Le refus, par les autorités judiciaires turques, de reconnaître le pouvoir de représentativité du syndicat, indispensable pour négocier des accords collectifs, ne constitue pas une violation de l'article 11 (liberté de réunion et d'association) de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (
N° Lexbase : L4744AQR), aussi longtemps que celui-ci ne remplit pas les conditions légales telles qu'interprétées par les juridictions nationales. En revanche, constituent une violation de cet article, les manquements à l'obligation positive de l'Etat d'empêcher l'employeur d'exclure tous les salariés affiliés au syndicat requérant par des licenciements abusifs. Telles sont les solutions résultant d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 4 avril 2017 (CEDH, 4 avril 2017, Req. 35009/05
N° Lexbase : A1146UTM).
En l'espèce, les autorités judiciaires turques ont annulé la représentativité d'un syndicat, estimant que le nombre d'adhérents était trop faible dans une société. Cette dernière a, par ailleurs, invité les salariés membres du syndicat à résilier leur adhésion sous peine de licenciement. Quarante d'entre eux refusèrent et furent licenciés pour raisons économiques ou pour insuffisances professionnelles. En 2004, par différents jugements, les juridictions internes ordonnèrent à la société de réintégrer les salariés licenciés, ou à défaut, de leur verser une indemnité pour licenciement abusif. Aucun salarié ne fut réintégré.
Le syndicat a donc saisi la CEDH, alléguant une violation de l'article 11 de la CESDH, en raison de l'annulation de son pouvoir de conclure une convention collective au nom de ses adhérents et des licenciements dont ceux-ci ont fait l'objet. Il allégua, qu'en reconnaissant à l'employeur la possibilité de choisir entre la réintégration du personnel licencié et l'octroi d'une indemnité de licenciement, les juridictions internes auraient ouvert la voie au licenciement des salariés désirant rester adhérents du syndicat.
En énonçant les règles susvisées, la CEDH considère que les décisions judiciaires relatives à leur refus de reconnaitre la représentativité du syndicat relèvent de la marge d'appréciation de l'Etat quant à la manière d'assurer, tant la liberté syndicale en général, que la possibilité pour le syndicat de protéger les intérêts professionnels de ses membres. La CEDH précise, en revanche, que la loi interne turque, permettant de choisir entre la réintégration du personnel licencié et l'octroi d'une indemnité de licenciement, n'impose pas de sanctions suffisamment dissuasives pour l'employeur, qui, en procédant à des licenciements massifs abusifs, a réduit à néant la liberté du syndicat requérant de tenter de convaincre des salariés de s'affilier (cf. l’Ouvrage "Droit du travail"
N° Lexbase : E1791ETI).
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