La lettre juridique n°384 du 25 février 2010 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Statut du salarié "porté" : la Cour de cassation plus audacieuse que le législateur !

Réf. : Cass. soc., 17 février 2010, 2 arrêts, n° 08-45.298, M. Adelino Sousa Pina, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9244ERS) et n° 08-40.671, M. Denis Lorenzo, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9243ERR)

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N2567BNE

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

le 07 Octobre 2010

Ignoré du droit, appréhendé de manière contradictoire par les juges (1) et suscitant des réserves de la doctrine (2), le portage salarial a gagné en lisibilité et en sécurité juridique en 2008, par l'émergence d'un régime et surtout d'une définition issus de deux textes dont on se souvient de l'apport et de la portée : l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, dit de modernisation du marché du travail (art. 19) ; et la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 8) (N° Lexbase : L4999H7B), insérant dans le Code du travail un nouvel article L. 1251- 64 (N° Lexbase : L8532IAA) (3). Mais les solutions retenues par le législateur avaient laissé les partenaires sociaux et la doctrine finalement insatisfaits, en raison des lacunes et zones d'ombre laissées en l'état par la codification. Si un accord avait bien été conclu le 15 novembre 2007 (accord relatif au portage salarial), il ne s'appliquait, en réalité, qu'aux activités qui entrent dans le champ d'application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987. Bref, faute d'initiative prise par les partenaires sociaux (dans le cadre d'un nouvel accord collectif étendu, prévu par l'article 19 de l'Ani du 11 janvier 2008) ou le législateur, la jurisprudence était attendue. Par deux arrêts rendus le 17 février 2010, la Cour de cassation vient de répondre à ces attentes. Elle y affirme la soumission des contrats de portage salarial aux règles d'ordre public du droit du travail et précise les obligations des parties en découlant. Saisie à propos de contrats de portage salarial conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008, entre des sociétés de portage et des travailleurs du bâtiment, la Chambre sociale a jugé que ces contrats étaient soumis aux règles d'ordre public du droit du travail : le premier arrêt (pourvoi n° 08-45.298) est rendu sous le visa des articles L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) (selon lequel le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun) et L. 1211-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0764H98) (fixant le champ d'application du Code du travail). Elle en déduit que la société de portage, en sa qualité d'employeur, est tenue de fournir du travail à son salarié. Par conséquent, elle n'est pas fondée à licencier un salarié au motif qu'il est demeuré sans activité pendant deux mois, quand bien même il aurait, parallèlement au contrat de travail, souscrit l'engagement de rechercher ses missions et de les exécuter dans le respect des règles en vigueur dans son domaine d'activité. Dans le second arrêt (pourvoi n° 08-40.671), la Chambre sociale, après avoir rappelé qu'il ne peut être dérogé par voie contractuelle à l'obligation d'indiquer dans le contrat de travail souscrit à temps partiel la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou du mois, casse l'arrêt d'une cour d'appel qui avait refusé de requalifier en contrat à temps plein un contrat de travail prévoyant une durée de travail minimale symbolique, la durée réelle étant variable et dépendant de l'activité déployée par le salarié selon sa propre initiative.

Ces deux arrêts dessinent ainsi, en complément de la loi et de certaines dispositions conventionnelles, un régime de l'activité du contrat de portage salarial, aussi bien au regard de l'employeur que du salarié "porté".


Résumé

Pourvoi n° 08-45.298 : en application du droit commun des rapports de travail (C. trav., art. L. 1221-1 N° Lexbase : L0767H9B et L. 1211-1 N° Lexbase : L0764H98), il ne peut être reproché à un "porté" de ne pas avoir travaillé pendant plusieurs périodes faute d'avoir trouvé des missions à effectuer alors que c'est à la société de portage, en sa qualité d'employeur, de lui fournir du travail.

Pourvoi n° 08-40.671 : sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

I - Régime de l'activité de la société de portage

A - Régime légal

L'Ani du 11 janvier 2008 a défini le portage comme une relation triangulaire entre une société de portage, une personne (le porté) et une entreprise cliente ; la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté ; la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente ; la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage ; et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail.

Le législateur n'a pas été beaucoup plus loin dans l'élaboration d'un régime juridique du portage, en se contentant de préciser que le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage (C. trav., art. L. 1251-64 N° Lexbase : L8532IAA).

De même, la prohibition du prêt de main d'oeuvre a été expressément écartée par le législateur pour les entreprises de portage. En effet, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite. Toutefois, cette interdiction générale ne s'applique pas aux opérations réalisées dans le cadre du travail temporaire et du portage salarial (C. trav., art. L. 8241-1 N° Lexbase : L3717IBB).

Dans le champ des rapports collectifs, le législateur a prévu qu'en l'absence de comité d'entreprise, l'employeur informe les délégués du personnel, une fois par an, des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée (et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir) à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial (C. trav., art. L. 2313-5 N° Lexbase : L8279IAU). De même, dans le cadre de son obligation annuelle d'information, dans les entreprises de moins de trois cents salariés (C. trav., art. L. 2323-47 N° Lexbase : L1852IEC), l'employeur remet au comité d'entreprise un rapport sur la situation économique de l'entreprise. L'employeur informe le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée (et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir) à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.

Enfin, chaque trimestre, dans les entreprises de trois cents salariés et plus, l'employeur informe le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de la période écoulée (et qui pourraient le conduire à faire appel pour la période à venir) à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial (C. trav., art. L. 2323-51 N° Lexbase : L8624IAN).

B - Régime conventionnel

En application de l'accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007 visant les entreprises adhérentes du CICF-SNEPS (syndicat national des entreprises de portage salarial dont les activités entrent dans le champ d'application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987), l'entreprise de portage salarial doit accompagner et encadrer scrupuleusement ses consultants, tout en préservant l'autonomie dont ils disposent. L'entreprise s'engage à réaliser un accompagnement actif des consultants pour leur permettre d'assurer le meilleur développement de l'activité dont ils ont la charge dans leur domaine de compétence. L'équipe fonctionnelle de l'entreprise de portage assurera, par ailleurs, tous les aspects de la gestion administrative de l'activité dont ont la charge les consultants. En ce qui concerne cette gestion administrative, l'entreprise de portage s'engage à accomplir les actions suivantes :

- élaboration et signature du contrat de travail avant le début effectif de la première mission ;
- réalisation des formalités administratives liées à l'embauche (DUE...) ;
- accomplissement de l'ensemble des obligations fiscales et sociales liées aux contrats commerciaux et aux contrats de travail ;
- gestion des frais professionnels et de mission en conformité avec les obligations fiscales et sociales ;
- réalisation des facturations sur la base des contrats commerciaux ;
- gestion des comptes d'activité et information mensuelle des consultants sur l'ensemble des éléments imputés sur ce compte d'activité (facturation, encaissement, frais de gestion, frais professionnels et de mission, rémunérations nettes et charges sociales) ;
- et établissement des fiches de paie sur la base des déclarations d'activité.

En ce qui concerne l'accompagnement des consultants dans le développement de leur activité, l'entreprise de portage doit mettre en oeuvre les moyens suivants :

- rémunérer les temps de prospection dans des limites et selon des modalités convenues ;
- assurer un accompagnement individualisé des consultants en fonction de leurs compétences et expériences respectives ;
- assurer la formation professionnelle des consultants en vue de leur permettre de réussir dans leur phase de prospection comme de réalisation de missions. L'entreprise de portage devra faciliter l'accès des consultants aux bilans de compétences et la validation des acquis de leur expérience ;
- assurer et coordonner les actions commerciales menées à l'égard des clients les plus importants, dans le cadre des appels d'offres émis par les entreprises ou organismes publics et privés. L'entreprise de portage doit organiser le développement de "temps collectifs" pendant lesquels les consultants pourront, sous la direction d'un responsable de l'entreprise de portage, échanger sur ces actions et les construire ;
- mettre en relation les offres et les demandes de prestations de services intellectuelles sous différentes formes possibles ;
- et identifier des segments de marché particulièrement dynamiques et porteurs, susceptibles de permettre de faire évoluer les offres de prestations des consultants. Cette démarche pourra s'accompagner d'un dispositif de formation adapté, en vue de permettre aux consultants de faire évoluer leurs domaines de compétence.

C - Régime contentieux

En l'espèce, la Cour de cassation, sous le visa des articles L. 1221-1 et L. 1211-1 du Code du travail a confirmé un principe bien connu selon lequel le contrat de travail comporte pour l'employeur l'obligation de fournir du travail au salarié (pourvoi n° 08-45.298). Pour juger que le licenciement du salarié "porté" était fondé sur une cause réelle et sérieuse, le débouter de ses demandes et le condamner à rembourser à la société les salaires perçus pour la période de mars à juillet 2005, la cour d'appel a mentionné que la charte de collaboration, paraphée et signée par le salarié porté, prévoyait que le collaborateur recherchait ses missions et les exécutait dans le respect des règles en vigueur dans son domaine d'activité.

Les juges du fond ont retenu qu'eu égard aux dispositions contractuelles, le fait d'être demeuré sans activité plus de deux mois consécutifs et de ne pas avoir réalisé la somme de 500 euros de marge par mois, fixée dans le dossier d'inscription, caractérisent la non atteinte de l'objectif ayant motivé le licenciement du 16 juin 2005. De plus, le salarié porté n'a pas justifié avoir adressé à la société une attestation des heures effectuées du 1er au 31 juillet 2004, aucune rémunération n'avait été versée en l'absence de démonstration d'une activité exercée. Enfin, s'agissant des mois de mars à juin 2005, il ne pouvait recevoir de rémunération dans la mesure où il ne justifiait pas avoir adressé à la société les attestations d'heures effectuées. Mais, au contraire, pour la Cour de cassation, les juges du fond ne peuvent relever que le salarié "porté" n'a pas travaillé pendant plusieurs périodes faute d'avoir trouvé des missions à effectuer, parce que, précisément, c'est à la société, en sa qualité d'employeur, de lui fournir du travail.

II - Régime de l'activité des "portés"

A - Régime légal

Le législateur n'a fixé ni le régime juridique du portage, ni le statut du "porté", en précisant seulement que la personne "portée" est soumise au régime du salariat et que doivent être garanties les droits de la personne portée sur son apport de clientèle (C. trav., art. L. 1251-64). C'est bien peu.

B - Régime conventionnel

L'Ani du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail (art. 19) ne comportait aucune disposition opérationnelle. Les partenaires sociaux avaient, à cette occasion, émis le souhait d'organiser le portage afin de sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service. L'Ani du 11 janvier 2008 appelait la branche du travail temporaire à organiser, par accord collectif étendu, la relation triangulaire en garantissant au porté, le régime du salariat, la rémunération de sa prestation chez le client ainsi que de son apport de clientèle. La durée du contrat de portage ne devra pas excéder trois ans.

En revanche, l'accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007, visant les entreprises adhérentes du CICF-SNEPS, alors même que son champ professionnel reste étroit (supra), propose un certain nombre de références et de solutions dont le recensement est précieux.

  • Lien de subordination

L'accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007 visant les entreprises adhérentes du CICF-SNEPS (préc.) précise que les consultants, même s'ils disposent d'une large autonomie dans l'exercice de leur activité professionnelle, demeurent subordonnés à l'entreprise de portage salarial dans le cadre de leur contrat de travail. Ils ont en charge la prospection de nouvelles missions dans le respect des règles et directives édictées par l'entreprise de portage salarial (objet et modalités des missions, conditions tarifaires, etc.). L'entreprise de portage peut, en toute circonstance, décider de refuser la conclusion d'une mission prospectée. Ce refus devra être motivé.

Les consultants s'obligent, par ailleurs, à tout mettre en oeuvre, compte tenu de leurs compétences, pour procéder à la bonne réalisation des missions qui leur sont confiées jusqu'à leur terme. Si une difficulté, de quelque nature que ce soit, survient pendant la phase de réalisation des missions, les consultants doivent en avertir l'entreprise de portage salarial sans délai, afin que toute mesure utile puisse être mise en oeuvre par cette dernière, dans le respect des engagements contractuels à l'égard du client. Les consultants doivent, dans les relations commerciales, faire mention que leur activité est réalisée dans le cadre de l'entreprise de portage salarial et que cette dernière est seule compétente pour valider le contrat de prestation de services. Ils devront, par ailleurs, s'assurer, conjointement avec l'entreprise de portage salarial, que la mission projetée entre effectivement dans leur champ d'expertise.

  • Statut

Les consultants relèvent obligatoirement du statut cadre. Compte tenu que l'exercice de son activité professionnelle dans le cadre d'une entreprise de portage relève le plus souvent d'une reconversion professionnelle pour des cadres expérimentés qui ont souvent acquis une solide expérience dans leur domaine de compétences au cours de leurs précédents emplois mais qui n'ont pas l'expérience du travail par missions, les consultants qui ont moins de 18 mois d'ancienneté dans une entreprise de portage pourront être considérés comme des cadres relevant de l'article 3 de l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Dès lors qu'ils bénéficient d'une ancienneté supérieure à 18 mois au sein d'une entreprise organisée en portage salarial, ils seront obligatoirement considérés comme des cadres autonomes et pourront se voir appliquer l'article 4 de l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail de la convention nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et seront obligatoirement positionnés au minimum au coefficient 3.1 (accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007).

  • Contrat de travail

Le contrat de travail des consultants doit comporter un descriptif des compétences de leurs domaines d'expertise et toute indication utile quant au degré d'autonomie dont ils disposent. Il doit faire état du caractère mixte des fonctions qui leur sont assignées : fonction de développement commercial et fonction de réalisation de missions. Le contrat de travail doit, en outre, préciser qu'il s'agit d'un contrat de télétravail (accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007).

  • Contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé

L'activité des consultants varie d'une semaine sur l'autre et d'un mois sur l'autre en fonction des missions que le consultant aura à réaliser. Pour faire face à cette variation d'activité, les entreprises de portage pourront avoir recours au temps partiel modulé. Dans le cas des contrats à temps partiel modulé, la durée hebdomadaire ou mensuelle du temps de travail peut varier sur tout ou partie de l'année.

Ce contrat est écrit et mentionne, notamment, les éléments issus de la ou des premières missions connues, quant à la qualification du salarié ; à la mention de télétravailleur ; aux éléments de la rémunération ; à la durée hebdomadaire, mensuelle de travail ; aux périodes de travail ; et à la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes. Ces mentions constituent les clauses minimales devant figurer dans tout contrat de travail à temps partiel, les parties pourront compléter le contrat de travail au fil des missions effectuées. Ce dernier pourra comprendre des dispositions relatives aux besoins de formation du salarié ou encore aux exigences commerciales à respecter dans les relations du salarié avec les sociétés clientes, en ce qui concerne plus particulièrement les conditions de rentabilité des missions négociées (accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007).

  • Régime de l'activité salariale

L'accord relatif au portage salarial du 15 novembre 2007 fixe un régime précis de l'activité du porté : congés payés (point 2.4), mutuelle, prévoyance (point 2.5), taux journalier moyen, taux horaire moyen et salaire moyen des 12 derniers mois (point 2.6), frais professionnels (point 2.7), formation professionnelle, DIF (point 2.9), fonctionnement du compte d'activité (point 2.10), clause d'exclusivité et de non-concurrence (point 2.11), brevet d'invention, création de logiciels (point 2.12), clause d'objectif (point 2.13), congés sans solde (point 2.14), et conditions d'exécution des travaux et empêchement (point 2.15).

C - Régime contentieux

Dans la seconde espèce (pourvoi n° 08-40.671), la Cour de cassation vise non seulement le droit commun du contrat de travail, tel qu'il résulte des articles L. 1211-1 et 1221-1, mais aussi l'article L. 3123-14 du Code du travail (N° Lexbase : L3882IBE), dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 (4). Sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Pour rejeter la demande de requalification du contrat de travail du salarié "porté" en contrat à temps complet, les juges du fond ont estimé que les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée à temps partiel comportant des obligations particulières ainsi qu'une convention intitulée "charte de collaboration" fixant des dispositions contractuelles spécifiques. Cette convention cadre organisant le travail du salarié, n'est pas contraire à l'ordre public et a été acceptée par les parties en toute connaissance de cause. La conclusion de ce contrat et sa convention cadre annexe entre la société, entreprise de portage, et le salarié "porté" a pour effet de déléguer la charge de la fourniture du travail et la recherche de clients au salarié porté. L'une des dispositions spécifiques contractuellement acceptées fixe un minimum horaire symbolique de quatre heures par mois à effectuer par le salarié. Cette disposition a eut pour effet de rendre ce dernier autonome dans la gestion de son emploi du temps s'agissant des heures dépassant le minimum horaire le cas échéant.

Mais, pour la Cour de cassation, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.


(1) CA Bordeaux, 13 janvier 2009, n° 08/00398 ; CA Pau, ch. soc., 24 janvier 2008 n° 06/02445 ; CA Montpellier, 7 novembre 2007, n° 07/2783 (non-reconnaissance d'un contrat de travail entre le porté et la société de portage, mais entre le porté et l'entreprise cliente) ; CA Lyon, 5ème ch., 13 octobre 2006, n° 04/06602, Mlle Françoise Vitali c/ SA Inter-venance (N° Lexbase : A8615DZ4), refusant la qualification de contrat de travail aux rapports contractuels noués entre un porté et une société de portage salarial ; TGI Paris, 1ère ch., sect. soc., 18 mars 2008, n° 06/08817, Mme Marie Alice Christian et a. c/ Assedic de Paris (N° Lexbase : A9156D7A) et nos obs., Le TGI de Paris requalifie en contrat de travail l'activité des "portés" d'une société de portage salarial, Lexbase Hebdo n° 303 du 9 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8880BEM). En l'espèce, le TGI de Paris reconnaît l'existence d'un contrat de travail pour les personnes recourant à une société de portage salarial et donc le droit pour celles-ci de prétendre aux allocations chômage. Il relève, dans son jugement, que les éléments nécessaires à la reconnaissance d'un lien de subordination sont bien présents. V., enfin, Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 08-17.852, Assedic du Pas-de-Calais, F-D (N° Lexbase : A0789EQB) (une consultante ayant travaillé pour une société de portage salarial a droit aux allocations de chômage).
(2) L. Casaux-Labrunée, Le portage salarial : travail salarié ou travail indépendant ?, Dr. soc., 2007, p. 58 ; L. Casaux-Labrunée (dir.), Le portage salarial - Fraude ou nouvelle forme d'organisation du travail ?, n° spécial SSL, supplément n° 1332, 10 décembre 2007 ; J.-Y. Kerbourc'h, Le portage salarial : prestation de service ou prêt de main d'oeuvre illicite ?, Dr. soc., 2007, p. 72 ; P. Morvan, Eloge juridique et épistémologique du portage salarial, Dr. soc., 2007, p. 607 ; J.-J. Dupeyroux, Le roi est nu-Réponse à P. Morvan, Dr. soc., 2007, p. 616.
(3) P. Bernard-Remond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), 30 avril 2008 ; D. Dord, Rapport Assemblée nationale n° 789, 8 avril 2008, Rapport sur le projet de loi (n° 743) portant modernisation du marché du travail ; Ch. Radé, Que reste-t-il de l'accord de modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 après la loi du 25 juin 2008 ?, Lexbase Hebdo n° 319 du 26 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1900BHT) ; nos obs., Article 8 de la loi portant modernisation du marché du travail : consécration légale du portage salarial, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5333BGM).
(4) L'article L. 3123-14 du Code du travail (N° Lexbase : L3882IBE) porte sur le contrat de travail à temps partiel et ses mentions, relatives à la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; et les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ; enfin, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.


Décisions

1° Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-45.298, M. Adelino Sousa Pina, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9244ERS)

CA Pau, ch. soc., 24 janvier 2008

Textes visés : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) et L. 1211-1 (N° Lexbase : L0764H98)

Mots-clés : portage salarial ; société de portage salarial ; obligations ; obligation de fournir du travail ; défaillance de l'employeur

Lien base : (N° Lexbase : E7619ESY)

2° Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-40.671, M. Denis Lorenzo, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9243ERR)

CA Montpellier, 4ème ch. soc., 20 juin 2007

Textes visés : C. trav., art. L. 1211-1, L. 1221-1 et L. 3123-14 (N° Lexbase : L3882IBE)

Mots-clés : portage salarial ; société de portage salarial ; obligations ; obligation de fournir du travail ; défaillance de l'employeur

Lien base : (N° Lexbase : E7619ESY)

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