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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise
le 02 Février 2011
A - Titulaire du droit de recours contre l'ordonnance d'autorisation
Aux termes de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (N° Lexbase : L7358IAR), l'article L. 16 B II du LPF (N° Lexbase : L0549IHS) prévoit les modalités du recours contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui doit mentionner les délais et voies de recours. Ainsi, l'appel, non suspensif devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétente, contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) est ouvert à certaines personnes. Les titulaires à titre principal du recours contre l'ordonnance du JLD (les appelants) sont exclusivement l'occupant des locaux visités (domicile ou local professionnel du contribuable concerné ou tout autre lieu où les pièces et documents sont susceptibles d'êtres détenus) et l'auteur présumé des agissements dont la preuve est recherchée par la mise en oeuvre de la procédure de visite et de saisie. Aux termes même de l'instruction, cet appel contre l'ordonnance du JLD institué par la loi du 4 août 2008, ne vise qu'à contrôler la légitimité de l'atteinte au domicile subie par les personnes visitées (instruction 1er avril 2009, BOI 13 K-4-09, n° 20 et n° 21 N° Lexbase : X6048AEQ).
De même, des mesures transitoires ont été prévues dans le cadre de la loi du 4 août 2008. Ainsi, les contribuables relevant de certaines situations spécifiques peuvent faire appel contre l'ordonnance du JLD ayant autorisé la procédure de visite et de saisie. Parmi ces situations, aux termes de l'article 164 d du 1 du IV de la loi du 4 août 2008, "est concerné le contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie réalisée avant le 6 août 2008 suivie d'une procédure de contrôle visée aux articles L. 10 (N° Lexbase : L4149ICN) à L. 47 A du LPF, pour laquelle des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires (remise en cause de déficits ou de crédits de TVA) ont été effectuées et fondées à partir des éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, dès lors que ces impositions ou ces rectifications, à la date du 6 août 2008 :
- font l'objet d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge de l'impôt, à l'exception des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée (c'est-à-dire que l'arrêt de la cour administrative d'appel a été rendu) ;
- ou sont encore susceptibles de faire l'objet d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge de l'impôt (tant que les délais d'introduction des réclamations ne sont pas expirés)" (instruction du 1er avril 2009, BOI 13 K-4-09, n° 86 et n° 87).
Par un arrêt du 7 décembre 2010, la Cour de cassation a eu l'occasion de souligner qu'en application de l'article 164 IV 1 d de la loi du 4 août 2008, un appel de l'ordonnance et un recours contre les opérations de saisie peuvent être formés lorsqu'à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications effectuées, et qu'elles sont susceptibles de faire l'objet à la date de l'entrée en vigueur de la loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge.
B - Conditions de mise en oeuvre des saisies
La décision de la Chambre commerciale du 9 novembre 2010 précise que l'article L. 16 B du LPF ne soumet l'inventaire des pièces saisies par l'administration à aucune forme particulière.
Il ressort du texte même (LPF, art. L. 16 B IV) qu'"un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi".
Les moyens invoqués par les requérants soulignaient que l'administration ne pouvait saisir que les documents de nature à apporter la preuve des agissements frauduleux dont la recherche a été autorisée par l'autorité judiciaire. En principe, il appartient au juge lui-même, saisi de la régularité des opérations, de contrôler la conformité des saisies opérées à l'objet de l'autorisation. Dans le cadre de ce contrôle, celui-ci peut, le cas échéant, être amené à ordonner la restitution des pièces ou à interdire leur utilisation lorsque celles-ci sont sans lien avec la recherche des infractions. Ainsi, le rapport entre les pièces saisies et la fraude présumée à l'origine de l'autorisation de mettre en oeuvre le droit de visite et de saisie se révèle un élément fondamental du déclenchement de la procédure. Pour ce faire, l'article L. 16 B IV du LPF exige qu'un inventaire des pièces et documents saisis soit établi. Cet inventaire, signé par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par l'occupant des lieux, son représentant ou les témoins, est annexé au procès-verbal des opérations. L'inventaire peut être différé jusqu'à ouverture des scellés lorsque, en raison des difficultés de l'inventaire sur place, les pièces et documents ont été placés sous scellés.
Ce document revêt une importance particulière puisque l'original est, dès qu'il est établi, adressé au juge qui a autorisé la visite et qu'une copie est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant (LPF, art. L. 16 B V). Le motif de ces obligations repose essentiellement sur la volonté d'éviter toute confusion quant à l'origine des pièces et toute manipulation. Une copie est également adressée représentant par lettre recommandée avec avis de réception à l'auteur présumé des infractions visées. L'article L. 16 B du LPF ne soumet l'établissement de l'inventaire des pièces et documents saisis à aucune forme particulière. Dès 1998, la Chambre commerciale avait eu l'occasion de préciser que l'inventaire est régulier, dès lors que l'ensemble des documents appréhendés, s'ils ont été regroupés dans des chemises sous des titres divers, ont été compostés individuellement et par page par les agents de l'administration habilités à cet effet (Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-30.076 N° Lexbase : A7783CXK). Ainsi, la Cour de cassation n'impose pas la mention, une par une, des pièces objets de l'inventaire de saisie. Elle a, par ailleurs, précisé qu'un document non inventorié n'est pas de nature à vicier la saisie des autres pièces (Cass. com., 12 janvier 1999, n° 97-30.031 N° Lexbase : A8699AHN).
L'administration ne peut appréhender que les documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie domiciliaire. Toutefois, il ne lui est pas interdit de saisir des documents, pour partie, utiles à la preuve des agissements retenus (Cass. com., 12 novembre 1996, n° 94-13.943 N° Lexbase : A2057CSY).
Dans la décision du 9 novembre 2010, il était question de se s'interroger sur la précision de l'acte d'inventaire rédigé. Selon la Haute juridiction, l'article L. 16 B du LPF ne soumet pas l'inventaire à une forme particulière. L'inventaire en cause regroupait, sous des titres divers, les documents qui avaient été tous individuellement identifiés à l'aide d'un composteur et ainsi l'inventaire apparaissait comme suffisamment précis.
Il convient, malgré tout, d'analyser le procès verbal d'inventaire, puisque dans le cadre d'une contestation relative à la régularité des opérations, le requérant qui soutient que la saisie effectuée n'a pas respecté le principe de proportionnalité par rapport au but poursuivi, découlant de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (droit au respect de la vie privée et du domicile N° Lexbase : L4798AQR), doit préciser les pièces dont l'appréhension aurait conféré à la saisie un caractère massif et indifférencié prohibé par ce texte. Même si le juge n'a pas à rechercher si les inventaires étaient suffisamment précis ni, le cas échéant, à les faire préciser, il devra, s'il en est saisi, s'interroger sur le caractère disproportionné des saisies (Cass. com., 2 juillet 1996, n° 93-20.725 N° Lexbase : A3859CLI ; Cass. com., 8 février 2000, n° 98-30.103 N° Lexbase : A5772CPH).
A ce stade, il convient de souligner la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, précisant que l'ingérence dans le domicile dans le cadre d'une visite domiciliaire, doit demeurer proportionnée au but poursuivi et être exempte de tout excès (CEDH, 29 novembre 1993, Req. 86/1991/338/411 N° Lexbase : A6546AWD et CEDH, 25 février 1993, Req. 82/1991/334/407 N° Lexbase : A6542AW9). Les opérations relatées dans le procès-verbal de clôture ne doivent pas dépasser le cadre fixé par l'ordonnance d'autorisation (CEDH, 16 octobre 2008, Req. 10447/03 N° Lexbase : A7387EAT).
II - Sanctions
Au-delà des peines principales susceptibles d'être prononcées dans le cadre du délit de fraude fiscale, le législateur a prévu, également, des sanctions complémentaires comme la publication et l'affichage du jugement. Par ailleurs, la poursuite du délit peut comporter à l'égard des personnes condamnées d'autres conséquences comme la solidarité.
A - Peines complémentaires : affichage et publication du jugement
Le Conseil constitutionnel vient de déclarer contraire à la Constitution l'article 1741, alinéa 4, du CGI (N° Lexbase : L1670IPK). Aux termes de cet article, "le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la publication et de l'affichage dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné".
Nous avions, déjà, eu l'occasion de souligner qu'il s'agissait d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par un jugement du tribunal correctionnel de Vienne en date du 29 juin 2010, dans la procédure suivie du chef de fraude fiscale. La Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question suivante (Cass. crim., 5 octobre 2010, n° 10-90.097, F-D N° Lexbase : A3909GBE) : "Les dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du Code général des impôts portent-elles atteinte aux principes de la nécessité et de l'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) en ce qu'elles imposent, de manière automatique, la publication et l'affichage aux frais du condamné, d'un éventuel jugement de condamnation, sans que le juge ait expressément prononcé une telle peine complémentaire au regard des circonstances propres à l'espèce ?".
Après avoir rappelé que le principe d'individualisation des peines découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en ce que "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires [...]", le juge constitutionnel souligne qu'en instituant une peine obligatoire de publication et d'affichage du jugement de condamnation pour des faits de fraude fiscale, l'article 1741 du CGI, en son alinéa 4, vise à renforcer la répression de ce délit en assurant à cette condamnation la plus large publicité. En effet, le tribunal ordonne dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Il s'agit, là, d'une peine complémentaire obligatoire, le juge étant tenu d'ordonner la publication et l'affichage sans en fixer la durée prévue par le texte (Cass. crim., 23 février 1972, n° 71-90.912 N° Lexbase : A6568CI4, Bull. crim., 1972, p. 173, n° 73 ; Cass. crim., 17 novembre 1976, n° 75-90.564 N° Lexbase : A9149CHC, Bull. crim., 1976, p. 838, n° 329).
C'est justement sur cette obligation faite au juge d'ordonner, d'une part, la publication du jugement de condamnation au Journal officiel et, d'autre part, l'affichage du jugement sans varier ni la durée de l'affichage fixée à trois mois, ni les modalités de celui-ci, que le juge constitutionnel constatera l'atteinte portée au principe d'individualisation des peines en déclarant contraire à la Constitution cette disposition. La faculté qu'avait le juge prononçant la sanction de décider d'une publication et d'un affichage de façon intégrale ou par extraits a été considérée comme insuffisante au respect des exigences découlant du principe d'individualisation des peines.
Pour la doctrine, l'individualisation de la peine doit intégrer des mesures de resocialisation afin de prévenir toute rechute dans la criminalité (cf. Marc Ancel, La défense sociale nouvelle, 3ème éd., Cujas, 1981), la pièce maîtresse de ce dispositif d'individualisation est la création du juge de l'application des peines, chargé de suivre le délinquant après sa condamnation. Dans cette perspective les articles 132-21 du Code pénal (N° Lexbase : L3759HGC) et 702-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9382IE9) prévoient que les juges aient la faculté de relever en tout ou partie les condamnés des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication résultant de leur condamnation sans être tenus de motiver leur décision par des motifs spéciaux (Cass. crim., 13 janvier 1992, n° 91-83.219 N° Lexbase : A3180CSL). L'article 702-1 du Code de procédure pénale prévoit que les mesures de publication et d'affichage sont susceptibles d'être relevées, le contribuable devant présenter sa demande sur ce dernier fondement. A ce stade, il convient de souligner que l'individualisation de la sanction doit non seulement être prise en compte lors de son exécution, mais également au stade du prononcé de la peine. Le juge doit pouvoir tenir compte des circonstances très diverses comme l'âge du délinquant, de sa qualité de récidiviste ou de délinquant primaire, de son état d'esprit ou encore des mobiles qui ont poussé l'individu à agir.
Quelle que soit l'école de pensée, positiviste ou de défense sociale nouvelle, la réaction de la collectivité contre le délinquant ne repose nullement sur des considérations morales. Si l'utilité de la sanction domine, il conviendra au juge du fond de s'interroger sur l'impact de la fraude au regard du caractère informationnel de l'affichage et de la publication sans considération infamante. Par exemple, une fraude relative à un montage carrousel en matière de TVA susceptible d'entraîner la participation de tiers à leur insu, nécessiterait une large infirmation. Dans d'autres cas, la publication et l'affichage ne comporterait qu'un caractère infamant s'éloignant du respect de la personne et du principe de légalité et de nécessité de l'intervention judiciaire. Ainsi, quelle que soit la conception adoptée, le juge doit avoir la faculté de prononcer ou non la peine complémentaire.
B - Obligation solidaire pour le paiement des droits fraudés
La décision rendue par la Chambre criminelle, le 19 mai 2010, relative à une fraude fiscale classique en matière de TVA par minoration du chiffre d'affaires déclaré, mérite d'être soulignée à double titre. Elle confirme, dans un premier temps, sans ambiguïté, la nature juridique de cette sanction pour ensuite préciser l'impact de l'action de l'administration fiscale. En effet, la Chambre criminelle affirme que la solidarité prévue par l'article 1745 du CGI (N° Lexbase : L1736HNM) est une mesure à caractère pénal qui peut être prononcée par la cour d'appel même en l'absence d'appel de l'administration fiscale. Ainsi la cour d'appel justifie sa décision qui, sur les seuls appels du ministère public et du prévenu infirmant le jugement ayant relaxé partiellement ce dernier et limité la solidarité au montant de la fraude retenue, déclare le prévenu coupable de tous les faits de fraude fiscale visés à la prévention et dit qu'il sera solidairement tenu, avec le redevable légal de l'impôt, au paiement de l'ensemble des impôts.
Sur cette sanction qui n'avait pas été clairement définie, les auteurs y voyaient une voie d'exécution supplémentaire accordée à l'administration en cas de faute pénale.
Elle constitue une mesure pénale et non pas une réparation civile. La confusion trouvait son origine dans le caractère particulier des poursuites par l'administration fiscale. La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que "la constitution de partie civile devant les juridictions correctionnelles, dans les poursuites exercées pour les infractions visées au CGI, fondée sur les dispositions de l'article L. 232 du LPF (N° Lexbase : L2500HZM), permet à l'administration des impôts de suivre la procédure et d'y intervenir dans l'intérêt du fisc, mais ne lui ouvre pas le droit de demander, pour la réparation du préjudice causé au Trésor public par la fraude, une réparation distincte de celle qui est assurée par les majorations et amendes fiscales" (Cass. crim., 17 avril 1989, n° 88-81.189 N° Lexbase : A8489CHU).
Selon l'article 1745 du CGI, tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741 (N° Lexbase : L1670IPK), 1742 (N° Lexbase : L1734HNK) ou 1743 (N° Lexbase : L1735HNL) du CGI, peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes.
Les personnes tenues par la solidarité édictée par l'article 1745 du CGI sont tous les auteurs, coauteurs ou complices d'une même infraction qui ne sont pas le redevable légal de l'impôt fraudé, en l'espèce il s'agissait du gérant d'une SARL. La Cour de cassation a, d'ailleurs, eu l'occasion de préciser que, lorsque le redevable légal de l'impôt fraudé est une personne morale, la solidarité n'est encourue par le dirigeant poursuivi pénalement que dans la mesure où ce dernier avait la direction de la société au sein de laquelle la fraude fiscale a été perpétrée (Cass. crim., 6 avril 1987, n° 85-96.581 N° Lexbase : A0042AAS, Bull. crim., n° 157, p. 425). Il va de soi que la solidarité ne peut être prononcée si le prévenu a cessé ses fonctions au moment des faits poursuivis (Cass. crim., 2 mars 1987, n° 85-93.947 N° Lexbase : A6799AA3, Bull. crim., n° 101, p. 277). De même, l'administration ne peut exercer les droits découlant de la solidarité pour le recouvrement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes que si cette solidarité a été ordonnée par le juge pénal dans le cadre d'une condamnation devenue définitive prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 du CGI (Cass. crim., 8 décembre 1980, n° 79-94.929 N° Lexbase : A8500AX4, Bull. crim., 1980, p. 868, n° 337). Les travaux préparatoires de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 (N° Lexbase : L3443IP9), d'où est issu l'article 1745 du CGI, mentionne que seul le juge pénal peut décider s'il y a lieu de déclarer le prévenu, solidaire pour le paiement de l'impôt fraudé et des pénalités. Le juge répressif apprécie souverainement et de manière autonome la solidarité issue de l'article 1745 du CGI (Cass. crim., 22 décembre 1986, n° 85-91.140 N° Lexbase : A6784AAI, Bull. crim., 1986, p. 998, n° 382 ; Cass. crim., 10 juin 1987, n° 86-94.488 N° Lexbase : A8419AA3, Bull. crim., 1987, p. 653, n° 239 ; Cass. crim., 16 novembre 1992, n° 91-83.504 N° Lexbase : A4277CUX). En effet, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision pénale, ne fait pas obstacle à ce que le juge pénal déclare, sur le fondement de l'article 1745 du CGI, le dirigeant de fait solidairement responsable du paiement des impôts et pénalités et cela même si le prévenu ne pouvait pas être solidairement tenu, sur le fondement de l'article L. 267 du LPF (N° Lexbase : L0567IHH).
Sur le caractère purement pénal des poursuites en matières de fraude fiscale, la jurisprudence en a déduit qu'en l'absence de recours du ministère public, l'administration fiscale est sans qualité pour remettre en cause ce qui a été jugé sur l'action publique et que, par voie de conséquences, sont irrecevables ses appels d'ordonnance de non-lieu, de jugements de relaxe, ses pourvois d'arrêts de non-lieu ou de relaxe (en dernier lieu, Cass. crim., 16 juin 2010, n° 09-86.536 N° Lexbase : A5071E8C). Au regard de la solidarité issue de l'article 1745 du CGI, il avait été jugé (Cass. crim., 18 septembre 2002, n° 01-87.824 N° Lexbase : A9642AZ7, Bull. crim., n° 168), qu'elle ne pouvait être prononcée par les juridictions répressives qu'à la requête de l'administration fiscale, partie civile, créant un doute supplémentaire sur la nature juridique de la disposition.
Dans l'affaire "Manzoni", seuls le prévenu et le ministère avaient interjeté appel du jugement de condamnation qui avait rejeté la demande de solidarité émanant de l'administration fiscale. La cour d'appel avait à son tour prononcé la solidarité, mais la Cour de cassation a censuré cette décision en soulignant que les juges ne pouvaient pas réformer les dispositions d'un jugement au profit de l'administration qui n'apparaissait pas en appel.
Sur cette base, le demandeur au pourvoi de la décision commentée en a logiquement déduit, sur le fondement des articles 509 (N° Lexbase : L3901AZI) et 515 (N° Lexbase : L3906AZP) du Code de procédure pénale, qu'en l'absence de recours de cette administration, la solidarité ne pouvait être étendue au-delà de ce qu'avaient retenu les juges du tribunal correctionnel. La décision rendue le 19 mai 2010 contrecarre la position initialement admise en soulignant que la solidarité énoncée à l'article 1745 du CGI est une mesure pénale pouvant être prononcée par le juge répressif indépendamment de toute demande ou de tout recours de l'administration fiscale.
Dans le cadre de ce caractère pénal, il convient de souligner que le juge du fond dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour prononcer la solidarité demandée par l'administration fiscale sans avoir à motiver spécialement cette décision (Cass. crim., 6 avril 1987, n° 85-96.581 N° Lexbase : A0042AAS, Bull. crim., 1987, p. 425, n° 157 ; Cass. crim., 10 juin 1987, n° 86-94.488 N° Lexbase : A8419AA3, Bull. crim., 1987, p. 653, n° 239). En revanche, et conformément au principe issu de l'article 480-1 ancien du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3881AZR) selon lequel, il ne peut y avoir condamnation solidaire que pour un même délit ou des délits connexes, la solidarité de l'article 1745 du CGI, ne peut être prononcée pour des faits distincts (Cass. crim., 10 janvier 1973 N° Lexbase : A8573CGM, n° 71-93.351, Bull. crim., 1973, p. 36, n° 14).
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