L'inscription au fichier judiciaire national d'auteur d'infractions sexuelles est une mesure préventive qui n'enfreint pas le droit au respect de la vie privée et familiale. Telle est la solution dégagée par la Cour européenne des droits de l'Homme, dans trois arrêts rendus le 17 décembre 2009 (CEDH, 17 décembre 2009, Req. 5335/06, Bouchacourt c/ France
N° Lexbase : A5517EPZ, CEDH, 17 décembre 2009, Req. 22115/06, M. B. c/ France
N° Lexbase : A5516EPY, CEDH, 17 décembre 2009, Req. 16428/05, Gardel c/ France
N° Lexbase : A5515EPX). Dans cette affaire, trois ressortissants français condamnés, respectivement en 1996, 2001 et 2003, à des peines de réclusion criminelle pour viol sur mineurs de quinze ans par personne ayant autorité, ont invoqué devant la Cour européenne des droits de l'Homme, la violation par l'Etat français des articles 7 (
N° Lexbase : L4798AQQ) et 8 (
N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention européenne des droits de l'homme, en raison de leur inscription, en 2005, au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ("FIJAIS" créé par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, entrée en vigueur le 30 juin 2005
N° Lexbase : L1768DP8) et de l'application rétroactive de la loi à l'origine de ce fichier. La Cour estime que l'obligation découlant de l'inscription au FIJAIS a un but purement préventif et dissuasif et ne peut être regardée comme ayant un caractère répressif et comme constituant une sanction. Le fait de devoir justifier annuellement son adresse et déclarer ses changements d'adresse sous quinze jours après ce changement, certes pour une durée de trente ans, n'atteint pas une gravité telle que l'on puisse l'analyser en une "
peine". Elle en déduit que, l'inscription au FIJAIS et les obligations qui en découlent ne constituent pas une "
peine" au sens de l'article 7 § 1 de la Convention, et qu'elles doivent être analysées comme une mesure préventive à laquelle le principe de non rétroactivité énoncé dans cet article n'a pas vocation à s'appliquer. De surcroît, la Cour considère que la protection des données personnelles joue un rôle fondamental dans le respect de la vie privée et familiale, d'autant plus quand il s'agit de données personnelles soumises à un traitement automatique, en particulier lorsque ces données sont utilisées à des fins policières. Cependant, les sévices sexuels constituent incontestablement un type odieux de méfaits et les enfants et autres personnes vulnérables ont droit à la protection efficace de l'Etat dans ce domaine. La Cour relève que la consultation de telles données par les autorités judiciaires, de police et administratives est régie par une obligation de confidentialité et des circonstances précisément déterminées. La Cour en conclut que l'inscription au FIJAIS, telle qu'elle a été appliquée par les requérants, a ménagé un juste équilibre entre les intérêts privés et publics concurrents en jeu, et que par conséquent, il n'y a pas eu violation de l'article 8 de la Convention.
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