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le 05 Janvier 2011
"La grande charte des Anglais défend de saisir et de confisquer, en temps de guerre, les marchandises des négociants étrangers, à moins que ce ne soit par représailles. Il est beau que la nation Anglaise ait fait de cela un des articles de sa liberté" (1).
Lorsque Montesquieu pourfend les saisies c'est au nom de la liberté du commerce. Celle-ci n'a cependant pas lieu d'être invoquée, et partant les saisies semblent éminemment justifiées lorsqu'elles n'ont d'autre but que d'assurer le respect d'une autre liberté, celle résultant du droit de la propriété intellectuelle. Si le bien-fondé des saisies-contrefaçon n'est en aucun cas discuté, la procédure permettant leur mise en oeuvre suscite quelques interrogations dont la Cour de cassation s'est récemment fait l'écho.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 14 septembre 2010, la Chambre commerciale a tranché le conflit de compétence opposant le président de la chambre saisie de l'affaire et le premier président de la cour d'appel pour ordonner sur requête la saisie de produits revêtus d'une marque contrefaisante.
En l'espèce, une société, invoquant la violation de son droit de marque par une concurrente, a obtenu par une ordonnance sur requête du premier président de la cour d'appel de Poitiers, fondée sur l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1842H3M), l'autorisation de faire procéder à la saisie de la contrefaçon de marque alléguée. Cette ordonnance sur requête du 5 mars 2009 a cependant été rétractée par une ordonnance de référé en date du 29 juillet 2009 aux motifs que la requête aux fins de saisie-contrefaçon afférente à une instance en cours doit nécessairement, et conformément aux prescriptions de l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0700H4P), être présentée devant le président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée et non devant le premier président de la cour d'appel.
La question de la détermination du juge compétent en matière de saisie-contrefaçon demandée en cours d'instance était donc posée à la Cour de cassation. Celle-ci s'est prononcée en faveur du premier président de la cour d'appel en décidant, au double visa des articles 812, alinéa 3, et 958 (N° Lexbase : L1066H4A) du Code de procédure civile, que "les dispositions de l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile ne s'appliquent qu'aux requêtes déposées au cours de la procédure de première instance et qu'au cours de l'instance d'appel, le premier président est seul compétent pour ordonner sur requête une mesure de saisie contrefaçon".
La contestation, par la voie de la rétractation, des procédures de saisie-contrefaçon, est extrêmement fréquente et la jurisprudence fait traditionnellement preuve d'une grande rigueur dans l'appréciation de ses conditions de régularité. Pourtant dans notre espèce, elle semble faire preuve de davantage de mansuétude. La solution n'est cependant pas nouvelle. Dans un arrêt de la même formation du 29 juin 1999 (2), elle décidait en effet, à l'égard d'une saisie-contrefaçon opérée en matière de brevet, que cette "procédure [...] destinée à procurer au titulaire d'un brevet les preuves permettant de faire sanctionner les atteintes portées à ses droits, attribue au président du tribunal aussi bien quand il est saisi par une requête initiale que lorsqu'il statue sur une demande de rétractation formée en référée, le pouvoir de fixer les conditions et l'étendue de la saisie-contrefaçon, mais non celui de refuser l'autorisation d'y procéder qui lui a été demandée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi". La solution semblait toutefois difficile à transposer en matière de marque dès lors que l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle (C. prop. intell., art. L. 716-7, anc. N° Lexbase : L3750ADA) prévoyait la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance en matière de saisie-contrefaçon. La loi du 29 octobre 2007 (3) a cependant modifié cette disposition qui prévoit désormais que la saisie-contrefaçon peut être effectuée "en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente". Il appartient dès lors de déterminer, conformément aux règles du droit commun de la procédure civile, quel est le juge compétent. Dans un arrêt récent du 28 mars 2008 (4), la Chambre commerciale avait déjà eu l'occasion de souligner l'application des règles procédurales de droit commun en décidant que "dès lors que la juridiction est saisie au fond, l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile est applicable, et la requête en saisie-contrefaçon doit être présentée au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi". Dans cette décision, la Cour de cassation avait alors écarté l'application des dispositions spéciales de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle et la compétence exclusive reconnue à l'époque. Il semblait donc évident que la solution irait dans le même sens dès lors que cette compétence exclusive a disparu. Dans notre espèce, toutefois, le conflit n'opposait pas droit commun de la procédure civile et droit des marques mais bien deux dispositions du droit commun : l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile, relatif à la détermination de la compétence pour les requêtes présentées en cours de première instance, et l'article 958 du même code, applicable pour les requêtes présentées en cours d'instance d'appel. En l'espèce, la requête a été ordonnée au cours de l'instance d'appel. Dès lors, la Cour de cassation qui a fait une application stricte des règles de compétence ne pouvait que censurer la décision d'appel qui a appliqué l'article 812, alinéa 3, du Code de procédure civile sans tenir compte de l'article 958 du même code qui doit pourtant primer. La compétence d'ordonner sur requête la saisie-contrefaçon appartient donc bien au premier président de la cour d'appel contrairement à ce qu'avait jugé la cour d'appel.
"On a fait, dans certaines monarchies, des lois très propres à abaisser les Etats qui font le commerce d'économie. On leur a défendu d'apporter d'autres marchandises que celles du cru de leur pays" (5).
C'est dans le but de lutter contre un monopole prompt à limiter la liberté du commerce que le législateur européen a entendu limiter le droit de disposer d'un droit intellectuel de marque. Afin de ne pas nuire au commerce en accordant de manière illégitime l'exclusivité conférée par les droits de marque, le Règlement du 20 décembre 1993 (6), relatif à la marque communautaire, exclut de l'enregistrement "les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique" (Règlement CE n° 40/94, art. 7, §1, e), ii)). C'est en se fondant sur de tels motifs absolus que le fabricant des briques de jeu Lego s'est vu refuser par la Cour de justice le droit d'enregistrer sa célèbre brique de construction au titre de marque. Par un arrêt du 14 septembre 2010, la CJUE est venue mettre un terme aux velléités monopolistiques de la société Lego qui ne peut plus désormais prétendre à aucune protection de son célèbre jeu par des droits intellectuels. Longtemps protégée par des droits de brevets, l'illustre société entendait substituer à cette protection temporaire, une protection indéfinie pour ses briques à l'aide des droits de marques communautaires. Dans un premier temps, l'Office d'harmonisation du marché intérieur, après auditions, a conclu que le signe dont l'enregistrement était demandé avait acquis un caractère distinctif dans l'Union européenne et n'était pas exclusivement constitué par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique. Quelques jours après l'enregistrement de la marque communautaire, un concurrent a demandé la nullité de cette marque en soulignant que celle-ci se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l'article 7, §1, e) ii). La division d'annulation de l'OHMI saisie de cette demande a sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour de justice relative à la même question pour un rasoir à trois têtes, mais sous l'empire de la Directive du 21 décembre 1988 (7) rapprochant les législations nationales sur les marques. Le 18 juin 2002 (8), la Cour a finalement décidé qu'"un signe constitué exclusivement par la forme d'un produit n'est pas susceptible d'enregistrement en vertu de cette disposition [art. 3, §1, sous e), cf. art. L. 711-2 Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3711ADS)] s'il est démontré que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de cette forme sont attribuables uniquement au résultat technique. En outre la démonstration de l'existence d'autres formes permettant d'obtenir le même résultat technique n'est pas de nature à écarter le motif de refus ou de nullité d'enregistrement contenu dans ladite disposition". La division de l'annulation, tenant compte de cette décision, a annulé la marque litigieuse en considérant que cette marque était constituée exclusivement par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique. La grande chambre des recours, saisie contre la décision de la division d'annulation, a confirmé cette solution en soulignant que "la brique lego est totalement fonctionnelle, étant donné qu'elle ne comporte aucun élément arbitraire ou ornemental". Elle retient, dès lors, qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce la conclusion de l'arrêt "Philips" du 18 juin 2002 et décide que "les caractéristiques fonctionnelles essentielles de la forme [...] sont attribuables uniquement au résultat technique". La société Lego exerce un pourvoi contre cette décision en invoquant dans un moyen unique une violation de l'article 7, §1, e) ii) du Règlement CE du 20 décembre 1993. La Cour de justice rejette cependant le pourvoi et, ce faisant, se prononce sur l'objet de controverses qu'avaient fait naître notamment l'arrêt "Philips" concernant l'interprétation des adverbes contenus dans les textes. La Cour souligne ainsi que relève du motif absolu de refus "tout signe constitué 'exclusivement' par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique [...] que cette condition est remplie lorsque toutes les caractéristiques essentielles de la forme répondent à la fonction technique, la présence de caractéristiques non essentielles sans fonction technique étant, dans ce cadre dépourvue de pertinence" (9). De même, relativement à l'interprétation de l'adjectif "nécessaire", qui conditionne le refus d'enregistrement, la Cour précise que "cette condition ne signifie pas que la forme en cause doive être la seule permettant d'obtenir ce résultat" (10). Cette dernière solution n'est pas évidente dès lors que la Commission européenne (11) semble considérer à l'inverse que la forme ne revêt pas un caractère nécessaire à l'obtention d'un résultat technique, si celui-ci peut être atteint par une autre forme que les opérateurs concurrents peuvent réaliser. Ce critère, dit de la "multiplicité des formes", semble ici de nouveau écarté par la Cour de justice. L'orthodoxie et la rigueur de la Cour de justice doivent, nous semble-t-il, être approuvées afin de ne pas ouvrir une voie nouvelle de contournement de l'épuisement des droits de brevet par le droit des marques.
La cession de biens "entre naturellement dans les gouvernements modérés, et surtout dans les républiques ; à cause de la plus grande confiance que l'on doit avoir dans la probité des citoyens" (12).
L'exigence de confiance est ainsi le gage du succès de la cession de biens pour l'auteur de De l'esprit des lois, mais en matière de cession de droit d'auteur, il serait également plus juste de s'en remettre au juge pour s'assurer du respect de l'esprit du contrat.
La Cour de cassation vient, en effet, de rappeler, dans un arrêt du 30 septembre 2010, le rôle qui lui incombe dans l'appréciation stricte qui doit être faite du contenu du contrat de cession de droit d'auteur en général et de droit de reproduction en particulier. En l'espèce, un photographe avait cédé son droit de reproduction sur treize photographies en vue de réaliser un dépliant. Le cessionnaire des droits utilisa cependant les photos pour réaliser des sets de table. L'auteur des photographies invoqua le contrat de cession du droit de reproduction pour demander le retrait de la vente des sets réalisés sans son accord. La cour d'appel le débouta de ses demandes au motif que le contrat, qui précise que les photographies ont pour but la réalisation d'un dépliant, "ne prescrit pas formellement l'interdiction de reproduire les photographies sur d'autres supports qu'un dépliant". La question de l'interprétation des stipulations contractuelles dans un contrat de cession de droit de reproduction était donc soumise à la Cour de cassation. Celle-ci s'est prononcée de manière fort classique en censurant la décision au double visa des articles L. 122-7 (N° Lexbase : L3367AD3) et L. 131-3 (N° Lexbase : L3386ADR) du Code de la propriété intellectuelle. Elle rappelle que "la cession du droit de reproduction d'une oeuvre de l'esprit est limitée aux modes d'exploitation prévus par le contrat", si bien qu'en l'espèce, la cession intervenue étant limitée à la seule réalisation d'un dépliant, la reproduction desdites photographies sur des sets de table ne pouvait être admise. La solution est classique et conforme au principe, tant jurisprudentiel que légal, selon lequel les stipulations d'un contrat de droit d'auteur sont toujours d'interprétation strictes et en faveur de l'auteur. L'arrêt n'innove donc pas, pour autant la formulation ne peut être plus claire et le respect des droits de l'auteur plus affirmé.
"Chez les Grecs, dans les temps héroïques, il s'établit une espèce de monarchie qui ne subsista pas. Ceux qui avaient inventé des arts, [...] obtenaient le royaume pour eux, et le transmettaient à leurs enfants" (13).
Le privilège attaché à la qualité d'artiste est donc ancestral et justifie que l'on attache une importance, non démentie par la Cour de cassation, à la détermination de la titularité des droits des artistes : le droit d'auteur. Par un arrêt en date du 15 novembre 2010, la première chambre civile, dans une décision promise à une très large publicité, vient de confirmer, voire d'étendre, la présomption de titularité des droits de l'auteur reconnue à la personne exploitant une oeuvre déduite par la jurisprudence de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3341AD4).
En l'espèce, une société revendiquait la titularité du droit d'auteur sur du mobilier médical qu'elle commercialise afin d'agir en contrefaçon contre la société à laquelle elle avait confié la fabrication dudit mobilier et qui procédait à la réalisation et la commercialisation du mobilier pour son propre compte. Pour refuser de faire droit à ces demandes, la cour d'appel d'Orléans soulignait qu'une personne physique était intervenue volontairement à l'instance et revendiquait la qualité d'auteur tout en niant avoir cédé ses droits à la société agissante. Tirant les conséquences de cette revendication, dont ils soulignent n'avoir pas à vérifier le bien-fondé, les juges du fond ont écarté la présomption de titularité des droits d'auteur invoquée par la société agissante. Le pourvoi exercé contre cette décision imposait à la Cour de déterminer les limites de la présomption de titularité reconnue de manière prétorienne aux personnes, morales jusqu'à lors, exploitant une oeuvre. En d'autres termes la question était posée de savoir si la seule revendication par une personne se prévalant de la qualité d'auteur peut exclure la présomption ou s'il convient de vérifier au préalable que cette personne détenait effectivement cette qualité. La Cour de cassation censure la décision retenue au visa de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle au motif que, "en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation de l'oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer, à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre du droit de propriété incorporelle d'auteur". Dès lors elle décide que la cour d'appel aurait dû "vérifier que la personne physique qui formulait une telle revendication était bien l'auteur des oeuvres litigieuses." Pour la Cour de cassation, il semble que seule la revendication fondée de son droit par l'auteur puisse combattre la présomption de titularité attachée à l'exploitation d'une oeuvre. A tout le moins, la cour d'appel aurait donc dû apprécier le bien-fondé de la revendication alléguée par le tiers. Ce faisant la Cour de cassation renforce une présomption qu'elle a consacrée de toute pièce et dépourvue de tout fondement légal.
Pendant longtemps, la Cour de cassation exigeait de la part de la personne morale la preuve de sa titularité des droits sur les oeuvres litigieuses afin de pouvoir agir en contrefaçon à l'égard de tiers copiant les oeuvres en cause qu'elle exploitait. La jurisprudence décidait de manière constante que l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3337ADX) ne pouvait être invoqué par une personne morale, qui ne peut par définition revendiquer la qualité d'auteur (14). La charge de la preuve nécessaire à l'établissement du droit ouvrant l'action en contrefaçon pesait donc sur la personne morale au profit du supposé contrefacteur.
C'est certainement en considération d'arguments d'opportunité prompts à renforcer la lutte contre la contrefaçon que la jurisprudence a opéré un revirement en consacrant, dans un arrêt du 24 mars 1993, une présomption de titularité en faveur de la personne morale exploitant une oeuvre de l'esprit. La Directive (CE) 2004/48 du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2091DY4), consacre en son article 5 une telle présomption fondée sur le seul fait que le nom de la personne morale figure sur l'oeuvre de la manière usuelle pour qu'elle soit recevable à agir contre les contrefacteurs (15). A l'occasion de la transposition de cette Directive en droit interne, une telle présomption prétorienne aurait ainsi pu être reconnue par le législateur. Mais il n'en a rien été, laissant ainsi au juge le soin d'en déterminer les contours. Depuis, la Cour de cassation n'a cessé de confirmer cette présomption à maintes reprises sans pour autant en déterminer véritablement les conditions. Dans ce contexte, l'arrêt rendu le 15 novembre 2010 doit être salué en ce qu'il apporte quelques précisions, notamment quant au champ d'application de la présomption ainsi admise. Celle-ci semble désormais bien établie puisqu'elle ne cède pas devant la simple revendication des droits par un auteur présumé. Elle ne cède, en effet, que face à la démonstration de la qualité d'auteur.
Par ailleurs, la Cour de cassation a, semble-t-il, également renforcé la présomption ainsi attachée à l'exploitation de l'oeuvre. En effet, elle admet la présomption de titularité quelle que soit la personne qui l'invoque, personne physique ou personne morale, et quelle que soit l'oeuvre en cause, qu'il s'agisse ou non d'une oeuvre collective. Ces précisions avaient déjà été admises par le passé, mais jamais en termes aussi clairs. Dans un arrêt du 19 octobre 2004 (16), elle avait en effet rejeté le pourvoi formé contre une décision ayant condamné une société en contrefaçon d'oeuvres ayant fait l'objet d'une cession à une personne morale au motif que seul l'auteur aurait pu contester le bien-fondé de l'action en contrefaçon exercée par le cessionnaire dès lors que, "sans avoir à prouver son titre, toute personne qui exploite une oeuvre a qualité et intérêt pour poursuivre en contrefaçon un tiers qui ne revendique aucun droit sur elle". De même, la référence au caractère collectif de l'oeuvre semble avoir vécue. Si la Chambre commerciale ne l'exigeait pas de manière systématique (17), cette référence était le plus souvent présente dans les décisions (18) rendues sur ces questions. Dès lors qu'un tel élargissement du champ de la présomption favorise la lutte contre la contrefaçon, celle-ci doit être saluée. Toutefois, on ne peut manquer d'émettre quelques réserves de principe sur la sévérité, non en l'espèce, mais affichée par la Cour de cassation. La rigueur extrême à laquelle pourrait inviter cette décision pourrait faire peser, de manière contestable, la charge de la preuve sur l'auteur, personne physique, plutôt que sur la personne, physique ou morale, exploitante de l'oeuvre. Du domaine de la preuve, la présomption ne glisse-t-elle pas vers une véritable règle de fond qui, poussée à l'extrême, pourrait se retourner contre des auteurs cédant leur droit sans se préconstituer de preuve ni de la création, ni de la cession ?
Nathalie Martial-Braz, Maître de conférences, Université Rennes 1
(1) Montesquieu, De l'esprit des lois, tome II, livre XX, chap. XIV, Des Lois de commerce qui emportent la confiscation des marchandises, GF Flammarion, 1979, p. 18.
(2) Cass. com., 29 juin 1999, n° 97-12.699, publié (N° Lexbase : A4729CKD), Bull. civ. IV, n° 138.
(3) Loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, de lutte contre la contrefaçon (N° Lexbase : L7839HYY), JORF du 30 octobre 2007.
(4) Cass. com., 26 mars 2008, n° 05-19.782, F-P+B (N° Lexbase : A6005D7K), Bull. civ. IV, n° 70.
(5) Montesquieu, De l'esprit des lois, tome II, livre XX, chap. VIII, Comment on a gêné quelquefois le commerce d'économie, GF Flammarion, 1979, p. 15.
(6) Règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (N° Lexbase : L5799AUC), JOCE 1994, l, 11, p. 1.
(7) Directive 89/104 du 21 décembre 1988, sur le rapprochement des législations nationales sur les marques (N° Lexbase : L9827AUI).
(8) CJCE, 18 juin 2002, aff. C-299/99 (N° Lexbase : A9139AY7), Rec. p. 1-5475 ; RTDCom., 2002, p. 769, obs. Luby ; RTDCom., 2003, p. 500, obs. Azéma ; PIBD, 2003, p. 37 ; Propr. intell., 2002, n° 5, p. 83, obs. Joly.
(9) Nous soulignons, considérant n° 51.
(10) Considérant n° 53.
(11) RTDCom., 2002, p. 769, obs. M. Luby, sous CJCE, 18 juin 2002, préc..
(12) Montesquieu, De l'esprit des lois, tome I, livre V, chap. XV, Continuation du même sujet [Comment les lois sont relatives au principe du gouvernement despotique], GF Flammarion, 1979, p. 190.
(13) Montesquieu, De l'esprit des lois, tome I, livre XI, chap. XI, Des rois des temps héroïques, chez les Grecs, GF Flammarion, 1979, p. 307.
(14) CA Paris, 24 mai 1984, Gaz. Pal., 1985, 2, somm. p. 257 ; Cass. com., 5 novembre 1985, n° 83-15.017, publié (N° Lexbase : A4336AAT), Bull. civ. IV, n° 261 ; Cass. civ. 1 19 février 1991, deux arrêts, n° 89-14.402 (N° Lexbase : A4484AHK) et n° 88-15.370 (N° Lexbase : A1087CI4), Bull. civ. I, n° 67.
(15) Ch. Caron, Droit d'auteur et droits voisins, Litec, 2ème éd., n° 530.
(16) Cass. civ. 1 19 octobre 2004, n° 02-16.057, F-D (N° Lexbase : A6404DDK), Comm. com. électr., 2005, comm. 27, note Ch. Caron ; Propr. intell., 2005, n° 14, p. 68, note A. Lucas.
(17) Cass. com., 23 septembre 2008, n° 07-17.210, F-D (N° Lexbase : A4930EAT), Comm. com. électr., 2008, comm. 135, note Ch. Caron
(18) Cass. civ. 1, 22 février 2000, n° 97-21.098, publié (N° Lexbase : A5316AWS), Bull. civ. I, n° 58 ; Cass. crim., 24 février 2004, n° 03-83.541, F-P+F (N° Lexbase : A4981DB4), Bull. crim., n° 49, D., 2004, AJ. 1086, PIBD, 2004, III, 425 ; Prop. intell., 2004, n° 13, p. 933, obs. P. de Candé ; Cass. com., 20 juin 2006, n° 04-20.776, FS-P+B 2ème moyen (N° Lexbase : A9862DPX), RTDCom., 2007, 74, obs. Galloux ; Comm. com. électr., 2006, comm. 142, note Ch. Caron, Propr. intell., 2006, n° 21, p. 458, obs. P. de Candé ; ibid. n° 22, p. 81, obs. J.-M. Bruguière.
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