La lettre juridique n°384 du 25 février 2010 : Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - Février 2010

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N2445BNU

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par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique débute par un contentieux portant sur la TVA lorsque, d'une part, une société est convaincue de s'être opposée au contrôle fiscal et, d'autre part, qu'elle prétend avoir exporté des biens hors de la Communauté européenne sans toutefois satisfaire aux obligations réglementaires (CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 307732, Mentionné dans les tables du recueil Lebon) (I). Puis, la cour administrative d'appel de Marseille vient de rendre un arrêt, en matière d'intégration fiscale, relatif à la notion de détention continue de 95 % des titres d'une société filiale intégrée lorsque la société tête de groupe intégrante, en cours de constitution, a opté pour l'application de ce régime (CAA Marseille, 4ème ch., 3 novembre 2009, n° 07MA01103, Société Alimentation Générale du Mail (CAA Marseille, 4ème ch., 3 novembre 2009, n° 07MA01103, Mentionné dans les tables du recueil Lebon) (II). Enfin, en matière de fiscalité de la propriété industrielle, le Conseil d'Etat prend position sur la déductibilité des frais de renouvellement d'une marque créée par le contribuable (CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 305449, Mentionné dans les tables du recueil Lebon) (III). I - TVA, illustration d'une opposition à contrôle fiscal et preuve des exportations de biens hors de la Communauté européenne : CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 307732, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0327EQ8)

La décision "SA Maison Bosc" rendue par le Conseil d'Etat témoigne de la difficulté à gérer une entreprise ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire avec comme acteurs la dirigeante de la société, l'administrateur judiciaire et l'administration fiscale. A la suite de deux vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er juillet 1993 au 31 janvier 1996, puis du 1er février 1996 au 31 janvier 1997, le service a été amené à prononcer un rappel de TVA ainsi qu'une majoration des droits de 150 %, alors applicable, au titre d'une opposition à contrôle fiscal (CGI art. 1730 N° Lexbase : L4167HMB). Cette décision offre une illustration de ce qu'est concrètement une opposition à contrôle fiscal (A) ainsi que d'une gestion fiscale lacunaire des exportations de biens vers l'étranger (B).

A - L'opposition à contrôle fiscal : le pot de terre contre le pot de fer

En droit commun, l'administration est tenue d'entamer une procédure contradictoire avec le contribuable. Si ce dernier s'y oppose ou s'y soustrait, l'administration peut mettre en oeuvre, sans nécessairement mettre préalablement en garde le contribuable (CE Contentieux, 17 novembre 1997, n° 136114 N° Lexbase : A4982ASC), les dispositions du Livre des procédures fiscales autorisant le service à évaluer d'office (LPF, art. L 74 N° Lexbase : L8160AEX) les bases d'imposition lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou d'un tiers (CE Contentieux, 1er juin 2001, n° 185753 N° Lexbase : A6489ATI (1)). Dans une telle occurrence, la première des sanctions consiste à priver le contribuable du droit à une procédure contradictoire (CE 3° et 8° s-s-r., 6 octobre 2008, n° 299933 N° Lexbase : A7093EAX). Cette sanction procédurale se double d'une sanction pénale (2) spécifique (3) (CGI, art. 1746, N° Lexbase : L1737HNN (4)) et d'une sanction administrative consistant, depuis le 1er janvier 2006 (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités N° Lexbase : L4620HDH), en une majoration de 100 % (5) (CGI, art. 1732, N° Lexbase : L1722HN4) des droits au lieu de 150 % applicable jusqu'alors (6). Ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour le contribuable car cela peut inciter le service à y recourir.

La lecture de la jurisprudence démontre que l'imagination du contribuable est sans borne mais une telle attitude tourne toujours à son désavantage : il en est ainsi de l'impossibilité de joindre le contribuable (CE 7 décembre 1977, n° 3071 N° Lexbase : A4643AYM) ou lorsque ce dernier prétend avoir cessé toute activité et qu'il communique le nom de l'ancien comptable sans fournir son adresse (CE 15 juin 1987, n° 48864 N° Lexbase : A2460APS). La décision "SA Maison Bosc" enrichit ces exemples : l'instruction des faits nous apprend que l'administration fiscale, qui avait déjà rencontré des difficultés lors d'un précédent contrôle, avait adressé, par précaution et à la suite de l'absence de la dirigeante de la société vérifiée, deux courriers de mise en garde. Puis, le vérificateur avait été invité, par la dirigeante, à consulter chez l'expert-comptable les pièces de la comptabilité qui, après avoir décliné la mission confiée, avaient été restituées par l'expert comptable à la dirigeante de la société, ce qu'elle ne pouvait ignorer ! Le Conseil d'Etat approuve le juge d'appel d'avoir constaté que le contrôle fiscal n'a pu être réalisé du fait de l'attitude du contribuable ; ce qui justifiait l'évaluation d'office des résultats et l'application d'une majoration au taux de 100 % -au lieu de 150 %- même si les faits sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2005 et si, toutefois, ils n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée : dans une telle hypothèse, le juge de l'impôt se place à la date à laquelle il statue. Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une jurisprudence déjà bien établie (CE 9° et 10° s-s-r., 26 décembre 2008, n° 282995 N° Lexbase : A9620EBW ; CE Contentieux, 5 avril 1996, n° 176611 N° Lexbase : A8780ANI).

B - La TVA et la preuve de l'exportation de biens

Les assujettis redevables se livrant au commerce extérieur sont exonérés de TVA (CGI, art. 262 N° Lexbase : L3544IAI). La TVA, qui constitue de loin la première source de recettes fiscales pour l'Etat, est un impôt susceptible d'entraîner une fraude particulièrement dommageable pour les finances publiques que le bien fasse l'objet d'une livraison intracommunautaire ou d'une exportation à l'intention des pays tiers à l'Union européenne d'où l'importance de la preuve dans un tel contentieux. Le Code général des impôts met à la charge du contribuable exportateur un ensemble d'obligations (CGI, ann. III, art. 74 N° Lexbase : L2156HMS) et, pour chaque envoi, le fournisseur doit établir une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et visé par le service des douanes du point de sortie. Conscientes des difficultés pratiques liées à la production de l'exemplaire n° 3 de la déclaration d'exportation tenant au fait que les différents acteurs de la chaîne logistique ne retournaient pas le document visé à l'exportateur, les autorités publiques sont intervenues et permettent désormais au contribuable d'apporter l'un des éléments de preuve indiqués au d) de l'article 74 de l'annexe III au CGI modifié (7) en conséquence (décret n° 2004-468, 25 mai 2004, relatif aux formalités requises en matière de preuve des exportations de biens bénéficiant de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant l'annexe III au Code général des impôts N° Lexbase : L2177DYB, entré en vigueur le 3 juin 2004). Une telle modification réglementaire s'imposait d'autant plus que la jurisprudence des juges du fond a considéré, depuis lors, comme disproportionnée la présomption irréfragable de non exportation issue de l'ancienne rédaction de l'article 74 de l'annexe III au CGI, lorsque l'entreprise n'était pas en mesure de produire cette déclaration si toutefois il n'existait aucun doute quant à la réalité de l'exportation (CAA Lyon, 2ème ch., 28 décembre 2006, n° 02LY01071, Sarl France Europe Distribution N° Lexbase : A5893DTG ; contra : TA Nantes, 6 novembre 2001 n° 97-2787, SA Coréa, RJF, avril 2002 n° 380). Dans la pratique professionnelle, si une réponse ministérielle de 2004 précisait bien qu'en toute rigueur, "Jusqu'à l'adoption [du décret du 25 mai 2004], seul l'exemplaire numéro 3 de la déclaration en douane d'exportation visé au verso par le service des douanes du point de sortie de l'Union européenne pouvait servir de justificatif" (8), il est arrivé -et le présent arrêt "SA Maison Bosc" en témoigne en partie (9) (v. également dans le même sens : CAA Nantes, 1ère ch., 2 mars 2009, n° 07NT03555, SAS Millenis N° Lexbase : A2718ELA)- que l'administration accepte malgré tout de prendre en compte des éléments de preuve présentés par le contribuable suppléant l'exemplaire n° 3 de la déclaration en douane.

Au cas particulier, et compte tenu de la rédaction des textes applicables aux faits de l'espèce, la Maison Bosc s'est vue contester le caractère probant de certains justificatifs d'exportation car les documents présentés étaient illisibles -ce qui revient à considérer qu'ils n'étaient pas exploitables et ne pouvaient étayer la thèse du contribuable- ou étaient constitués de relevés ou d'avis d'opérations bancaires qui ne pouvaient établir la preuve de l'exportation "même s'ils [faisaient] apparaître que le donneur d'ordre [était] établi à l'étranger ou [mentionnaient] comme motif du paiement le règlement de l'achat de costumes destinés à des membres de professions judiciaires". L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est confirmé par le Conseil d'Etat : devant le juge de l'impôt, les dispositions réglementaires sont strictement appliquées et la Haute juridiction administrative ne dit pas si l'article 74 annexe III au CGI, dans sa rédaction antérieure au décret du 25 mai 2004, était disproportionné par rapport au but assigné aux Etats membres par la Directive TVA (10). Mais, il est vrai également que les faits de l'espèce ne laissaient pas présager d'une absolue certitude quant à la réalité des exportations alléguées par la société ! En d'autres termes, en pratique, un tel litige doit trouver une issue amiable avec l'administration en charge du contrôle.

On notera, pour conclure, que cette décision a fait l'objet d'une prompte réaction de l'administration fiscale qui souligne que ses agents peuvent ne pas accepter les éléments de preuve opposés par le contribuable "s'il existe des doutes sérieux sur leur validité ou leur sincérité" (instruction du 11 février 2010, BOI 3 A-2-10 N° Lexbase : X6979AGL).

II - Intégration fiscale et société intégrante en formation : notion de détention continue des titres des sociétés filiales intégrées : CAA Marseille, 4ème ch., 3 novembre 2009, n° 07MA01103, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1266EQX)

L'arrêt "Société Alimentation Générale du Mail" a trait à un contentieux qui fut pendant longtemps fort rare devant le juge de l'impôt et qui tend, aujourd'hui, à se développer : rappelons que le régime de l'intégration fiscale permet à une société intégrante de "se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice" (CGI, art. 223 A N° Lexbase : L3718IAX) ; les sociétés intégrées étant, alors, tenues, à titre de garantie, à hauteur de l'impôt qu'elles auraient acquitté si elles n'avaient pas été intégrées.

Les faits de l'espèce rapportent qu'à l'automne 1995, une personne physique s'engage à acquérir les actions de deux sociétés anonymes sous conditions suspensives devant être réalisées au plus tard le 31 décembre de la même année. Dans le même temps, l'acquéreur entame des démarches en vue de constituer une holding de reprise sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

A l'issue d'une vérification de comptabilité, le vérificateur a remis en cause l'application du régime de l'article 223 A du CGI, puisque, selon l'administration, les titres sociaux des sociétés intégrées n'ont pas été détenus à 95 % de manière continue pendant l'année 1996, premier exercice d'application du régime d'intégration fiscale. L'arrêt rendu par le juge d'appel, réformant le jugement du tribunal administratif de Montpellier et accordant notamment au contribuable la décharge des cotisations d'IS et de la contribution additionnelle à cet impôt, prend position, à la fois, sur les effets de conditions suspensives insérées dans le contrat d'acquisition des actions des deux sociétés anonymes intégrées (A) ; ainsi que sur les conséquences de la reprise des engagements -dont l'option pour l'intégration fiscale- souscrits au nom de la société intégrante en formation (B).

A - Le civil tient le fiscal en l'état

Le protocole d'acquisition des titres sociaux des sociétés anonymes concernées stipulait un ensemble de conditions suspensives. Ainsi, l'article 7 du contrat signé par les parties le 13 octobre 1995 prévoyait qu'il deviendrait définitif dès l'obtention d'un ou de plusieurs prêts bancaires, de l'agrément du cessionnaire et de la mainlevée des cautions. Toutes ces conditions ont, finalement, été réalisées dès le 8 décembre 1995. Par conséquent, le transfert de propriété des actions a bien eu lieu au moment où un accord est intervenu sur la chose et le prix (C. civ., art. 1583 N° Lexbase : L1669ABG) après levée des conditions suspensives. L'administration fiscale ne peut contester l'effet juridique du contrat conclu entre les parties en prétendant y voir une promesse de vente optionnelle. Ou encore en s'appuyant sur les modalités de paiement des cessions d'actions ou l'inscription sur le registre des titres du transfert de ces actions puisque, en droit français, c'est le principe de transfert de propriété solo consensu qui s'imposait, eu égard aux faits de l'espèce, pour ces titres non cotés "quoique la chose n'ai pas encore été livrée ni le prix payé" (Cass. com., 22 novembre 1988, n° 86-18.152, M. Korzilius GMBH c/ Consorts Korzilius N° Lexbase : A3966AGY ; Cass. com., 30 novembre 2004, n° 02-16.229, Société Editions Atlas c/ Société Seeft management N° Lexbase : A1185DEM (11)). En revanche, depuis l'adoption de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 (N° Lexbase : L5052DZ7), le régime du transfert de propriété des valeurs mobilières (12) émises par des sociétés par actions dont les titres sont cotés ou non est unifié (13) et résulte de leur inscription au compte de l'acheteur (C. com., art. L. 228-1 N° Lexbase : L5565IC4 ; décret n° 2006-1566, du 11 décembre 2006, art. 60 N° Lexbase : L7100HT7 ; C. com., art R. 228-10 N° Lexbase : L0320HZU). Mais rien n'interdit aux parties de s'entendre sur la date à laquelle les titres seront inscrits au compte de l'acheteur (14) !

Dans une telle hypothèse, la démarche de l'administration fiscale surprend : dans une décision récente, le service a, également, tenté de contester les effets d'une clause suspensive insérée dans une convention de cession de clientèle d'un expert-comptable à l'un de ses confrères pourvu que ce dernier soit agréé par l'organe de tutelle. Le Conseil d'Etat, censurant les juges du fond qui avait repris la thèse de l'administration fiscale (CAA Douai, 3ème ch., 7 juin 2005, n° 03DA00401, M. et Mme Paul Deperrois N° Lexbase : A2640DKY), en avait alors tiré toutes les conséquences après une juste analyse des effets juridiques de cette clause (CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2008, n° 283956, M. et Mme Deperrois N° Lexbase : A8670D7A).

Le parallèle entre les deux arrêts "Société Alimentation Générale du Mail" et "Deperrois" réside dans le fait que le contribuable a bien la maîtrise du fait générateur de l'impôt grâce au droit des contrats (notre thèse, L'opposabilité des conventions de droit privé en droit fiscal, Thèse Paris 13, 2009, § 87 et s.) ; ce que conteste par principe l'administration fiscale alors que la jurisprudence rendue par le juge de l'impôt offre de nombreuses illustrations témoignant de ce phénomène (v., ainsi, pour les conséquences fiscales d'une clause contractuelle visant à proroger l'échéance d'un bail à construction qui se distingue d'une tacite reconduction du contrat : CE 3° et 8° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 271523, Société Immobilière du Parc N° Lexbase : A5396DMS).

B - La reprise des engagements souscrits au nom de la société intégrante en formation

Les conditions suspensives ayant été levées le 8 décembre 1995, le gérant de l'EURL Cigale Distribution, agissant au nom de cette société en formation, a opté le 12 décembre 1995 pour le régime de l'intégration fiscale à compter du 1er janvier 1996 (CGI, art. 223 A N° Lexbase : L4177HLB) comprenant, dans le périmètre d'intégration, les deux sociétés filiales AGM et AGC dont les titres venaient d'être achetés. La loi fiscale exige une détention continue d'au moins 95 % des titres de la société intégrée pendant toute la durée de l'exercice social : or, l'EURL intégrante a finalement acquis la personnalité morale le 3 janvier 1996 lorsqu'elle a été immatriculée (C. com., art. L. 210-6 N° Lexbase : L5793AIE). L'administration entendait, alors, en tirer argument pour remettre en cause l'application de ce régime au cas d'espèce. La loi commerciale dispose que les engagements souscrits au nom d'une société en formation, régulièrement constituée et immatriculée, puis repris, sont réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. Au cas particulier, il n'est pas contesté que ces engagements ont bien été repris par l'EURL Cigale Distribution. Le juge d'appel, pour écarter la thèse de l'administration fiscale, va appliquer les dispositions commerciales en considérant que l'acquisition des titres des deux sociétés anonymes intégrées ainsi que l'option formulée par l'EURL intégrante en cours de formation devaient être réputées avoir été faites dès l'origine par la société Cigale Distribution. Par conséquent, la société intégrante détenait bien de manière continue en 1996 au moins 95 % des "parts" -sic (15)- des sociétés anonymes AGM et AGC. A notre connaissance, cette jurisprudence est inédite en matière d'intégration fiscale, mais il existe, en BIC, une décision de la Haute juridiction administrative considérant que, quelle que soit la date de début d'exploitation mentionnée dans les statuts, la société n'a d'existence fiscale qu'à compter du jour d'ouverture de l'exercice au cours duquel elle a été immatriculée (CE Contentieux, 28 février 1997, n° 141459, Mme Pinaton N° Lexbase : A8344ADE). De plus, la cour administrative d'appel de Marseille écarte la doctrine administrative selon laquelle "une société nouvelle ne peut faire partie d'un groupe que si son immatriculation au Registre de commerce et des sociétés est antérieure à la date commune d'ouverture des exercices des sociétés du groupe. En effet, la date de création d'une société s'entend de la date de son immatriculation au Registre de commerce et des sociétés" (16). En droit des sociétés, il serait plus juste d'écrire que l'immatriculation confère la personnalité morale à la société, c'est-à-dire une capacité juridique. Jusqu'à son immatriculation, la société n'est pas nulle : elle a été créée inter partes (17) (v., ainsi, s'agissant des sociétés en participation : C. civ., art. 1871 N° Lexbase : L2069ABA). Par ailleurs, la jurisprudence administrative accepte de recevoir en justice la demande d'une société à responsabilité limitée (SARL) en cours de formation si, toutefois, les statuts ont été signés et enregistrés (CE 1° et 6° s-s-r.., 23 janvier 2006, n° 284788, Commune de Blauzac N° Lexbase : A5442DMI (18)) ; l'ordre administratif se distinguant fondamentalement sur ce point de son homologue judiciaire qui considère la situation au jour de l'assignation sans régularisation possible (Cass. com., 20 juin 2006, n° 03-15.957, Société Déclics-multimédia c/ Société Santé magazine N° Lexbase : A9595DP3).

III - Fiscalité de la propriété industrielle : déductibilité des frais de renouvellement d'une marque créée : CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 305449, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0306EQE)

La fiscalité de la propriété industrielle -en l'occurrence le droit des marques - est mise à l'honneur dans la décision "Société Beauté Créateurs" : à la suite d'une vérification de comptabilité, une société filiale du groupe L'Oréal qui exerce une activité de vente par correspondance de produits cosmétiques s'est vue notifier en matière d'IS des redressements portant, notamment, sur la possibilité de déduire des frais de dépôt, d'acquisition et de surveillance de marques. Pour l'administration fiscale, ces dépenses devaient être activées. Ce fut également l'opinion de la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 5ème ch., 5 mars 2007, n° 04PA00659, SA Beauté Créateurs N° Lexbase : A8340DUG ; v. également : CAA Paris, 2ème ch., 7 août 2003, n° 99PA00183, SA Laboratoires Pharmascience N° Lexbase : A6124C9P). Il est intéressant de souligner que devant le juge d'appel, la société contribuable prétendait opposer l'incohérence des résultats du fait de l'activation des charges ce que la cour n'a pas manqué de rejeter dès lors que cette argumentation n'était pas pertinente.

La cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat, se fondant sur les dispositions des articles 38 (N° Lexbase : L3699ICY) et 209 (N° Lexbase : L3322IG7) du CGI, offrent une lecture très différente de la loi fiscale qui entraînera la cassation de l'arrêt d'appel et son renvoi devant la même cour.

Pour la Haute juridiction administrative, il y a une distinction à opérer entre les frais exposés pour l'enregistrement de la marque et ceux exposés postérieurement à son dépôt ou son acquisition. Le droit de propriété industrielle conféré par l'enregistrement d'une marque pendant dix ans indéfiniment renouvelable (C. prop. intell., art. L 712-1 N° Lexbase : L3714ADW) s'analyse, en droit fiscal, comme un actif immobilisé incorporel dès lors que les trois critères mis en valeur par la jurisprudence "Sife" (CE Contentieux, 21 août 1996, n° 154488, Société Sife N° Lexbase : A0686AP4 ; C. David, O. Fouquet, B. Plagnet, P.-F. Racine, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Dalloz, coll. : Grands arrêts, 5ème édition, 2009, p. 553) sont rapportés : la marque est dotée d'une pérennité suffisante ; elle constitue une source régulière de profit et elle est susceptible d'être cédée (18). La jurisprudence est sans équivoque à cet égard et elle a récemment rappelé la vigueur des critères proposés dans l'arrêt "Sife" (CE 9° et 10° s-s-r., 16 octobre 2009, n° 308494, Société Pfizer Holding France N° Lexbase : A0752EMS, note de Y. de Kergos et J. Monsenego, Dr. fisc., 2010, comm. 94) aux termes d'une décision qui tire les conclusions, en droit fiscal, des stipulations contractuelles d'une concession de sous-licence exclusive : les rédacteurs d'actes sont invités à se rapprocher des fiscalistes ! Dans une telle occurrence, les frais exposés pour la création d'une marque s'ajoutent au coût de revient de cet actif immobilisé et ne sont donc pas déduits du résultat comptable. L'arrêt "Société Saint-Gobain Vitrage International" avait déjà statué dans ce sens (CE Contentieux, 31 janvier 1997, n° 158678, Société Saint-Gobain Vitrage International N° Lexbase : A8039AD4) concernant l'incorporation dans le prix de revient immobilisé des frais afférents aux demandes d'enregistrement des marques déposées par le contribuable. En revanche, le Conseil d'Etat dit pour droit que ne peuvent être regardés comme des éléments du prix de revient d'une marque inscrite à l'actif du bilan les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque lorsqu'elle maintiennent la valeur de la marque en question sans prolonger la durée des droits ou en accroître la valeur. La position de la Haute juridiction administrative valide incidemment le raisonnement suivi il y a peu par la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 1ère ch., 26 mars 2009, n° 08VE01605, Société France Immobilier Group N° Lexbase : A9977EGM) qui avait considéré que des frais de renouvellement de la protection juridique d'une marque devaient être analysés comme une charge d'entretien dès lors qu'ils ne modifiaient pas la valeur comptable de l'immobilisation. On remarquera également que cette solution est en accord avec le droit comptable (PCG, art. 311-3-3) et la doctrine administrative (instruction du 30 décembre 2005, BOI 4 A-13-05, § 13 N° Lexbase : X5228ADY).


(1) "Le 9 août 1985, trois agents de l'administration fiscale, accompagnés de gendarmes, effectuèrent sur les lieux un contrôle inopiné, sur le fondement de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'à cette occasion, le requérant et ses fils proférèrent à l'encontre des vérificateurs des menaces qui les contraignirent à quitter les lieux sans avoir pu ni remettre l'avis de vérification, ni procéder à aucune constatation matérielle ; qu'un procès-verbal de ces faits fut établi, le jour même, par les gendarmes et un autre, le 27 août 1985, par le vérificateur ; que, par un jugement du 3 juin 1986 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Perpignan statuant en matière correctionnelle condamna X. à 2 500 francs d'amende pour opposition à contrôle fiscal".
(2) "Le fait de mettre les agents habilités à constater les infractions à la législation fiscale dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions est puni d'une amende de 25 000 euros, prononcée par le tribunal correctionnel. En cas de récidive de cette infraction, le tribunal peut, outre cette amende, prononcer une peine de six mois de prison. L'opposition collective à l'établissement de l'assiette de l'impôt est punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende".
(3) Le contribuable peut également être poursuivi s'il commet un délit pénal de droit commun sur la personne de l'agent des impôts : violence, séquestration...
(4) Jusqu'au 31 décembre 2005 : CGI, art. 1737 (N° Lexbase : L4225HMG).
(5) Mais également : "L'interdiction de participer aux travaux des commissions instituées par les articles 1650 à 1652 bis et 1653 A".
(6) Jusqu'au 31 décembre 2005 : CGI, art. 1730 N° Lexbase : L4167HMB).
(7) "d Que, dans les cas où le fournisseur ne détient pas la déclaration d'exportation visée conformément au premier alinéa du c et à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du Code général des impôts, il mette à l'appui du registre mentionné au a, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du Code général des impôts ou un département d'outre-mer, en plus de la déclaration en douane enregistrée par le bureau des douanes où elle a été déposée, l'un des éléments de preuve complémentaires ci-après : 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du Code général des impôts ou un département d'outre-mer ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté ; 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers ; 4° Les documents mentionnés à l'article 302 M du Code général des impôts, visés par le bureau des douanes du point de sortie de la Communauté ou tout autre élément de preuve alternatif accepté par l'administration chargée de la surveillance des mouvements de produits soumis à accises ; 5° Pour tous les produits autres que ceux soumis à accises ou à des contrôles douaniers particuliers et lorsqu'il s'agit d'une livraison effectuée dans les conditions prévues au premier alinéa du 2° du I de l'article 262 du Code général des impôts, une déclaration du transporteur ou du transitaire qui a pris en charge les biens, accompagnée de la preuve du paiement des biens par le client établi dans un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du Code général des impôts ou un département d'outre-mer".
(8) QE n° 45189 de M. Moyne-Bressand Alain, JOANQ 3 août 2004 p. 5919, min. Bud., réponse publ. 16 novembre 2004 p. 8997, 12ème législature (N° Lexbase : L5841IGG).
(9) "Qu'eu égard aux justifications produites par la société, l'administration a admis la réalité de certaines exportations effectuées par la requérante et réduit en conséquence de 600 620 francs à 461 025 francs le montant de TVA exigible ; que, cependant, l'administration conteste le caractère probant des autres justificatifs d'exportation présentés par la requérante et refuse d'accorder à celle-ci un dégrèvement supplémentaire", CAA Paris, 2ème ch., 27 avril 2007, n° 06PA00945, Société Maison Bosc (N° Lexbase : A9239ERM).
(10) Art. 15 de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) ; aujourd'hui : art. 131 et 146 de la Directive 2006/112/CE du 29 novembre 2006 (N° Lexbase : L7664HTZ).
(11) "Et attendu, en troisième lieu, qu'après avoir exactement énoncé que le contrat de cession d'actions, soumis au droit commun de la vente, est conclu dès lors que les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix, indépendamment de tout formalisme, et retenu qu'il n'en est autrement qu'autant que les parties ont érigé ce formalisme en condition suspensive, la cour d'appel a souverainement estimé qu'il n'était pas établi que les parties avaient eu la volonté de faire des événements invoqués par la société Atlas des conditions suspensives de leur accord ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi répondu aux conclusions visées par la troisième branche, a légalement justifié sa décision".
(12) Il s'agit de titres négociables : les actions, les obligations, les parts de fondateur, les certificats d'investissement (supprimés pour l'avenir par l'ordonnance du 24 juin 2004), les titres participatifs : M. Germain et V. Magnier, M. Germain (dir.), Traité de droit commercial Les sociétés commerciales, 19ème édition, 2009, p. 559.
(13) Jusqu'alors, les dispositions de l'article -aujourd'hui abrogé- L. 431-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1935HBB) ne visaient que les seuls titres cotés cédés sur un marché réglementé d'instruments financiers et subordonnaient leur transfert de propriété à une inscription au compte de l'acheteur : C. Nouel et R. Gentilhomme, Titres sociaux : imposition des plus-values et date de transfert de propriété, Bulletin Fiscal Francis Lefebvre, juin 2004, § 26.
(14) A. Charveriat, A. Couret, B. Zabala, Mémento Sociétés commerciales 2010, Editions Francis Lefebvre, § 17156 ; F. Roussel et C. Vernières, Le transfert de propriété des valeurs mobilières non cotées, JCP éd. E, 2007,ét. 1840.
(15) Dans une société anonyme, les titres s'appellent des actions. Les actions sont négociables alors que "les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négociables" dans les SARL (C. com., art. L. 223-12 N° Lexbase : L5837AIZ).
(16) Doc. adm. 4 H-6612, 12 juillet 1997, n° 14.
(17) "Dès que les statuts ont été signés, la société est constituée, bien qu'elle n'ait pas la personnalité morale", P. Merle et A. Fauchon, Droit commercial Sociétés commerciales, Dalloz, coll., Précis, 12ème édition, 2008, § 76.
(18) "Considérant que, si l'ensemble des formalités qu'implique la constitution d'une société à responsabilité limitée n'étaient pas accomplies à la date de l'introduction de la demande de suspension, il n'est pas contesté qu'étaient intervenus les premiers actes de création de la SARL 'Pain de Blauzac', notamment la signature de ses statuts par les associés et la présentation à l'enregistrement ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que la constitution de cette société a été entreprise en vue d'acquérir et d'exploiter le fonds de commerce de boulangerie rattaché à l'immeuble faisant l'objet de la décision de préemption litigieuse ; que, par suite, les fins de non-recevoir tirées du défaut de capacité et d'intérêt pour agir de cette société en cours de constitution doivent être écartées".
(18) La notion de cessibilité concerne les concessions de marques et de brevet. Certains droits sont immobilisés alors qu'ils ne peuvent être cédés : CE 9° et 10° s-s-r., 3 mars 2003, n° 232393, Société Trinôme (N° Lexbase : A0892DAB).

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