La lettre juridique n°384 du 25 février 2010 : Avocats/Publicité

[Focus] Avocat : quel-nom-de-domaine.com ?

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 03 Mars 2011

Depuis quelques mois, les instances représentatives de la profession se penchent sur le sujet des noms de domaine choisis par les avocats. Bien qu'elles admettent l'urgente nécessité d'adapter les règles existantes, elles rappellent que la question relève du régime de la publicité de l'avocat, tel que fixé par l'article 15 du décret du 12 juillet 2005 (décret n° 2005-790, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat) et par le Règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8), en particulier, son article 10.10, relatif à la publicité. Ces textes sont quasi muets sur la question spécifique des noms de domaine. Mais, en attendant de fixer un régime adéquat ou, tout du moins, de s'accorder sur les bons usages, il faudra se référer aux principes qu'ils posent.

L'article 15 du décret du 12 juillet 2005 indique que la publicité est permise à l'avocat, "si elle procure une information au public et si sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession". Le texte précise que "la publicité inclut la diffusion de l'information sur la nature des prestations de services proposées, dès lors qu'elle est exclusive de toute forme de démarchage".

L'article 10.11 du RIN consacré à la publicité de l'avocat sur internet précise les mentions obligatoires et les mentions autorisées figurant sur le site et règlemente les liens hypertexte. Il prévoit, aussi, un contrôle de la part de l'Ordre, "qui doit être informé sans délai de l'ouverture du site et des noms de domaine permettant d'y accéder". Le texte reprend, également, le principe général contenu dans l'article 15 du décret, applicable aux noms de domaines : "le contenu du site doit être respectueux du secret professionnel et doit respecter, également, la dignité et l'honneur de la profession".

C'est à côté de cette dernière exigence que certains avocats seraient passés. De nombreux noms de domaine, plus que "douteux" pour certains, se sont multipliés sur la toile : cabinet-avocat-licenciement.com, droit-des-sociétés.net, droitaffaires.com, etc..

Plus grave, des avocats se sont attribués des noms de domaines laissant penser que les sites émanent des structures représentatives de la profession, voire participent directement à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la norme elle-même : accidentdutravail.net, maladies-professionnelles.fr, controle-urssaf.com, droitdelasecuritesociale.com, etc..

Ces dérives ont été dénoncées par Vincent Canu, membre du conseil de l'Ordre du Barreau de Paris : ces formules "ne respectent ni la dignité ni l'honneur de notre profession". D'autant que certaines contiennent des mentions qualificatives qui se veulent laudatives.

Après avoir attiré l'attention du conseil de l'Ordre du Barreau de Paris sur ces tromperies qui "violent les principes essentiels auxquels l'avocat est tenu", lors de sa séance du 26 mai 2009) (1), Vincent Canu a participé au groupe de travail "publicité personnelle de l'avocat" de la Commission des Règles et Usages du Conseil national des Barreaux (CNB). Ce groupe vient de remettre un rapport visant à réglementer les noms de domaine des avocats, qui sera soumis à concertation et qui sera examiné par l'assemblée générale du CNB à tenir les 12 et 13 mars prochains.

L'initiative du Conseil est heureuse, car si le Barreau de Paris avait tiré la sonnette d'alarme, il n'était pas dit que tous ses pairs le suivent dans cette démarche ou adoptent des interprétations communes des termes utilisés pour les noms de domaine.

L'objectif, ici, est de mettre fin à "toute publicité trompeuse", indique Pierre Berger, Président de la Commission des Règles et Usages. Aux termes du projet de modification de l'article 10 du RIN, "l'utilisation de noms de domaine évoquant de façon générique le titre d'avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de l'avocat, est interdite". Le texte propose, donc, d'interdire l'utilisation de noms génériques. Seule serait, en fait, permise l'utilisation du nom ou la dénomination exacte du cabinet de l'avocat : "le nom de domaine doit comporter le nom de l'avocat ou la dénomination exacte du cabinet".

Le groupe de travail reprend, ainsi, les solutions dégagées dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 15 février 2001 (CA Toulouse, 1ère ch., 15 février 2001, n° 2000/01962 N° Lexbase : A6132ATB), au sujet du nom de domaine avocat-toulouse.com. Les juges avaient considéré qu'il est "difficilement concevable que le site professionnel d'un avocat ne comporte pas en premier lieu son nom ou celui de sa structure. Aucun auxiliaire de justice ne peut, en effet, s'approprier, même indirectement, le terme générique de sa profession sur un site internet et laisser ainsi entendre aux tiers non avertis qu'il représente l'intégralité de cette profession".

Avant l'examen du projet de modification de l'article 10 du RIN par l'assemblée générale du CNB à tenir au mois de mars prochain, les contributions des différents Barreaux vont être examinées. Notamment, le Barreau de Paris propose de laisser la possibilité pour l'avocat d'accoler à son nom la spécialisation dont il est titulaire, s'agissant de spécialisations "obtenues par un certificat délivré par les centres de formation" (2). Seraient, donc, exclues, dans un premier temps, les activités dominantes ou les champs de compétence. Toutefois, "souhaitant être totalement en phase avec le CNB sur ces questions, le Bâtonnier a proposé que cette idée soit soumise à la commission Règles et usages du CNB avant que de nouvelles dispositions ne soient votées".


(1) Cf. le Bulletin du Barreau de Paris n° 19, 4 juin 2009.
(2) Cf. le Bulletin du Barreau de Paris n° 6, 12 février 2010.

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