Réf. : Cass. civ. 1, 9 décembre 2009, n° 08-18.145, Mme Anouck Huguet, F-D (N° Lexbase : A4404EPS)
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
le 07 Octobre 2010
Information nécessaire. L'information relative à un droit est, à l'évidence, la garantie de l'effectivité de celui-ci. Il en va particulièrement ainsi lorsque le droit positif offre une alternative comme c'est le cas pour l'accompagnement du mineur lors de son audition. L'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8) ouvre un choix au mineur qui peut être entendu seul, ou accompagné d'un avocat ou d'une autre personne de son choix. Il est donc impératif que l'enfant entendu par le juge soit informé des différentes possibilités qui s'offrent à lui pour procéder à un choix éclairé. Dès 1993, le Code de procédure civile mentionnait l'obligation d'informer le mineur de son droit d'être accompagné d'un avocat dans la convocation pour son audition (3).
Information préalable par les parents. Depuis l'entrée en vigueur du décret du 20 mai 2009 relatif à l'audition de l'enfant en justice (décret n° 2009-572 N° Lexbase : L2674IER), le mineur est en principe informé de ce droit avant de recevoir la convocation puisque selon l'article 338-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2700IEQ) "le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant".
Information suffisante. L'information du mineur quant à son droit d'être accompagné par un avocat lors de son audition paraît donc assurée et c'est logiquement que dès 2007, la Cour de cassation a considéré que la mention de cette information dans la décision n'était pas nécessaire. Dans l'arrêt du 9 décembre 2009, la Cour de cassation constate, en effet, comme elle l'avait fait dans l'arrêt du 17 octobre 2007 (4), que "la convocation adressée au mineur en vue de son audition l'informait, conformément à l'article 338-5 du Code de procédure civile, qu'il pouvait être entendu seul, accompagné d'une personne de son choix ou d'un avocat, et qu'il bénéficiait, de droit, de l'aide juridictionnelle". Il semble cependant que cette information n'ait pas été jugée suffisante pour assurer l'effectivité du droit du mineur et qu'elle doive être complétée par un contrôle du juge au moment de l'audition.
II - Le contrôle de l'information de l'enfant au moment de l'audition
L'exigence légale. Lorsque le mineur se présente seul en vue de son audition, on peut se demander s'il a bien été informé de son droit d'être accompagné d'un avocat. C'est la raison pour laquelle l'ancien article 338-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2047H4L) prévoyait que dans cette hypothèse, "le juge lui donne avis de son droit d'être entendu avec un avocat ou une autre personne de son choix". Le cas échéant, le mineur qui n'aurait pas été informé auparavant, peut demander à être accompagné d'un avocat, que le juge peut faire désigner par le Bâtonnier, ce qui entraîne le report de l'audition. Les nouveaux textes issus de la loi du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (loi n° 2007-293 N° Lexbase : L5932HUA) et du décret du 20 mai 2009, relatif à l'audition de l'enfant en justice, ont transféré dans le Code civil l'obligation du juge de contrôler l'information du mineur quant à son droit d'être accompagné d'un avocat. C'est désormais l'article 388-1 in fine du Code civil qui précise que le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit d'être entendu avec un avocat. On notera que la nouvelle formulation ne mentionne que l'avocat et non plus l'autre personne de son choix...
Preuve dans le procès verbal d'audition. Lorsque l'enfant a été entendu seul, se pose la question de savoir s'il a bien été informé par le juge de son droit à être assisté d'un avocat. La Cour de cassation n'exige pas ni dans l'arrêt du 17 octobre 2007, ni dans l'arrêt du 9 décembre 2009, que la mention de cette information figure dans la décision au fond. Toutefois, alors qu'en 2007, elle n'avait pas répondu à l'argument selon lequel cette mention ne figurait pas dans le procès verbal d'audition -ce qui pouvait au demeurant être contestable- elle souligne à l'inverse, dans l'arrêt du 9 décembre 2009 "qu'il ressort du procès-verbal d'audition du 6 septembre 2006, que Guillaume a accepté d'être entendu sans son avocate" et en conclut que les exigences relatives à l'information du mineur ont bien été satisfaites. On peut déduire de cette décision que le procès verbal doit, lorsque le mineur a été entendu seul, préciser que l'enfant a bien été informé par le juge, au moment d'être entendu, qu'il pouvait être accompagné d'un avocat. Cette analyse paraît au demeurant logique. Le compte-rendu d'audition -le décret du 20 mai 2009 ne parle en effet pas de procès-verbal- paraît être le moyen le plus simple pour informer les parties des modalités de l'audition et de l'exercice effectif par le mineur de ses droits.
Preuve par un autre moyen. La mention de l'information de l'enfant dans le procès-verbal ne peut, cependant, pas être le seul moyen envisageable pour établir l'existence de cette information dans la mesure où le compte rendu d'audition prévu par le décret du 20 mai 2009 n'est pas forcement écrit, l'article 338-12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2713IE9) exigeant seulement que ce compte-rendu soit soumis au respect du contradictoire. Le juge qui a entendu l'enfant peut donc seulement rapporter oralement aux parties le contenu de l'audition. Lorsque le compte-rendu de l'audition est oral, il est sans doute préférable, au regard de l'arrêt du 9 décembre 2009, que le juge mentionne dans décision qu'il s'est bien assuré que le mineur avait choisi d'être entendu seul, alors qu'il était informé de son droit d'être accompagné d'un avocat. En l'absence d'une telle mention en effet, et sans compte-rendu écrit de l'audition, aucune preuve ne pourra être apportée du respect de l'obligation pour le juge de s'assurer que le mineur a été informé de ce droit et le parent qui ne serait pas satisfait de la décision rendue pourrait se servir de cet argument pour la remettre en cause...
L'information du mineur garantie d'exécution de la décision. De manière générale, le juge doit se montrer d'autant plus précis quant à la réalité de l'information du mineur relative aux possibilités qui s'offrent à lui, lorsque ce dernier n'a pas exercé les prérogatives qui lui sont offertes. Les droits de l'enfant relatifs à l'audition sont, en effet, formulés sous forme d'alternative ou de possibilités : l'enfant peut demander à être entendu, il peut demander à être accompagné lors de son audition. Le défaut d'exercice par le mineur des possibilités qui lui sont ouvertes peut signifier qu'il n'a pas entendu les exercer ou bien qu'il n'a pas été informé de ses droits. Pour s'assurer que le mineur a bien eu la possibilité d'exercer ces droits, il faut établir la preuve de son information. De cette exigence pourrait dépendre l'exécution de la décision dans un autre Etat. En imposant que l'enfant ait eu la possibilité d'être entendu dans la procédure relative à l'autorité parentale, le Règlement communautaire "Bruxelles II bis" (Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 N° Lexbase : L0159DYK) impose, en effet, au juge de vérifier que l'enfant est informé de son droit d'être entendu. En l'absence de preuve de cette vérification, un Etat pourrait en vertu de l'article 41 du rRèglement communautaire, refuser d'exécuter la décision au motif qu'il n'est pas établi que l'enfant a eu réellement la possibilité d'être entendu. La circulaire de la Direction des affaires civiles et du Sceau n° 2007 06 du 16 mars 2007, relative à l'audition de l'enfant pour l'application du Règlement "Bruxelles II bis" concernant les décisions sur la responsabilité parentale (N° Lexbase : L2212H3C) rappelle que le respect des exigences du Règlement en matière d'audition de l'enfant concerné par les modalités d'exercice de l'autorité parentale "conditionne l'effectivité, dans l'espace judiciaire européen, des décisions rendues par la justice française en matière familiale".
L'audition, acte procédural formel. L'arrêt du 9 décembre 2009 témoigne s'il en était encore besoin du fait que l'audition de l'enfant dans les procédures relatives à l'autorité parentale est devenue un véritable acte de procédure soumis à des exigences formelles impératives. Même si l'on peut parfois regretter que ces exigences fassent l'objet d'une utilisation excessive par les parents, on peut se féliciter des garanties et de l'effectivité dont les droits procéduraux du mineur bénéficient désormais. On appréciera également l'importance conférée par la décision du 9 décembre 2009 au rôle de l'avocat dans le processus d'audition du mineur dans les procédures qui le concernent, qui reflète d'ailleurs le rôle que les auteurs des textes récents ont entendu lui conférer.
(1) Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 07-11.449, M. Armando Damiao Granada Da Conceicao, F-P+B (N° Lexbase : A8220DY4), Dr. fam., 2007, comm. n° 204, obs. P. Murat.
(2) Nos obs., L'enfant et les procédures judiciaires : les nouveaux textes, Lexbase Hebdo n° 353 du 4 juin 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N6318BK9).
(3) Cette obligation était contenue dans l'article 338-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2042H4E), elle a été transférée dans l'article 338-6 du même code (N° Lexbase : L2722IEK) après les modifications engendrée par le décret n° 2009-572 du 20 mai 2009, relatif l'audition de l'enfant en justice (N° Lexbase : L2674IER).
(4) Préc..
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