La lettre juridique n°693 du 30 mars 2017 : Éditorial

Le Gange, plus vivant que la matière... juridique

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 30 Mars 2017


"O triste mer ! sépulcre où tout semble vivant !" - Victor Hugo, La Légende des siècles

Ce n'est pas une mer -encore qu'on l'appelle Maa (mère en hindi)- mais,désormais, le Gange (et le Yamuna), fleuve le plus pollué de l'Inde et du monde, est juridiquement considéré comme un être vivant, doté de la personnalité juridique. Le Gange a désormais des droits, ceux conférés par la Constitution indienne, selon la justice de l'Etat himalayen de l'Uttarakhand, pour lui permettre de combattre plus efficacement les atteintes incessantes à son intégrité : sa pollution.

"Plus de 1500 millions de litres d'eaux usées brutes sont déversées chaque jour dans le Gange. Ces eaux rejoignent 500 millions de litres de déchets industriels déversés par plus de 700 industries fortement polluantes situées le long de celui-ci" : voici le triste sort réservé au fleuve sacré qui lave les péchés de quelques un milliard d'hindous.

L'affaire pourrait paraître anecdotique, si d'abord, elle ne faisait pas suite, déjà, à la reconnaissance de la personnalité morale, en Nouvelle-Zélande, d'un fleuve révéré par les Maoris, pour des raisons spirituelles -comme El Niño, le courant chaud pourrait atteindre toutes les côtes- ; si, ensuite, le seul moyen qu'avait la nature pour se défendre n'était pas de se constituer elle-même partie civile contre ses violeurs et profanateurs invétérés, l'Humanité toute entière.

La personnalité juridique reconnue à un fleuve : une farce juridique sur le limon d'une communication alarmiste ? Où la thèse de la réalité l'emporte sur celle de la fiction, une nouvelle fois ?

"Je n'ai jamais déjeuné avec une personne morale", pour citer Gaston Jèze . "Moi non plus, mais je l'ai souvent vue payer l'addition" répondait Jean-Claude Soyer.

De toute manière, lorsque l'Etat ne reconnaît pas la personnalité morale à une entité, la jurisprudence s'y attèle pour lui donner "la possibilité d'une expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés".

On pensait qu'un être vivant possédait un corps et un esprit pour guider ce corps ; qu'il était habité par la vie et qu'il pouvait prendre des décisions et faire des choix en fonction de ses goûts et ses affinités. Sans doute que la sacralité du Gange joua beaucoup dans l'anthropomorphique décision de lui reconnaître une personnalité juridique. Mais, la poésie peut avoir droit de cite(r) aussi en droit : "Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière" versifiait Baudelaire dans ses Fusées.

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