Textes] Haro sur l'aide juridictionnelle !

Réf. : Décret n° 2011-272 du 15 mars 2011, portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat (N° Lexbase : L7533IPP)

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par Cédric Tahri, Directeur de l'Institut rochelais de formation juridique (IRFJ), Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 30 Septembre 2011


L'aide juridictionnelle consiste, pour les personnes ayant de faibles revenus, à bénéficier d'une prise en charge par l'Etat de la rétribution des auxiliaires de justice (avocat, huissier, d'expertise, avoués, notaires, ...) et des frais de justice (expertise, enquête sociale, médiation familiale, etc.). En fonction des niveaux de ressources, l'Etat prend en charge soit la totalité des frais de procès, soit une partie d'entre eux. Au total, 900 000 personnes en bénéficient chaque année, de sorte que 312 millions d'euros seront attribués au titre de l'aide juridictionnelle en 2011. Or, en cette période de restrictions budgétaires, le Gouvernement s'évertue à réduire ce poste de dépenses.
En premier lieu, les prestations rendues par les avocats et les avoués dans le cadre de l'aide juridictionnelle ne sont plus soumises au taux réduit de la TVA prévu à l'article 279-f du Code général des impôts (N° Lexbase : L0686IP4). Faisant suite à l'arrêt rendu le 17 juin 2010 par la Cour de justice de l'Union européenne (1), le VII de l'article 70 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 (loi de finances rectificative pour 2010 N° Lexbase : L9902IN3) abroge effectivement ces dispositions. En conséquence, les prestations pour lesquelles les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués sont indemnisés totalement ou partiellement par l'Etat dans le cadre de l'aide juridictionnelle sont soumises au taux normal de la TVA depuis le 31 décembre 2010.

En deuxième lieu, une circulaire du 31 décembre 2010 (N° Lexbase : L9197IPC) fixe le plafond de ressources à 929 euros pour une aide juridictionnelle totale (par comparaison, 915 euros pour 2010, 911 euros pour 2009) et 1 393 euros pour une aide juridictionnelle partielle (par comparaison, 1 372 euros pour 2010, 1 367 euros pour 2009), soit  une augmentation de 1,5 %. Si la progression du plafond de l'aide juridictionnelle totale est sensiblement plus importante que par le passé, celui-ci reste inférieur au seuil de pauvreté (949 euros selon l'INSEE).

En troisième lieu, l'article 41 de la loi de finances pour l'année 2011 a modifié la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE). Désormais, depuis le 1er janvier 2011, les droits de plaidoirie sont laissés à la charge des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, soit 8,84 euros. Jusqu'à la fin de l'année dernière, ces droits de plaidoirie étaient à la charge de l'Etat. Cette réforme est présentée comme étant un outil de responsabilisation du justiciable, pour détruire toute velléité de recours à des procédures abusives ou dilatoires. Toutefois, il est permis d'en douter. Outre le fait qu'il existe déjà des outils pour atteindre cet objectif, le transfert du coût du droit de plaidoirie de l'Etat remettra en cause la gratuité de l'accès au droit pour les justiciables les plus démunis. Et, au final, ce seront les jeunes avocats qui supporteront le coût de ce transfert puisque ce sont les premiers, en nombre, à traiter les dossiers au titre de l'aide juridictionnelle.

En dernier lieu, le décret n° 2011-272 du 15 mars 2011, portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat , a modifié le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L0627ATE) (2).

La juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. Néanmoins, ces dispositions ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance (art. 5).

Le délai du recours ouvert à l'intéressé contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle qui était d'un mois est réduit à quinze jours (art. 7). L'objectif du Gouvernement est apparemment de réduire au minimum les contestations sur l'octroi de l'aide.

La part contributive versée par l'Etat à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières, est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires (art. 10).

Le décret indique que la partie condamnée aux dépens qui ne bénéficie pas elle-même de l'aide juridictionnelle est tenue, sauf dispense totale ou partielle accordée par le juge, de rembourser au Trésor, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. La partie tenue aux dépens dans les cas prévus par la loi est assimilée à la partie condamnée aux dépens (art. 13).

Dans le décret du 19 décembre 1991 sont insérés deux nouveaux articles qui organisent le sort des dépens en cas de désistement ou d'accord des parties mettant fin à l'instance (art. 14). Le nouvel article 123-1 dispose qu'en cas de désistement mettant fin à l'instance, les dépens ne peuvent être mis à la charge du défendeur bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Le nouvel article 123-2 précise que l'accord des parties tendant à mettre fin à une instance les opposant ne peut mettre à la charge de la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle plus de la moitié des dépens de cette instance. Il en est de même de la convention des époux en cas de divorce par consentement mutuel.

En outre, la procédure applicable au nouveau régime de recouvrement de l'aide juridictionnelle, issue de la loi de finances pour 2011, est précisée (art. 15 et suivants). Le recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle est effectué par le comptable-assignataire au vu d'un titre de perception établi et rendu exécutoire par l'ordonnateur compétent. Le titre de perception est notifié à la personne contre qui les sommes sont à recouvrer par les comptables publics. Il peut faire l'objet d'une opposition de la part du redevable et contient : 1) Les nom, prénom, date et lieu de naissance et domicile de la personne contre qui les sommes sont à recouvrer et, s'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination et son siège social ; 2) La date et la nature de la décision ainsi que la juridiction qui a rendu cette décision ; 3) La mention des textes applicables ; 4) Le détail des bases de la liquidation au sens de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique (N° Lexbase : L5348AG8) ; 5) Les délais et modalités de paiement et d'opposition. Cela dit, les sommes engagées par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, avant son admission à cette aide, ne sont pas comprises dans les dépens recouvrables par l'Etat.

Enfin, le premier président de la cour d'appel et le procureur général près cette cour sont institués conjointement ordonnateurs secondaires des dépenses et des recettes se rapportant à diverses rétributions et frais liés à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat (art. 21).


(1) CJUE, 17 juin 2010, C-492/08, Commission c/ France (N° Lexbase : A1922E3L).
(2) Notons que le décret du 15 mars 2011 modifie le dispositif de l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile. Sur cette question, v. circulaire du 18 mars 2011, relative à la désignation des avocats prêtant leur concours au titre de l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) siégeant dans les départements d'outre-mer (N° Lexbase : L9143IPC).

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