Réf. : Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.205, Mme Alice Antunes, épouse Nicolau, F-P+B sur le premier moyen (N° Lexbase : A0465ESZ)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Résumé Il résulte des dispositions combinées de l'article 12 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (N° Lexbase : X0711AE3), étendue par arrêté du 2 mars 2000, et des articles L. 1111-1 (N° Lexbase : L0666H9K) et L. 7221-2 (N° Lexbase : L3381H94) du Code du travail, que le licenciement du salarié inapte n'est soumis qu'aux dispositions de la convention collective. |
I - Les spécificités du régime juridique applicable au salarié du particulier employeur
La question de la détermination des champs d'application des dispositions du Code du travail a constitué l'une des difficultés de la recodification de la partie législative du Code du travail (1). L'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 (N° Lexbase : L6603HU4), ratifiée en janvier 2008 et applicable, avec la partie réglementaire du Code nouveau, depuis le 1er mai de la même année, a choisi de simplifier l'expression des champs d'application en adoptant, partout où cela était possible, des formulations uniques et privilégiant des critères généraux aux anciennes listes d'hypothèses.
Il faut bien avouer que ce travail de réécriture n'est pas toujours neutre. On a déjà souligné la portée de la modification des textes sur l'application de certaines dispositions du Code du travail aux entreprises publiques ou, encore, l'impact de l'harmonisation des rédactions sur l'application de la législation sur les comités d'entreprise précisément aux comités d'entreprise, qui semblent désormais bien relever de son champ d'application alors qu'ils en étaient auparavant exclus compte tenu de la rédaction plus restrictive des anciennes dispositions (2).
Alors que la lettre des lois d'habilitation l'aurait permis, puisque le Gouvernement était autorisé à procéder à l'harmonisation des règles rassemblées dans le nouveau Code, la variété des champs d'application des différents livres ou titres du Code du travail a été maintenue. Alors que certaines dispositions s'appliquent largement aux "employeurs", d'autres continuent de s'appliquer aux "entreprises".
La distinction terminologique entre "employeurs" et "entreprises" n'est pas toujours pertinente ; ainsi, le terme "employeur" a été préféré, dans les dispositions intéressant le régime des droits et obligations des "entreprises", à celui d'entreprise, de chef d'entreprise ou de chef d'établissement, sans que cette substitution n'ait, en réalité, d'effet normatif.
En revanche, les choix terminologiques opérés dans les textes définissant les champs d'application des dispositions du Code du travail ne sont pas neutres dans la mesure où la référence aux seules "entreprises" ou "établissements" exclut classiquement le domicile du "particulier employeur". Les salariés concernés ne pourront alors pas bénéficier des dispositions du Code du travail et relèveront exclusivement de celles de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, ainsi que, le cas échéant, des dispositions plus favorables de leur contrat de travail.
Cette analyse avait conduit, sur la base des dispositions de l'ancien Code du travail de 1973, à exclure l'application aux salariés des particuliers employeurs des dispositions relatives au licenciement pour motif économique (3), en raison de la rédaction de l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K), ce qui n'empêche pas d'exiger du licenciement qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse (4) ou, encore, de celles de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY, devenu L. 1224-1 N° Lexbase : L0840H9Y) (5), mais aussi des dispositions relatives à la durée du travail (6), à l'exception de "celles de l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8) relatives à la preuve de l'existence ou du nombre d'heures de travail effectuées" (7).
II - L'exclusion regrettable du régime de l'inaptitude
C'est également en se fondant sur les termes utilisés par la loi que la jurisprudence avait eu l'occasion d'écarter les salariés employés au domicile de particuliers employeurs des dispositions relatives à l'inaptitude (8).
C'est cette dernière exclusion que confirme ce nouvel arrêt en date du 17 février 2010.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité d'employée de maison du 1er octobre 1991 au 15 mai 2007, avec une suspension de son contrat de travail à compter du mois de mai 2004 pour cause de maladie. Le 28 février 2007, le médecin du travail l'avait déclarée inapte au poste précédemment occupé, mais apte à un poste sans tâche de manutention des membres supérieurs. Elle a été licenciée après avoir refusé un aménagement de poste proposé par lettre du 28 mars 2007. Contestant le montant alloué par son employeur à titre d'indemnité de licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 122-32-6 du Code du travail (N° Lexbase : L5524ACL, devenu L. 1226-14 N° Lexbase : L1033H97).
Le conseil de prud'hommes d'Armentières l'a déboutée de toutes ses demandes au motif qu'elle n'apportait pas la preuve du caractère professionnel de la maladie à l'origine de son licenciement.
Le pourvoi est, sur ce point, rejeté, non pas, d'ailleurs, parce que la salariée ne démontrait pas le caractère professionnel de l'inaptitude, mais parce que les salariés employés au domicile du particulier employeur ne relèvent pas du champ d'application de la disposition litigieuse.
Comme le rappelle la Haute juridiction, en effet, "il résulte des dispositions combinées de l'article 12 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, étendue par arrêté du 2 mars 2000, et des articles L. 1111-1 et L. 7221-2 du Code du travail que le licenciement du salarié inapte n'est soumis qu'aux dispositions de la convention collective", dont la juridiction prud'homale avait fait application.
L'affirmation est, juridiquement, imparable.
Même si le texte qui définit le champ d'application des dispositions du livre 2 de la première partie du Code du travail, l'article L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B), vise très largement les "employeurs de droit privé", les termes mêmes de l'article L. 1226-1 (N° Lexbase : L8350IAI), qui consacre le droit au reclassement du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, fait bien référence aux "tâches existantes dans l'entreprise", ce qui écarte implicitement l'application aux salariés exerçant leur activité au domicile du particulier employeur (9).
Si la mise à l'écart de ce dispositif peut se concevoir si l'on considère que le particulier employeur n'est, en réalité, pas en mesure, ni sur le plan pratique, ni sur le plan économique, d'envisager le reclassement du salarié inapte, car il ne dispose vraisemblablement d'aucun autre emploi salarié disponible, elle n'est pas totalement justifiée. Non seulement certains particuliers fortunés ont à leur domicile plus d'emplois salariés que bon nombre de TPE, mais, de surcroît, le salarié malade ou accidenté dans l'exercice de son activité professionnelle est bien victime de la réalisation d'un risque professionnel, peu important que ce risque se manifeste en entreprise ou au domicile de son employeur, ce qui mériterait sans doute une indemnisation spécifique au moment de la rupture de son contrat de travail.
Reste alors à faire application des dispositions de la Convention collective des salariés du particulier employeur. Le moins que l'on puisse dire c'est que les salariés n'ont, en réalité, que peu de droits. S'agissant singulièrement de l'inaptitude, qui seule nous intéressera ici, l'article 12 dispose que "lorsque le salarié est reconnu inapte partiellement ou totalement par la médecine du travail, l'employeur, qui ne peut reclasser le salarié dans un emploi différent pour lequel il serait apte, doit mettre fin par licenciement au contrat de travail dans un délai de 1 mois", ce qui constitue sur le plan conventionnel la reprise de deux droits consacrés par la loi, celui d'être reclassé et celui d'être licencié ou reclassé dans le délai d'un mois qui suit la visite de reprise. Malheureusement pour les salariés, la convention ne prévoit rien concernant l'existence d'une indemnité spéciale de licenciement...
(1) Lire nos obs., Le Code du travail nouveau est arrivé !, Lexbase Hebdo n° 253 du 23 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3582BAW), sous ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, relative au Code du travail (partie législative) (N° Lexbase : L6603HU4).
(2) L'exclusion résultait du fait que la liste des entreprises définissant le champ d'application de la législation sur les comités d'entreprise ne semblait pas contenir les comités eux-mêmes (C. trav., art. L. 431-1, al. 1er N° Lexbase : L6389ACM : "Des comités d'entreprise sont constitués dans toutes les entreprises industrielles et commerciales, les offices publics et ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels, les sociétés mutualistes, les organismes de sécurité sociale, à l'exception de ceux qui ont le caractère d'établissement public administratif, et les associations quels que soient leurs forme et objet, employant au moins cinquante salariés"). Or, le nouvel article L. 2321-1 (N° Lexbase : L2700H9U), qui lui a succédé, vise désormais d'une manière très large les "employeurs de droit privé".
(3) Cass. soc., 18 février 1998, n° 95-44.721, Mme Chevron c/ Mlle Bescheron (N° Lexbase : A2566ACZ), JCP éd. E, 1998, p. 1049, note M. Del Sol.
(4) Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-40.647, Mme Marie Thérèse Simon, F-D (N° Lexbase : A1093EL3) : auxiliaire de vie à domicile pour 2 heures 30 par jour ; la personne dépendante meurt ; licenciée par la fille de la personne dépendante, en raison de difficultés financières de cette dernière ; "la cour d'appel a estimé que l'absence de disponibilité financière de l'employeur justifiait le licenciement".
(5) Cass. soc., 5 décembre 1989, n° 86-43.165, Mme Sigismeau c/ M. Marconnet et autres (N° Lexbase : A3952AGH), Bull. civ. V, n° 695.
(6) Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-43.443, Mme Margris c/ Consorts Brouette (N° Lexbase : A7686AH7), Bull. civ. V, n° 335 ; Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 02-43.026, M. Gaston Fremont c/ Mme Eliane Dagois, F-P+B (N° Lexbase : A1079DDC), Bull. civ. V, n° 221 ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-45.300, Mme Maryse Adam c/ M. Marc Manceau, F-D (N° Lexbase : A2935DGS) ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-43.013, M. Surendar Atil, FS-P+B (N° Lexbase : A7855DWT), Bull. civ. V, n° 102, lire les obs. de Ch. Willmann, Chèque emploi service : formalisme du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 267 du 5 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7691BBH) ; Cass. soc., 12 juin 2008, n° 06-46.026, Mme Claude Sarlande, épouse Masson, F-D (N° Lexbase : A0541D9W) ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 07-42.185, Mme Chantal Poriel, épouse Mombet, F-D (N° Lexbase : A1982EE7).
(7) Cass. soc., 19 mars 2003, n° 00-46.686, Mlle Odile Genest, F-P ([LXB=A5415A7]), Bull. civ. V, n° 103.
(8) Cass. soc., 13 avril 2005, n° 03-42.004, Mme Marylène Théret c/ Mme Maryline Vachet, FS-P+B (N° Lexbase : A8759DHU), Bull. civ. V, n° 138 : "il résulte des dispositions combinées de l'article 12 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, étendue par arrêté du 2 mars 2000, et des articles L. 120-1 (N° Lexbase : L5438ACE) et L. 772-2 (N° Lexbase : L8828HWU) du Code du travail que le licenciement du salarié inapte n'est soumis qu'aux dispositions de la convention collective" ; Cass. soc., 30 mai 2007, n° 06-41,749, Mme Françoise Calvin, épouse Berthon, F-D (N° Lexbase : A5188DW3).
(9) La référence à l'"entreprise" se retrouve également dans l'article L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C), qui concerne la reprise du paiement du salaire à défaut de licenciement ou de reclassement dans le mois qui suit l'examen de reprise, mais également dans l'article L. 1226-11 (N° Lexbase : L1028H9X), applicable aux inaptitudes d'origine professionnelle.
Décision Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.205, Mme Alice Antunes, épouse Nicolau, F-P+B sur le premier moyen (N° Lexbase : A0465ESZ) Cassation partielle CPH Armentières, section activités diverses, 28 mars 2008 Textes applicables : dispositions combinées de l'article 12 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (N° Lexbase : X0711AE3), étendue par arrêté du 2 mars 2000, et des articles L. 1111-1 (N° Lexbase : L0666H9K) et L. 7221-2 (N° Lexbase : L3381H94) du Code du travail Mots clef : particulier employeur ; dispositions applicables ; reclassement Lien Encyclopédie : (N° Lexbase : E8641EST) |
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