La lettre juridique n°432 du 17 mars 2011 : Avocats/Statut social et fiscal

[Focus] Le statut fiscal de l'avocat/entrepreneur individuel à responsabilité limitée : un nouveau "sac d'embrouilles" ?

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N7500BR9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 17 Mars 2011

Chacun sait la révolution juridique opérée par la loi du 15 juin 2010 créant le statut d'entreprise individuelle à responsabilité limité (EIRL) aux articles L. 526-6 (N° Lexbase : L2770IPB) et suivants du Code de commerce (loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 N° Lexbase : L5476IMR). L'EIRL est un statut qui permet à tout entrepreneur individuel d'affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale. Nous laisserons aux privatistes le soin de décortiquer le régime juridique de ce bénéfique statut applicable aux professionnels libéraux, y compris les avocats, l'avocat restant donc propriétaire des biens qu'il a affectés à son activité professionnelle ; ceux-ci constituant la garantie des créanciers intervenant dans le cadre professionnel ; et la responsabilité de l'entrepreneur étant limitée à l'actif ainsi affecté. Ce régime est avant tout un régime juridique, qui existe et s'applique indépendamment du régime fiscal applicable à l'entrepreneur individuel. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2011. Et, l'on sait qu'à compter du 1er janvier 2013, un même entrepreneur individuel pourra même constituer plusieurs patrimoines affectés. Si le Gouvernement avait pris soin de publier, in extremis, le principal décret d'application de la loi du 15 juin 2010 (décret n° 2010-1706 N° Lexbase : L0045IPD) au Journal officiel du 31 décembre 2010, l'administration fiscale n'aura pas usé du même zèle à publier une instruction afin d'expliciter plus avant les dispositions elliptiques de l'article 1655 sexies du CGI (N° Lexbase : L0432IPP) relatives au statut fiscal de l'EIRL. Un projet d'instruction opposable a été mis à la consultation publique le 22 février 2011 ; l'administration attendant de recueillir l'avis des professionnels, une fois n'est pas coutume, pour amender son projet et publier une version définitive dans les meilleurs délais. Et, à l'heure de ces quelques lignes, chacun conviendra que le régime fiscal du statut d'EIRL est perfectible et suscite même le doute chez les fiscalistes eux-mêmes (cf. Sébastien Jambort, Les lacunes du régime fiscal de l'EIRL, Bull. Joly Soc., mars 2011, n° 3, p. 261). D'abord, l'article 1655 sexies du CGI crée donc un principe d'assimilation de l'EIRL soumise au régime du réel normal à l'EURL (au-delà de 32 600 euros HT de recettes) -les EIRL soumises à un régime forfaitaire d'imposition n'ayant pas d'existence fiscale, ces dernières ne seront pas envisagées dans la présente étude-. Ensuite, la liquidation de l'EIRL emporte les mêmes conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation des droits sociaux d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Et, de sa constitution à sa liquidation, en passant par l'affectation et la désaffectation des biens privés ou professionnels au patrimoine de l'EIRL, force est de constater que, malgré l'absence de création d'une personne morale nouvelle, la taxation des plus-values latentes est de rigueur.
I - Le régime d'imposition de l'avocat/entrepreneur individuel à responsabilité limitée relevant d'un régime réel d'imposition

A - L'assimilation au régime de l'EURL à associé unique

Du fait de son assimilation, sur le plan fiscal, à une EURL à associé unique, l'avocat/entrepreneur individuel à responsabilité limitée soumis à un régime réel d'imposition est imposé comme une société de personnes, dans les conditions prévues à l'article 8 du CGI (N° Lexbase : L2311IB9), c'est-à-dire suivant le régime de la transparence fiscale. Les résultats de l'EIRL sont, ainsi, en principe imposés à l'impôt sur le revenu au nom de l'avocat qui l'a constituée, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux -les profits réalisés par les avocats non salariés ayant le caractère de BNC, sauf exception-.

Et, le fait que l'EIRL soit soumise à une obligation de tenue de comptes particulière est sans incidence sur la détermination de son résultat imposable : lorsque l'activité relève de la catégorie des BNC, le résultat imposable doit être déterminé selon les règles de la comptabilité de caisse et dans les conditions et limites posées par les articles 92 (N° Lexbase : L7147ICP) et suivants du CGI, quand bien même cette activité ferait, par ailleurs, l'objet d'un suivi selon les règles de la comptabilité d'engagement.

Par conséquent, et premier écueil de ce régime fiscal, non seulement l'avocat /entrepreneur individuel à responsabilité limité devra tenir deux comptabilités distinctes, l'une pour son exercice, l'autre pour son patrimoine d'affectation professionnelle, mais les règles de comptabilité pourront différer entre les deux. Pour ce qui est de la simplicité et de la cohérence, le régime comptable fait faux bon.

B - L'option pour le régime de l'impôt sur les sociétés

Dès lors qu'elle est assimilée, sur le plan fiscal, à une EURL, l'avocat/entrepreneur individuel à responsabilité limitée soumis à un régime réel d'imposition peut opter pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en application des e et f du 3 de l'article 206 du CGI (N° Lexbase : L0111IKC). L'option, irrévocable, est exercée dans les conditions et délais prévus à l'article 239 (N° Lexbase : L4947HLS), en particulier avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel elle s'applique. Si l'option pour l'impôt sur les sociétés est effectuée avant la fin du deuxième mois qui suit celui au cours duquel a été créée l'EIRL, celle-ci est alors assujettie à l'impôt sur les sociétés dès le jour de sa création.

En revanche, si l'option pour l'impôt sur les sociétés est réalisée postérieurement à cette période, l'EIRL ayant d'abord été redevable de l'impôt sur le revenu, ce changement de régime fiscal emporte les conséquences de la cessation fiscale prévue à l'article 202 ter (N° Lexbase : L2487HNG), c'est-à-dire l'imposition de tous les bénéfices non encore imposés à la date de ce changement, y compris les plus-values latentes à cette date.

Toutefois, le projet d'instruction prévoit que l'EIRL peut échapper à cette fiscalisation immédiate en application du mécanisme de l'atténuation conditionnelle prévu à ce même article 202 ter, à la double condition que l'EIRL n'apporte aucune modification à ses écritures comptables à l'occasion de ce changement de régime fiscal et que l'imposition des bénéfices en sursis d'imposition, plus-values latentes et profits non encore imposés sur les stocks demeure possible à l'impôt sur les sociétés.

Lorsque cette option est exercée, l'avocat est alors redevable de l'impôt sur les sociétés à raison du bénéfice imposable de l'EIRL, lequel est déterminé dans les conditions de droit commun applicables en matière d'impôt sur les sociétés. Ainsi, les sommes que l'avocat s'attribue en rémunération de son activité professionnelle sont traitées comme des rémunérations allouées à un associé d'une EURL ayant opté pour le régime des sociétés de capitaux, soumises conformément à l'avant dernier alinéa de l'article 62 (N° Lexbase : L2354IBS) à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires, et déductibles du bénéfice imposable de l'EIRL en application du I de l'article 211 (N° Lexbase : L2355IBT).

De la même façon, lorsque cette option est exercée, les sommes que se verserait l'avocat à d'autres titres que la rémunération de son activité professionnelle et qui devraient dès lors être assimilées à des dividendes ne sont pas déductibles des résultats imposables de l'EIRL et sont par ailleurs imposables à l'impôt sur le revenu entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des articles 108 (N° Lexbase : L2059HLT) à 115 du CGI.

Les dividendes ainsi imposables entre les mains de l'avocat dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont, en principe, soumis à l'impôt sur le revenu au barème progressif après application d'un abattement de 40 % puis d'un abattement fixe et annuel égal à 1 525 euros pour les célibataires et 3 050 euros pour les couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité. Toutefois, l'avocat peut opter pour l'application du prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 19 % prévu à l'article 117 quater (N° Lexbase : L0659IP4), applicable au montant brut de ses dividendes. Quel que soit leur mode d'imposition à l'impôt sur le revenu, ces revenus de capitaux mobiliers sont, par ailleurs, soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement social et ses contributions additionnelles) pour leur montant brut, aux taux fixés en fonction de la qualification retenue au plan social conformément aux articles L. 131-6-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1998IPP).

L'avocat doit être en mesure de justifier que le traitement fiscal qu'il applique aux sommes qu'il prélève sur le patrimoine affecté est conforme aux règles rappelées ci-dessus. A cet effet, il doit opérer un suivi, d'une part, des sommes qu'il s'attribue en rémunération de son activité professionnelle et, d'autre part, des dividendes qu'il se verse. En pratique, ces prélèvements, qui sont en principe enregistrés au débit du compte 108 "compte de l'exploitant" (ou de tout autre compte destiné à enregistrer les apports et retraits de l'avocat), pourront être ventilés dans des sous comptes dédiés.

II - Règles fiscales applicables aux affectations de biens à une EIRL

Dès lors que l'EIRL soumise à un régime réel d'imposition est assimilée, sur le plan fiscal, à une EURL, la création d'une EIRL à partir d'un cabinet (entreprise individuelle préexistante) entraîne :

- d'une part, un transfert des biens inscrits au patrimoine affecté, du patrimoine du cabinet d'avocat à celui de l'EIRL, qui doit fiscalement être traité de la même façon que l'apport de ces mêmes biens du patrimoine du cabinet d'avocat à celui d'une EURL ;

- d'autre part, la cessation du cabinet d'avocat, totale dans le cas où toutes les activités du cabinet sont désormais exercées en EIRL, partielle lorsque certaines activités préalablement exercées dans le cadre du cabinet d'avocat sont désormais exercées en EIRL tandis que d'autres activités, distinctes de celles exercées dans le cadre de l'EIRL, continuent d'être exercées en cabinet d'avocat.

Le transfert des biens inscrits au patrimoine affecté, du patrimoine du cabinet d'avocat à celui de l'EIRL, entraîne la constatation de plus-values ou de moins-values professionnelles, imposables ou déductibles dans les conditions de droit commun ; le cas échéant, les plus-values professionnelles dégagées à cette occasion sont susceptibles de bénéficier des exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies (N° Lexbase : L7200ICN) et 151 septies B (N° Lexbase : L1142IEZ) du CGI, lorsque les conditions qui y sont posées sont satisfaites. Lorsque le bien affecté à l'EIRL a d'abord figuré dans le patrimoine privé de l'avocat puis été inscrit à son patrimoine professionnel avant d'être transféré dans le patrimoine de l'EIRL, la fraction de la plus-value acquise pendant la période où le bien a figuré au patrimoine privé est immédiatement imposable selon les règles applicables aux plus-values des particuliers, conformément aux dispositions de l'article 151 sexies (N° Lexbase : L0662IP9).

Corrélativement, la valorisation des biens inscrits au patrimoine affecté se fait dans les conditions de droit commun, conformément à l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L3750HZW), c'est-à-dire pour leur valeur d'origine. En ce qui concerne l'application des règles fiscales et la détermination des résultats de l'EIRL, la valeur du bien déclarée par l'avocat lors de la constitution de son EIRL est donc sans incidence : seule est prise en compte la valeur réelle du bien au jour de son entrée dans le patrimoine affecté.

Enfin, la cessation, totale ou partielle, du cabinet d'avocat emporte quant à elle taxation immédiate, totale ou partielle, des bénéfices non encore imposés, conformément aux dispositions des articles 201 (N° Lexbase : L1704HNG) et 202 (N° Lexbase : L3715HL8) du CGI.

Toutefois, lorsque la constitution de l'EIRL à partir des biens inscrits au patrimoine professionnel de l'avocat, déjà assimilée à l'apport de ces biens à une EURL, peut, en réalité, au vu des circonstances de fait, être assimilée à l'apport d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité à une EURL ou à une EARL, les reports d'imposition des plus-values et les sursis d'imposition des profits sur stocks prévus à l'article 151 octies (N° Lexbase : L2463HNK) sont susceptibles d'être appliqués et ce que l'EIRL soit imposée selon le régime des sociétés de personnes ou ait opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés. Si elle en remplit les conditions, l'EIRL peut toutefois préférer appliquer aux plus-values professionnelles dégagées à cette occasion les exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B.

En ce qui concerne les biens du cabinet d'avocat non transférés dans le patrimoine de l'EIRL, la constitution d'une EIRL est sans incidence pour les titulaires de BNC, dès lors que pour ces derniers, les règles fiscales d'inscription au patrimoine professionnel sont identiques aux règles de composition du patrimoine affecté : les biens non-utilisés à l'activité professionnelle ne peuvent faire partie du patrimoine professionnel du contribuable imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et ne peuvent être affectés au patrimoine de celle-ci. Il se peut, cependant, que ce contribuable choisisse de ne pas inscrire au bilan de l'EIRL des biens utilisés mais non nécessaires à l'exercice de l'activité, qu'il avait préalablement considérés comme faisant partie de son patrimoine professionnel.

Les biens antérieurement inscrits dans le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel, qu'il n'a pu affecter ou qu'il a décidé de ne pas affecter au patrimoine de l'EIRL, reviennent dans son patrimoine privé. Ce retour dans le patrimoine privé est constitutif d'un fait générateur de la taxation des plus-values ou moins-values latentes sur ces biens, imposables ou déductibles dans les conditions de droit commun ; le cas échéant, les plus-values professionnelles dégagées à cette occasion sont susceptibles de bénéficier des exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B, lorsque les conditions qui y sont posées sont satisfaites. En revanche, le retrait du bien dans le patrimoine privé ne rend pas immédiatement imposable la plus-value qui aurait été acquise pendant la période où le bien a figuré au patrimoine privé de l'entrepreneur individuel, si tel avait été le cas avant l'inscription du bien à son patrimoine professionnel.

L'avocat peut, en outre, compléter son patrimoine affecté de biens qu'il avait jusque-là laissés dans son patrimoine privé, pour autant que ceux-ci soient utilisés à l'exercice de l'activité. Ces biens sont réputés être apportés du patrimoine privé à une EIRL (EURL par assimilation), ce qui constitue une cession à titre onéreux. La plus-value résultant de cet apport est par conséquent immédiatement imposable entre les mains de l'entrepreneur suivant le régime des plus-values des particuliers, dans les conditions prévues aux articles 150-0 A (N° Lexbase : L0663IPA) à 150 VH, et peut bénéficier, le cas échéant, des exonérations prévues par ce même régime.

Et l'on entrevoit, ici, le deuxième écueil de ce régime fiscal : alors que le statut de l'EIRL n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle, l'administration fiscale entend passer outre et opérer une taxation immédiate des créances acquises, comme si l'activité de l'avocat était cédée à autrui ou transférée à une personne morale distincte. Mieux, les biens professionnels non affecté au patrimoine de l'EIRL font l'objet d'une imposition sur les plus-values latentes ; il en va de même des biens privés, désormais, affectés au patrimoine professionnel de l'EIRL.

III - Règles fiscales applicables aux désaffectations de biens d'une EIRL

A - La désaffectation isolée d'un bien figurant au patrimoine de l'EIRL

Dès lors que l'avocat/entrepreneur individuel à responsabilité limitée est assimilé, sur le plan fiscal, à une EURL, la désaffectation d'un bien figurant au patrimoine affecté et sa reprise dans le patrimoine privé de l'avocat doivent être traitées comme le serait la sortie de ce bien du patrimoine social d'une EURL. Cette désaffectation est donc équivalente à la cession du bien suivie de la distribution des sommes réputées perçues en rémunération de cette cession.

Lorsque les résultats de l'EIRL sont imposés dans les conditions de l'article 8 du CGI, la désaffectation du bien est donc génératrice d'une plus-value ou moins-value, imposée dans les conditions de droit commun applicables à l'impôt sur le revenu aux plus-values ou moins-values professionnelles. La plus-value ou moins-value devra être calculée à partir de la valeur d'origine du bien désaffecté dans le patrimoine de l'EIRL et pourra bénéficier, le cas échéant, des exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B.

Du fait de l'assimilation à une structure soumise au régime des sociétés de personnes, la distribution des sommes réputées perçues en rémunération de cette cession n'est pas imposée.

Lorsque l'EIRL a opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés, la désaffectation du bien est génératrice d'une plus-value ou moins-value, imposée dans les conditions de droit commun applicables à l'impôt sur les sociétés. En outre, les sommes réputées avoir été perçues par l'EIRL en rémunération de cette cession puis distribuées à l'avocat sont imposées à l'impôt sur le revenu, entre les mains de ce dernier, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et soumises aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Toutefois, conformément au 1° de l'article 112 du CGI (N° Lexbase : L2650HNH), n'est pas assimilable à une distribution, la répartition correspondant à un remboursement d'apports ou de primes d'émission : à hauteur de ce remboursement, les sommes réputées distribuées ne sont donc soumises à aucune imposition. Il est, par ailleurs, rappelé qu'en application des dispositions combinées des articles 112 et 113 (N° Lexbase : L2079HLL), les réserves incorporées au capital ainsi que les bénéfices incorporés directement au capital ne sont pas considérés comme des apports, et qu'une répartition ne peut présenter le caractère de remboursement d'apports qu'à la condition que tous les bénéfices et réserves autres que la réserve légale aient été auparavant répartis.

Aussi, dès lors que conformément à l'article 441/12 du plan comptable général, l'EIRL doit systématiquement virer le résultat de l'exercice au compte de capital, la désaffectation d'un bien de l'EIRL ne pourra être, en tout ou partie, assimilée à un remboursement d'apport que si tous les bénéfices, incorporés ou non au capital, ont été auparavant prélevés par l'entrepreneur individuel.

Lorsque le bien désaffecté du patrimoine de l'EIRL avait figuré, préalablement à son inscription au patrimoine de l'EIRL, dans le patrimoine professionnel de l'avocat et que son affectation avait généré une plus-value professionnelle dont l'imposition avait été reportée en application de l'article 151 octies, sa désaffectation met fin à ce report, dans les conditions prévues à cet article.

B - La liquidation de l'EIRL

Conformément aux articles L. 526-15 (N° Lexbase : L1990IPE) et L. 526-16 (N° Lexbase : L1989IPD) du Code de commerce, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets, sur le plan juridique, en cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou en cas de décès de celui-ci, sauf si l'un de ses héritiers ou ayants droit manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté.

En application de l'article 1655 sexies du CGI, la liquidation de l'EIRL emporte les mêmes conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation des droits sociaux d'une EURL, à savoir :

- l'imposition immédiate des résultats non encore imposés à la date de cette cessation, y compris les éventuelles plus-values latentes, avec application, lorsque l'EIRL est imposée selon le régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8 et, sous réserve du respect des conditions d'éligibilité, des exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B ;

- lorsque l'EIRL est imposée selon le régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8, l'imposition de la plus-value ou moins-value d'annulation des "parts" de l'EIRL que l'entrepreneur individuel est réputé détenir, déterminée en fonction des règles posées par la jurisprudence "Quemener" (CE Contentieux, 16 février 2000, n° 133296 N° Lexbase : A0346AUD) ;

- lorsque l'EIRL est imposée à l'impôt sur les sociétés, l'imposition entre les mains de l'entrepreneur individuel du "boni de liquidation" de l'EIRL, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; par boni de liquidation, il convient d'entendre la différence entre le montant de l'actif net réel de l'EIRL à la date de sa liquidation et les sommes correspondant, par assimilation, à des apports dans l'EIRL.

La cessation fiscale de l'EIRL peut également entraîner l'imposition immédiate de plus-values en report, sur le fondement de l'article 151 octies ou 151 nonies (report portant sur les "parts" de l'EIRL que l'entrepreneur individuel est réputé détenir, par exemple dans le cas où il en a hérité ou dans le cas où l'EIRL, d'abord imposée selon le régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8, a opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés, entraînant le retrait de ces "parts" de son patrimoine professionnel à son patrimoine privé N° Lexbase : L1201IE9).

Dès lors que l'EIRL est assimilée, sur le plan fiscal, à une EURL, le décès de l'avocat n'emporte pas en soi cessation fiscale de l'EIRL. En effet, de la même façon que le décès de l'associé d'une EURL ou d'une EARL n'emporte la cessation fiscale de la société que dans le cas où celle-ci est par la suite liquidée, le décès de l'avocat n'entraîne la cessation de l'EIRL que si celle-ci est liquidée, c'est-à-dire que si son héritier ou ayant droit ne manifeste pas son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. En revanche, lorsque celui-ci manifeste l'intention de poursuivre l'activité, le décès de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée n'emporte pas cessation fiscale de l'EIRL. Lorsque l'EIRL était imposée chez le défunt selon les modalités prévues pour les sociétés de personnes défini à l'article 8, il y a alors lieu de constater une plus-value ou une moins-value afférente à la transmission des "parts" que ce dernier était réputé détenir sur l'EIRL, dont l'héritier ou l'ayant droit pourra reporter l'imposition en application de l'article 151 nonies.

La renonciation à l'affectation emporte également cessation fiscale de l'EIRL ; tel est également le cas lorsque le patrimoine affecté est cédé à une personne morale ou apporté en société (ce qui, en application du dernier alinéa du II de l'article L. 526-17 du Code de commerce N° Lexbase : L1988IPC, entraîne renonciation à l'affectation).

Outre les cas où la cessation fiscale de l'EIRL intervient du fait de sa disparition sur le plan juridique, la cessation fiscale de l'EIRL peut également intervenir pour des motifs purement fiscaux : cessation totale ou partielle de l'activité, changement réel d'activité, changement de régime d'imposition.

C - La transmission d'une EIRL

La transmission d'une EIRL soumise à un régime réel d'imposition doit être assimilée à la transmission d'une EURL. Plus précisément :

- dans les cas où la transmission de l'activité emporte liquidation de l'EIRL, la transmission de l'EIRL doit être assimilée à la transmission de l'activité par l'EURL ;

- dans les cas où la transmission de l'activité n'emporte pas liquidation de l'EIRL, la transmission de l'EIRL doit être assimilée à la transmission des parts d'une EURL.

Lorsque l'assimilation ainsi pratiquée aboutit à une situation où le contribuable serait éligible à un régime de faveur (CGI, art. 150-0 D ter N° Lexbase : L4706ICB, 151 septies A N° Lexbase : L8863ICA ou 238 quindecies N° Lexbase : L3104HNB), le même régime de faveur est applicable à la transmission de l'EIRL.

Ici encore, troisième écueil de ce régime fiscal de l'EIRL : la taxation en cas de cession ou de cessation de l'activité d'avocat, exercée par l'intermédiaire d'une EIRL, est lourde. L'acquéreur doit, quant à lui, supporter, outre le prix de l'acquisition de la clientèle, le coût fiscal supplémentaire soit d'une liquidation soit d'une cession de parts sociales.

IV - Autres impôts et taxes

A - La contribution économique territoriale

La loi de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 N° Lexbase : L1816IGD) a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1er janvier 2010, laquelle a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET) composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE), fondée sur les bases foncières et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont le taux est fixé au niveau national selon un barème progressif. Dans une telle hypothèse, l'EIRL et le cabinet d'avocat font l'objet de deux impositions distinctes. Les déclarations, avis d'imposition et pièces de procédure relatifs à l'imposition de l'EIRL sont adressés à l'avocat sous la dénomination qu'il a choisie pour son EIRL ; ce qui n'est pas fait pour simplifier les obligations fiscales des avocats souhaitant affecter une partie de leur patrimoine à une EIRL.

B - La taxe sur les véhicules des sociétés

Dès lors que l'EIRL est assimilée, sur le plan fiscal, à une EURL, elle est soumise à la taxe sur les véhicules des sociétés prévue à l'article 1010 du CGI (N° Lexbase : L0679IPT), à raison des véhicules de tourisme qu'elle utilise en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elle possède et qui sont immatriculés en France.

On comprend, dès lors, que toute la contrariété que peut susciter l'adoption de ce statut d'EIRL par les avocats, comme par les autres entrepreneurs individuels et professionnels libéraux, tient en ce que, par mesure de simplicité apparente, le service de la législation fiscale a entendu assimiler EIRL et EURL, alors que la loi dispose clairement d'une absence de création d'une personne morale nouvelle et que son dispositif avait simplement pour but de protéger le patrimoine des professionnels exerçant individuellement et non de permettre aux bénéficiaires de ce nouveau régime une quelconque évasion fiscale. Et, le caractère hybride conféré à l'EIRL sur le plan fiscal, en tant qu'entreprise individuelle dépourvue de la personnalité morale soumise, sur option, à l'impôt sur les sociétés ne fait qu'entretenir le doute, à l'heure où l'adoption d'un tel patrimoine d'affectation nécessite de la clarté et de la praticité. Voulant écarter tout risque d'abus de droit, l'administration fiscale a, peut-être, péché par excès de zèle avec cette assimilation sans point de concordance juridique entre EIRL et EURL ; un excès de zèle qui pourrait bien entraîner, avant l'heure, la mort de ce nouveau-né juridique tant attendu par les professionnels individuels.

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