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N1722BR9
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction
le 31 Janvier 2011
Claus Wiesel : Lors de la création d'une école pour le Grand-Est le choix de fixer le siège à Strasbourg n'était pas une évidence alors que certains administrateurs effectuent plus de 300 kilomètres pour assister aux réunions. Pourtant personne ne regrette l'arbitrage effectué et nous possédons, avec l'aide de la municipalité de Strasbourg, l'une des plus belles, si ce n'est la plus belle, école de France. Strasbourg n'est pas géographiquement au centre de la région mais la présence des institutions européennes, de la Cour européenne des droits de l'Homme, mais aussi de l'ENA et de l'INET (Institut national des études territoriales) avec qui nous entretenons un véritable partenariat, représentent un atout majeur pour l'enseignement du droit communautaire ou encore du droit public. En 2011 nous favoriserons encore plus la participation active des élèves, au cours de leur formation, à la vie de la cité pour s'imprégner de leur future profession et développer d'ores et déjà des réseaux et contacts. Pour ce faire, nous avons développé des partenariats et mis en place les opérations suivantes :
- un groupe d'élèves fiscalistes animera une série de conférences dans les agences du Crédit Mutuel sur le thème de la transmission d'entreprise ;
- un groupe d'élèves spécialisés en droit public travaillera en commun avec un groupe d'élèves administrateur de l'INET (futurs ou actuels cadres des collectivités) pour animer un colloque sur le thème de la responsabilité pénale des agents d'autorité des collectivités territoriales ;
- un élève de la promotion représentera l'ERAGE au concours de plaidoirie organisé au niveau international par le Mémorial de Caen ;
- un groupe d'élèves spécialisés en droit pénal participera à une visite guidée des geôles du tribunal, des cours d'assises et des maisons d'arrêts d'Elsau et de Colmar.
Nous avons pris l'option d'une formation pré-spécialisante et nos élèves peuvent opter entre trois modules de 100 heures (droit public, droit des affaires ou plus classiquement le contentieux) à côté de la formation commune de 311 heures.
Nos six délégations (une par ressort de cour) se chargent, quant à elles, de la formation continue et en plus des formations habituelles nous nous félicitons de la réussite des colloques organisés jusqu'à présent et nous poursuivrons cette alternance de formation dite de proximité avec des manifestations plus importantes.
L'équipe regroupée autour de notre directrice et les équipes pédagogiques mises en place font preuve d'un investissement et d'une efficacité certaine et notre bureau ainsi que conseil d'administration, qui regroupe 27 barreaux de taille très diverses, ont toujours su faire preuve d'une grande cohésion permettant la mise en place d'une école qui est, j'en suis convaincu, reconnue pour son sérieux et sa compétence.
Cette situation explique peut-être également son succès puisque le nombre d'élèves avocats ne cesse de croître : 136 puis 154 puis 171 et enfin 187 pour la dernière promotion.
Il s'agit là pourtant d'une tendance générale qui n'est pas propre à l'ERAGE et il n'est pas anodin de relever que près de vingt docteurs en droit viennent de solliciter leur inscription à l'ERAGE,
Lexbase : Le barreau devient-il la seule issue pour les étudiants de la faculté de droit ?
Claus Wiesel : Je ne sais pas s'il convient de parler de numérus clausus mais il faudra pour le moins réfléchir à une modification de l'accès à la profession ou a minima intervenir dans les universités auprès des étudiants et ceci dès la première ou deuxième année afin que ces derniers effectuent leur choix en toute connaissance de cause.
Le renouveau et le rajeunissement du barreau est certes une force mais la réalité économique vécue par de nombreux confrères ne peut et ne doit être occultée.
Lexbase : La procédure d'appel vient de faire l'objet d'une réforme. Quel impact cela a-t-il sur le droit local en Alsace-Moselle ?
Claus Wiesel : Cette réforme, issue du décret du 9 décembre 2009 (décret n° 2009-1524, relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L0292IGW), modifiée par un décret du 28 décembre 2010 (décret n° 2010-1647, modifiant la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L9934INA) est entrée en vigueur pour les appels déposés à compter du 1er janvier 2011 dans les matières avec représentation obligatoire.
Cette réforme concerne toutes les cours d'appel y compris donc les cours d'appel de Colmar et de Metz soumises au régime dit du "droit local". Il n'y a donc pas de spécificité particulière sur ce plan en Alsace-Moselle, si ce n'est le maintien de l'obligation de déposer des actes d'appel complémentaires destinés à l'avocat de première instance de l'intimé qui se voit donc notifier par les services de la cour l'avis d'attribution.
En l'absence d'avoués, le barreau, et plus spécifiquement la colonne de la cour, mais non exclusivement puisque tous les avocats du ressort peuvent postuler pour les appels des jugements des tribunaux d'instance, est directement impliqué par la réforme et il faut bien dire que cette réforme nous inquiète quelque peu.
Nous pouvons parfaitement comprendre le souci de voir aboutir plus rapidement une procédure d'appel.
Mais que penser d'une réforme qui incite quasiment une partie intimée à ne pas constituer spontanément avocat à hauteur de cour en espérant l'intervention d'une décision de caducité de l'appel adverse compte tenu d'un retard dans le dépôt des conclusions justificatives d'appel ou d'un retard pour la régularisation d'une assignation ou d'une signification de conclusions ?
Que penser d'une réforme qui impose aux justiciables les plus démunis de signifier par voie d'huissier une déclaration d'appel alors qu'aucune décision d'aide juridictionnelle n'est encore intervenue et qu'aucune suspension de délai n'est envisagée par le texte pour une telle signification ?
La nouvelle procédure d'appel pose et posera de nombreux problèmes et il appartiendra aux barreaux de se mobiliser pour obtenir pour le moins des aménagements du texte.
Le dernier décret du 28 décembre a déjà "corrigé" certains points mais il nous appartiendra d'obtenir des ajustements complémentaires.
Lexbase : Vous êtes également membre du comité du groupe de travail Avocat des trois frontières. Quel est l'objectif de ce groupe ?
Claus Wiesel : La situation géographique du barreau de Colmar explique sans nul doute la création de ce groupe de travail.
De nombreux salariés alsaciens traversent quotidiennement le Rhin pour aller travailler en Allemagne ou en Suisse, à Bâle.
Des mariages mixtes sont de plus en plus fréquents et les habitants ne connaissent plus les frontières pour effectuer leurs achats de sorte que dans nos dossiers nous ne rencontrons pas seulement des questions de droit international privé mais il nous appartient d'appliquer purement et simplement le droit interne étranger.
Il y a une quinzaine d'année nous avons donc décidé d'organiser des rencontres et c'est ainsi que nous effectuons trois rencontres par an (une à Colmar, une à Fribourg en Allemagne et une à Bâle en Suisse) afin de procéder à une étude de droit comparé sur différents thèmes que nous définissons : divorce, faillite, droit social, responsabilité en matière d'accident de la circulation, indemnisation du préjudice, droit pénal, etc..
Petit à petit le groupe s'est structuré et c'est ainsi que nous avons non seulement établi de véritables statuts mais également mis en place un site internet et nous sommes juridiquement membres du groupe de travail du "Anwaltverein de Fribourg".
L'habillage juridique de nos rencontres ne doit pourtant rester qu'un simple outil alors que l'essentiel réside bien dans nos échanges transfrontaliers.
Au delà d'un intérêt pratique, il s'agit bien évidemment aussi d'un enrichissement personnel et intellectuel incontestable.
Lexbase : Les 28 et 29 janvier prochains se tiendra l'assemblée générale statutaire de la Conférence des Bâtonniers. Vous vous présentez à l'élection des membres du bureau. Quel est le rôle de ce bureau ? Comment sont répartis les sièges à pourvoir ?
Claus Wiesel : La création du CNB, organisme officiel de représentation de la profession, n'empêche pas que la Conférence des Bâtonniers qui regroupe tous les barreaux de province garde son utilité.
La Conférence représente effectivement tous les barreaux de province, du petit au plus grand et c'est ainsi que la possibilité est donnée à tous les barreaux de réfléchir et de s'exprimer sur tous les sujets qui concernent la profession en son ensemble.
Je suis, quant à moi, attaché au maintien des Ordres et au rôle des différents Bâtonniers et je me félicite de l'existence au bureau de la Conférence, de par les statuts, de quatre représentants de petits barreaux et de huit représentants de barreaux de taille moyenne comme le mien de sorte que la moitié des membres du bureau représente les petits et moyens barreaux.
Si la profession d'avocat est unique et si la défense de celle-ci, et au-delà la défense des intérêts des justiciables voire la défense des valeurs démocratiques de notre société, impose une unité sans faille il n'en demeure pas moins que l'exercice au quotidien est très divers d'un barreau à un autre de sorte que nous pouvons avoir des avis divergents sur tel ou tel projet de réforme.
La Conférence des Bâtonniers est un lieu privilégié pour permettre à chacun de faire valoir ses arguments.
J'ose croire que nos Ordres, peut-être remaniés, ont encore un certain avenir, ou plutôt un avenir certain et la Conférence des Bâtonniers garde et devra ainsi garder sa spécificité.
Tel est le sens de ma candidature pour l'élection des membres du bureau lors de la prochaine assemblée générale.
Biographie
Claus Wiesel né le 3 janvier 1956 marié, 2 enfants Date de prestation de serment : 3 janvier 1983 Inscrit au barreau de Colmar colonne cour, c'est-à-dire postulant devant la cour d'appel de Colmar Membre du conseil de l'Ordre depuis le 1er janvier 1997 Président de la CARPA de Colmar depuis le 31 janvier 1996 Bâtonnier de l'Ordre du barreau de Colmar en 2002 et 2003 Secrétaire général de l'ERAGE depuis le mois de mai 2005 (fin de mandat en mai 2011) Trésorier du CDAD du Haut-Rhin |
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