La lettre juridique n°421 du 16 décembre 2010 : Avocats

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui...Bertrand Pagès, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Rennes

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[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui...Bertrand Pagès, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Rennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3235237-questions-a-le-point-de-vue-dun-batonnier-aujourdhui-b-bertrand-pages-batonnier-de-lordre-des-avocat
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par Yann Le Foll, Journaliste juridique

le 04 Janvier 2011

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Bertrand Pagès, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Rennes. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le barreau de Rennes ? Quelles sont les spécificités du barreau que vous dirigez ?

Bertrand Pagès : Au 26 octobre 2010, le barreau de Rennes est fort de 559 avocats en exercice, outre 43 avocats honoraires. Ils sont regroupés en 180 cabinets environ, lesquels sont implantés non seulement à Rennes, mais aussi dans 24 communes du ressort du tribunal de grande instance de la ville. Par ailleurs, 80 % des avocats rennais travaillent au sein de structures de groupe, en qualité d'associés ou de collaborateurs. En outre, le barreau de Rennes recense près de 170 mentions de spécialisations en droit fiscal, en droit social, en droit des sociétés, en droit de l'immobilier, en droit public, en droit pénal, en droit des personnes, en droit rural, en droit commercial, en droit économique, en droit de l'environnement, en droit des relations internationales, en droit des mesures d'exécution et en droit de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, le barreau de Rennes respecte la parité avec 290 femmes pour 269 hommes, avec une moyenne d'âge inférieure à 40 ans.

Lexbase : Quelles ont été les priorités de votre mandat ?

Bertrand Pagès : Mon premier souci a été de maintenir l'équilibre budgétaire, comme mes prédécesseurs, afin de ne pas imposer à mes confrères une inflation des cotisations en cette période de crise économique. J'ai souhaité, également, poursuivre l'oeuvre de modernisation de l'Ordre dans les domaines de la communication, de l'informatique et des nouvelles technologies grâce : au renouvellement du matériel informatique mis à la disposition des confrères dans les locaux de l'Ordre à la cité judiciaire avec, dernière décision du conseil de l'Ordre, une révision des sources documentaires ; à l'adhésion, avec une vingtaine de grands barreaux, à la société Visiobarreaux qui va nous permettre de mettre à disposition de l'Ordre et des confrères un équipement de visioconférence ; et à la mise en place, depuis le mois de mai 2010, d'un contrat d'assistance technique et téléphonique d'une durée d'un an pour la mise en place et l'utilisation du RPVA par les avocats de Rennes. En effet, alors que seulement 50 avocats s'étaient inscrits au RPVA en juin 2010, nous sommes désormais plus de 120 avocats inscrits et j'espère que, d'ici début 2011, tous les avocats ayant une activité judiciaire auront franchi ce palier technologique indispensable. Je pense que l'acte d'avocat et la proposition de nouveaux services amèneront aussi les confrères ayant une activité de conseil à adopter, également, le RPVA.

Par ailleurs, le barreau de Rennes s'est, depuis de nombreuses années, investi pour assurer à tous nos concitoyens un accès au droit de qualité avec la création, notamment, d'un groupe de défense des mineurs et d'un groupe de défense des étrangers. L'un des objectifs de mon mandat de Bâtonnier a été la mise en place d'une antenne de défense des victimes qui est désormais opérationnelle depuis le 1er juin 2010, fondée comme les groupes de défense sur le volontariat et la compétence garantie par un engagement de formation préalable et continue spécifique à la matière. L'essentiel de nos règles juridiques trouvant leur source dans l'Union européenne, j'ai proposé au conseil de l'Ordre, qui l'a accepté, de faire adhérer notre barreau à la Fédération des barreaux d'Europe. Voulant consolider l'ouverture du barreau vers l'étranger, je me suis impliqué, avec la commission "relations internationales" de l'Ordre, à pérenniser et faire vivre nos jumelages avec les barreaux d'Exeter, d'Erlangen, de Gdansk, de Louvain, de Séville et de Vérone, lesquels nous offrent l'occasion d'échanges de droit comparé (médiation, régimes matrimoniaux, licenciement économique, recouvrement de créances...), mais aussi au titre de l'actualité professionnelle (formation, installation des jeunes, organisation des stages à l'étranger...).

Enfin, persuadé que l'amélioration de la situation des avocats passe par une révision du mode de gouvernance de la profession, j'ai milité au sein de notre Conférence régionale des barreaux de l'Ouest pour l'organisation de manifestations communes et un rapprochement avec le barreau de Nantes. A ce titre, des conseils de l'Ordre ont été organisés en commun, et nous avons participé aux journées de la création d'entreprise à Rennes et au Salon des entrepreneurs à Nantes, sous la bannière "Avocats de l'Ouest".

Lexbase : Quelle est votre position sur le projet de création du statut d'avocat en entreprise ?

Bertrand Pagès : L'Assemblée générale de l'Ordre a pris position contre cette proposition du rapport "Darrois". C'est donc fort légitimement que j'ai voté en ce sens au sein de la Conférence des Bâtonniers. A titre personnel, je constate que les juristes d'entreprise qui intègrent la profession dans le cadre de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID) sont, le plus souvent, des avocats de qualité. Ce n'est donc pas à ce niveau que doivent s'exprimer les réticences. Ce qui pose véritablement question, c'est la création d'un tableau B avec des avocats qui n'auraient pas toutes les prérogatives de la fonction (mais est-ce seulement envisageable au regard de nos règles européennes ?), mais aussi l'autorité réelle du Bâtonnier et le risque d'atteinte à notre secret professionnel puisque la CJUE a jugé que les avocats d'entreprise ne peuvent bénéficier de ce secret (1). Je suggère, en revanche, que, pour faire vivre notre communauté de juristes, nous permettions aux juristes d'entreprise d'avoir accès à la formation continue dispensée dans nos écoles d'avocats.

Lexbase : Quelle est votre position concernant la décision rendue par le Conseil constitutionnel au mois de juillet concernant la garde à vue (2) et les décisions subséquentes de la Cour de cassation (3) ?

Bertrand Pagès : Je suis fier des victoires obtenues par la profession sur le terrain juridique, devant le Conseil constitutionnel puis devant la Cour de cassation, pour contraindre notre pays à se conformer aux normes européennes. Cela doit nous conduire immédiatement à repenser l'organisation de nos permanences pénales et à proposer à nos confrères des formations adaptées à ces nouvelles missions. Je ne vous cache pas non plus mon inquiétude face à la position irresponsable des pouvoirs publics en terme d'indemnisation des avocats au titre de l'aide juridictionnelle puisqu'il est proposé une augmentation du budget consacré à la garde à vue sans augmentation corrélative du budget global qui va, au contraire, être affecté par le passage de la TVA au taux de 19,6 %, et le ticket modérateur qui risque fort d'être supporté, en définitive, par les avocats. Pour obtenir une véritable rémunération des confrères, sans laquelle le droit à une défense effective serait un leurre, la profession n'obtiendra rien sans une mobilisation et des actions fortes, décidées et appliquées au plan national.

Lexbase : Quels sont les grands rendez-vous du Barreau de Rennes en cette fin d'année ?

Bertrand Pagès : Les 200 ans du rétablissement de l'Ordre des avocats, en décembre 1810, ont été célébrés à l'occasion de la rentrée du Barreau le vendredi 10 décembre 2010 à la Grand'chambre du Parlement de Bretagne. Outre les personnalités, nous avons reçu à cette occasion les bâtonniers extérieurs et les délégataires des barreaux étrangers avec lesquels nous sommes jumelés. Par ailleurs, le jeune barreau y a eu l'opportunité d'exprimer son talent. Ce fut aussi une manifestation artistique avec notre traditionnelle exposition de peinture des avocats et du monde judiciaire, mais aussi l'accueil, dans la cour intérieure du Parlement, d'une oeuvre monumentale du sculpteur Louis Derbré et la représentation de saynètes de théâtre sur le procès "La Chalotais". La convivialité n'a pas été oubliée, avec un cocktail dînatoire "Dans les couloirs du temps" organisé dans les galeries du Parlement avec le concours de l'école hôtelière Louis Guilloux.

Cette célébration a été précédée d'une série de colloques : le premier s'est tenu le 8 octobre 2010 en partenariat avec l'association des maires d'Ille-et-Vilaine sur le thème de l'urbanisme et des marchés publics. Le second a eu lieu le 9 novembre 2010 à l'espace Ouest-France à Rennes sur le thème des actions de groupe avec la participation du premier président de la cour d'appel de Rennes, Michel Couaillier. Le troisième s'est tenu dans les mêmes lieux le 24 novembre 2010, et a été consacré au rôle de l'avocat dans la défense des libertés publiques avec la participation de Monsieur Edmond Hervé, sénateur d'Ille-et-Vilaine et ancien maire de Rennes. Le dernier colloque s'est tenu le vendredi 10 décembre en matinée sur le thème "entreprendre, c'est risquer" et a été l'occasion d'un échange de droit comparé avec nos confrères anglais, allemands, espagnols, italiens, belges et polonais.


(1) CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P (N° Lexbase : A1978E97) et lire les obs. de Cédric Tahri, La protection de la confidentialité des communications entre un avocat interne et l'entreprise, Lexbase Hebdo du 26 octobre 2010 - édition professions (N° Lexbase : N4382BQD).
(2) Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P), et lire les obs. de Romain Ollard, Coup de tonnerre sur la procédure pénale : le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions relatives à la garde de vue de droit commun, Lexbase Hebdo du 27 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0999BQ3).
(3) Cass. crim., 19 octobre 2010, trois arrêts, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW), n° 10-82.902, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0917GCX) et n° 10-85.051, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0918GCY), et lire les obs. de Romain Ollard, Le régime juridique de la garde à vue est déclaré contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... mais n'en doit pas moins être appliqué, Lexbase Hebdo du 9 novembre 2010 - éditions professions (N° Lexbase : N5636BQS).

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