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N3421BR7
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par La Rédaction
le 04 Février 2011
A l'occasion de ses voeux, le Bâtonnier a souhaité les partager avec ceux que la réforme de la carte judiciaire a laissés "au bord du chemin". Pour mémoire, 22 tribunaux de grande instance ont été supprimés au 31 décembre 2010.
Et, de citer les avocats au barreau de Riom qui sont, aujourd'hui, devenus avocats en résidence à Riom. La formule ne choquera pas les notaires que la loi du 25 ventôse de l'an XI a assignés à résidence et ce jusqu'au lendemain de la dernière guerre ! Ainsi, devaient-ils, à raison de leur qualité d'officier public et ministériel, demeurer dans ou autour de leur étude.
Aujourd'hui et par un curieux retour de l'histoire, ce sont les avocats privés de leurs TGI qui entendent, d'eux-mêmes, demeurer au plus près de leurs clients.
La situation des avocats en Tunisie
A l'instar du Conseil national des barreaux qui avait organisé une conférence de presse sur le sujet le 10 janvier 2011 (lire N° Lexbase : N1554BRY), le Bâtonnier a souligné le courage et l'abnégation des avocats tunisiens que les évènements récents n'ont pas épargnés.
Il a rappelé que "le pouvoir en place jusqu'à la fuite inespérée du président Ben Ali n'a pas hésité à tirer sur ses ressortissants, ni même à traîner au sol jusque dans les prétoires des avocats dont la seule faute fut de prendre la défense de leurs frères à la recherche de pain ou d'un emploi dans un pays qui n'était plus qu'une dictature corrompue à laquelle pourtant notre ancien Garde des Sceaux aujourd'hui chef de la diplomatie française a souhaité proposer une coopération sécuritaire".
Aide juridictionnelle
La question posée par le Bâtonnier est claire et sans équivoque : "Combien de temps pourra-t-on encore supporter l'honteux désengagement de l'Etat pour sa Justice ?"
Il a rappelé, à cet égard, une lettre du 13 janvier dernier rédigée par la Confédération nationale des avocats (CNA) et appelant à une grande coordination nationale. En effet, selon la CNA, la profession est particulièrement inquiète de l'avenir qui sera réservé à la fois à la réforme de la garde à vue et à la rémunération des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle. Le syndicat a rappelé qu'aux termes d'un protocole signé par les représentants de la profession et la Chancellerie, le 18 décembre 2000, des engagements fermes avaient été pris et n'ont jamais été tenus. A cet égard, depuis le 15 décembre 2010, de nombreux barreaux français se mobilisent et, par différents moyens d'action, interpellent les pouvoirs publics pour que les obligations de l'Etat soient respectées et que les avocats puissent dignement assister et défendre tous nos concitoyens quel que soit l'état de leur fortune. L'objectif de cette grande coordination est d'envoyer un signe fort afin de faire comprendre que tous les avocats quels que soient leur mode d'exercice, leurs spécialités, la taille de leur cabinet, sont unis pour défendre l'accès de tous à la justice et la défense pour tous d'une même notion de liberté.
Pour Arnauld Bernard, il n'est pas concevable, alors que tous les avocats s'acquittent, pour leurs clients du secteur que l'on appelle encore libre, d'un droit de plaidoirie, fût-il de 8,84 euros, que l'Etat, quant à lui, s'en affranchisse brutalement dans le cadre "hypocrite d'une loi de finances scélérate qui va donc contraindre les avocats du secteur dit assisté, à puiser dans leurs indigents émoluments, une dîme nouvelle dont une part non négligeable alimentera au surplus la compensation nationale".
Il estime qu'il y a là une incontestable rupture d'égalité.
Ainsi, selon lui le doute est permis : la profession peut-elle encore croire dans les promesses qui sont faites selon lesquelles l'Etat abondera à hauteur du différentiel de TVA les dotations que les barreaux reçoivent pour régler aux avocats les missions d'aide juridictionnelle qu'ils remplissent et dorénavant taxables à 19,60 % ? Ou, au contraire, faut-il craindre que les Ordres, sur leurs fonds propres, n'aient finalement à supporter ce différentiel ?
Garde à vue
Sujet phare du moment, le Bâtonnier de Créteil ne pouvait passer sous silence la réforme de la garde de vue actuellement en cours d'examen. Le projet de loi adopté en première lecture le 25 janvier dernier ne fait pas l'unanimité de la profession, en témoigne la motion adoptée par le barreau de Paris (lire N° Lexbase : N1767BRU). Maître Arnauld Bernard rappelle que, "malgré la victoire remportée sur le tapis vert du Conseil constitutionnel, et les coups portés à notre système de rétention d'un autre âge par les plus hautes instances juridictionnelles européennes et mêmes nationales, il s'en est fallu de peu pour que l'audition libre ne voit le jour".
Si la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue était prochainement légalisée, se pose néanmoins la question de savoir si l'espoir d'assister à un recul du nombre de ces gardes à vues qui n'a cessé de croître ces dernières années est permis.
Dans un récent aveu à la presse, le ministre de la Justice et des Libertés déclarait viser 300 000 gardes à vue de moins. Or, le Bâtonnier relève que sur la base des chiffres connus, il en resterait donc 500 000, "chiffre encore impressionnant pour un texte qui s'annonçait avant l'été comme voulant précisément limiter cette mesure". Afin de mieux saisir la teneur du problème, il a ramené ce chiffre à l'échelle de son barreau. En 2009, le barreau du Val-de-Marne a recensé 21 617 gardes à vue pour un effectif moyen de 470 avocats. En comptant sur un groupe de défense pénale déjà fort de 140 avocats rompus à cet exercice, la moyenne s'établit à 154 gardes à vue par an et par tête soit 13 par mois ou encore plus finement 4 à 5 par semaine. Rappelant que la population pénale locale est éligible à 80 % à l'aide juridictionnelle, il soulève l'évidence que jamais ne pourra être assurer une assistance digne de ce nom sans un budget singulièrement revu à la hausse et dans des proportions qui n'auront rien à voir avec les quelques dizaines de millions d'euros proposés.
L'ouverture des tribunaux correctionnels aux jurés populaires
Lancée à l'automne dernier et appelée de ses voeux par le Président de la République, l'ouverture des tribunaux correctionnels aux jurés populaires ne fait pas, là encore, l'unanimité de la Profession. L'avocat général Philippe Bilger faisait part, il y a peu, de son impression : cette réforme répondait à une pulsion présidentielle ; "rien de ce qui concerne la magistrature n'est profondément pensé". Concrètement, il s'agirait de tirer au sort sur les listes électorales des citoyens qui seraient associés aux magistrats de souche. Pour Arnauld Bernard, il semblerait que "nos gouvernants ou ceux qui réfléchissent pour eux n'aient réellement perdu la notion de ce que juger était un métier". Et de se demander ce que fera un juré populaire face à un dossier technique tel qu'un dossier d'espionnage industriel supposé dans lequel il faudra se prononcer sur la régularité d'une enquête privée avancée comme mode de preuve par une partie à laquelle son contradicteur opposera la réponse de la dénonciation calomnieuse et ses méandres jurisprudentiels.
D'où, face à tous ces constats, la volonté de la Profession de se retrouver au sein d'une représentation nationale suffisamment forte pour porter sa voix mais aussi comprise de sa base qui ne s'y reconnaît plus guère.
Le Bâtonnier souhaite que les consultations actuellement demandées aux Ordres aboutissent à une vraie refonte du Conseil national des barreaux qu'il appelle de ses "prières".
Et de garder l'espoir que la montagne se couvrira bientôt d'or...
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