L'exploitant d'un magasin qui propose gratuitement au public un réseau Wi-Fi n'est pas responsable des violations de droits d'auteur commises par un utilisateur. Toutefois, il peut être enjoint à sécuriser son réseau par un mot de passe afin de mettre un terme à ces violations ou de les prévenir. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 15 septembre 2016 (CJUE, 15 septembre 2016, aff. C-484/14
N° Lexbase : A9161RZC). Dans cette affaire, une oeuvre musicale ayant été illicitement proposée au public pour téléchargement
via un réseau Wi-Fi que le gérant d'un magasin proposait gratuitement au public, le titulaire des droits a assigné ce dernier. Or, la Directive 2000/31 sur le commerce électronique (
N° Lexbase : L8018AUI) exclut la responsabilité des prestataires intermédiaires pour une activité illicite initiée par un tiers, lorsque leur prestation consiste en un "simple transport" des informations, sous réserve de trois conditions cumulatives : (i) le prestataire ne doit pas être à l'origine de la transmission, (ii) il ne doit pas sélectionner le destinataire de la transmission et (iii) il ne doit ni sélectionner ni modifier les informations faisant l'objet de la transmission. La CJUE constate, tout d'abord, que la mise à disposition gratuite d'un réseau Wi-Fi au public afin d'attirer l'attention des clients potentiels sur les produits ou services d'un magasin constitue un "service de la société de l'information" visé par la Directive. Elle retient, ensuite, que cette Directive ne s'oppose pas à ce que le titulaire de droits demande à une autorité ou à une juridiction nationale d'enjoindre à un tel prestataire de mettre fin à toute violation des droits d'auteur commise par ses clients ou de prévenir de telles violations. Enfin, la Cour constate qu'une injonction ordonnant la sécurisation de la connexion à internet au moyen d'un mot de passe est de nature à assurer un équilibre entre, d'une part, les droits de propriété intellectuelle des titulaires de droits et, d'autre part, le droit à la liberté d'entreprise des fournisseurs d'accès et le droit à la liberté d'information des utilisateurs du réseau. La Cour relève, en particulier, qu'une telle mesure est susceptible de dissuader les utilisateurs d'un réseau de violer des droits de propriété intellectuelle. Afin d'assurer la réalisation de cet effet dissuasif, il est nécessaire que les utilisateurs, pour éviter qu'ils n'agissent anonymement, soient obligés de révéler leur identité avant de pouvoir obtenir le mot de passe requis. En revanche, la Directive exclut de manière expresse l'adoption d'une mesure visant la surveillance des informations transmises
via un réseau donné. De même, une mesure consistant à arrêter complètement la connexion à internet sans envisager l'adoption de mesures moins attentatoires à la liberté d'entreprise du fournisseur de cette connexion ne serait pas de nature à concilier les droits concurrents précités.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable