La lettre juridique n°378 du 14 janvier 2010 : Fiscalité des particuliers

[Chronique] Lois de finances pour 2010 et rectificative pour 2009 : chronique de fiscalité du patrimoine

Réf. : Loi n° 2009-1673, 30 décembre 2009, de finances pour 2010 (N° Lexbase : L1816IGD)

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N9480BM3

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010


Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, chaque semaine, pendant un mois, une chronique thématique consacrée aux dispositions phares des lois de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 N° Lexbase : L1816IGD) et rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE). Cette semaine, Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris, se penche sur les dispositions relatives à la fiscalité du patrimoine, abordant, tour à tour, la réduction graduelle du crédit d'impôt "Scellier", la fiscalité des pactes tontiniers portant sur la résidence principale, la prise en compte des données démographiques pour les dons de sommes d'argent et la mise en cohérence du texte avec l'objectif poursuivi par la loi et la transmission à titre gratuit de titres de sociétés dans le cadre du pacte "Dutreil".
  • Réduction graduelle du crédit d'impôt "Scellier" (LF 2010, art. 82 et art. 83)

Comment réduire la taille d'une niche qui a trop de succès : verdissez-la !

Pour accélérer la construction de logements neufs respectant les critères "basse consommation d'énergie", la loi de finances pour 2010 aménage la réduction d'impôt "Scellier" en faveur de l'investissement locatif. Cette mesure entre, de surcroît, dans volonté, au nom de l'équité, de limiter les niches fiscales.

1. Régime existant

La loi de finances rectificative pour 2008 (loi n° 2008-1443 N° Lexbase : L3784IC7) a institué une réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif, destiné à remplacer, à compter du 1er janvier 2010, les dispositifs "Robien" et "Borloo". Ce dispositif dénommé réduction d'impôt "Scellier" est codifié à l'article 199 septvicies du CGI (N° Lexbase : L2331IGG ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E6066ESH). Le taux de la réduction est fixé à 25 % pour les investissements effectués en 2009 et 2010. La base de la réduction, concernant les logements acquis neuf et respectant la réglementation thermique en vigueur, est de 300 000 euros, étalée sur neuf ans.

La même loi crée un dispositif "Scellier" intermédiaire. L'avantage accordé par la loi peut se cumuler avec deux avantages qui sont attachés au financement d'un logement par un prêt locatif social (PLS), à savoir la TVA à 5,5 % et l'exonération du foncier bâti. Un tel dispositif, selon le rapporteur général du Sénat, est estimé à 2,8 milliards d'euros pour une production de 50 000 logements bénéficiaires ; soit un coût très élevé. Le coût est d'autant plus élevé que, d'une part, la réduction d'impôt ne varie pas en fonction des performances énergétiques du logement, et, d'autre part, malgré le dispositif très incitatif du "Scellier" intermédiaire, les logements bénéficiaires se situent très au dessus de la moyenne des autre logements sociaux ou privés soutenus par la dépense publique.

2. Nouveau régime

Le coût élevé du dispositif était l'occasion d'accélérer la construction de logements vérifiant les critères "basse consommation d'énergie" et d'obliger le secteur du bâtiment de s'adapter à ces nouvelles normes.

Ainsi, la loi instaure un traitement différencié selon que les logements acquis neufs respectent ou non un niveau de performance énergétique supérieur à celui imposé par la réglementation en vigueur. Actuellement, cette réglementation, qui ne vise que les logements neufs, à l'exception de ceux acquis en vue de leur réhabilitation, est la réglementation thermique RT 2005. Pour ces logements, le taux de la réduction d'impôt est diminué de 5 points par an à compter de 2010 et jusqu'à l'expiration du dispositif en 2012.

En revanche ce taux est majoré de 10 points à compter de 2011 pour les logements dont le niveau de performance énergétique globale est supérieur à celui imposé par la législation en vigueur, ou pour les souscriptions de parts de SCPI qui financent de tels logements. Au cas particulier, sont actuellement concernés, sous réserve de modification de la norme légale, les logements bénéficiant du label "basse consommation énergétique, BBC".

Tableau récapitulatif :

Logements ne respectant pas la norme "BBC" Logements bénéficiant du label "BBC"
2010 20 % 25 %
2011 15 % 25 %
2012 10 % 20 %

Enfin, le cumul entre la réduction d'impôt "Scellier" et le bénéfice du prêt locatif social (PLS) est désormais interdit.

L'article 83 de la loi vient, quant à lui, assouplir le zonage de la réduction d'impôt.

On remarquera que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport d'évaluation du dispositif. Ce rapport aura principalement pour objet de mesurer l'efficacité économique de la réduction d'impôt par rapport au coût qu'elle représente pour l'Etat, afin de pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur son éventuelle prorogation ou pérennisation. En tout état de cause, il paraît admis qu'en concordance avec l'objectif de limiter les dépenses fiscales, une niche ne doit plus être permanente (en ce sens, rapport Sénat n° 101, LDF 2010, p. 96).

3. Le débat sur le durcissement des niches

Ce n'est pas un hasard si la loi de finances pour 2010 renforce le plafond des niches fiscales. En effet, les parlementaires considèrent, désormais, que, malgré la faible rentabilité, le plafonnement global répond à un objectif d'équité fiscale (rapport précité, p. 90). Ce plafonnement, qui s'applique déjà au cumul d'avantages fiscaux procurés par un certain nombre de dispositifs de faveur, a rendu moins attractif le cumul d'investissement, éligibles à une réduction d'impôt ou une réduction d'impôt. Cependant, avec les paramètres actuels, soit 25 000 euros, plus 10 % du revenu imposable, ce dispositif reste encore incitatif puisqu'il est mis en oeuvre à partir de 124 000 euros pour un célibataire et 170 000 euros pour un couple marié avec un enfant.

Avec pour souci de ne pas remettre en cause les niches les plus communes, la loi renforce, néanmoins, le plafonnement en fixant à 20 000 euros la part fixe et à 8 % la part variable du plafond. Ce qui, selon les hypothèses de la commission de finances (rapport précité, p. 98), conduirait à une application du plafonnement à partir de 116 000 euros pour un célibataire avec un impôt et un plafond global d'environ 34 500 euros.

Cependant, sur amendement gouvernemental de dernière minute, pour ne pas pénaliser les décisions d'investissements engagées avant l'adoption de la loi, il ne sera pas tenu compte des avantages qui découlent de certains investissements locatifs et ultramarins. Les contribuables concernés relèvent, donc, de la règle antérieure de plafonnement. Les avantages concernés sont les suivants :

- les réductions d'impôt pour investissements outre-mer (CGI, art 199 undecies A N° Lexbase : L3055IEU, 199 undecies B N° Lexbase : L5473IEG et 199 undecies C N° Lexbase : L3090IGK ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E5831ESR), soit les investissements productifs pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant le 1er janvier 2010 ; les acquisitions d'immeubles ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier avant le 1er janvier 2010 ; les acquisitions de biens meubles corporels commandés avant le 1er janvier 2010 et pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés ; les travaux de réhabilitation d'immeubles pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés avant le 1er janvier 2010 ;

- la réduction d'impôt en faveur de la location meublée non professionnelle (CGI, art. 199 sexvicies N° Lexbase : L1242IEQ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E4828ERA) accordée au titre de l'acquisition de logements pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2010 ;

- la réduction d'impôt au titre de l'acquisition de logements neufs destinés à la location -réduction d'impôt "Scellier"- (CGI, art. 199 septvicies) au titre de l'acquisition de logements ou de locaux pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2010.

4. Quand cohérence et équité se rejoignent !

Le temps de la réflexion permet, souvent, de constater qu'un texte nouveau, malgré toutes les anticipations de Bercy, conduit à certaines incohérences, voire à l'application de mesures anciennes, présentées comme des mesures de faveur, qui s'avèrent désavantageuses. La loi de finances remédie à trois d'entre d'elles.

  • Fiscalité des pactes tontiniers portant sur la résidence principale (LF 2010, art. 33)

La loi de finances pour 2010 permet à tout bénéficiaire survivant partie à un pacte de tontine relatif à une habitation principale dont la valeur est inférieure à 76 000 euros d'opter pour l'imposition aux droits de mutation à titre gratuit de l'accroissement résultant du pacte au lieu et place des droits de mutation à titre onéreux.

1. Régime existant

Les biens recueillis en vertu d'une clause de tontine insérée dans un contrat d'acquisition en commun sont soumis aux droits de mutation par décès en fonction du lien de parenté entre le coacquéreur décédé et le coacquéreur survivant (CGI, art. 754 A N° Lexbase : L2131IGZ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7207ASQ). Cette disposition est écartée lorsque l'acquisition en commun porte sur l'habitation principale des deux coacquéreurs et que celle-ci a une valeur inférieure à 76 000 euros au jour du premier décès.

Les droits recueillis par le survivant sont alors soumis aux droits de mutation à titre onéreux, ce qui constitue une mesure de faveur puisqu'au au lieu des droits de succession, entre tiers, soit 60 % en l'absence de lien de parenté, n'étaient exigibles que les droits de mutation à titre onéreux. Ces dispositions s'appliquent, également, lorsque le survivant est soit l'époux du coacquéreur décédé, soit son partenaire, le tarif entre époux et celui entre partenaires étant lui aussi moins avantageux que le droit de vente des immeubles.

2. Nouveau régime

Le bénéficiaire peut, désormais, opter pour l'imposition aux droits de mutation par décès au lieu et place des droits de mutation à titre onéreux. Cette disposition permet, donc, d'éviter de pénaliser les bénéficiaires de la clause d'accroissement qui peuvent, depuis l'entrée en vigueur de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 N° Lexbase : L2417HY8), revendiquer une exonération de droits de succession, c'est-à-dire les époux ou les partenaires ayant conclu un PACS. En effet, pour ces derniers, l'exonération de droits de succession s'avérait inefficace : par exemple, en cas d'acquisition d'un bien immobilier à usage d'habitation principale par deux personnes ayant conclu un PACS, depuis l'exonération introduite par la loi "TEPA", les droits de mutation à titre onéreux restaient exigibles. Depuis la mise en place d'exonération de droits de succession au profit du partenaire survivant, cette mesure de faveur était donc un piège. Le piège était identique pour des conjoints ayant acquis un bien avec clause de tontine.

Cette disposition nouvelle s'applique aux transmissions intervenues à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 2010.

  • Prise en compte des données démographiques pour les dons de sommes d'argent (LF 2010, art. 35)

1. Régime existant

Les dons de sommes effectués dans le cercle familial, c'est-à-dire au profit des enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, ou neveux et nièces, à défaut de descendants en ligne directe, sont exonérés de droits de mutation dans la limite de 31 272 euros (31 395 à compter du 1er janvier 2010) à condition que le donateur soit âgé de moins de 65 ans et le donataire d'au moins 18 ans (CGI, art. 790 G N° Lexbase : L2154IGU ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7017ASP).

2. Nouveau régime en cas de saut de génération

Cet âge limite est porté à 80 ans par la loi de finances pour 2010 pour les dons effectués au profit de descendants en ligne directe quand il est constaté un saut de génération. Cette disposition découle de la pure logique : comment favoriser les dons exceptionnels de sommes d'argent au bénéfice des petits-enfants, voire des arrière-petits-enfants, si le donateur doit avoir moins de soixante-cinq ans, alors que l'âge auquel est constaté une première naissance ne cesse de reculer ! Avant l'introduction de cette disposition, pour qu'une personne âgée de moins de 65 ans puisse faire un don à un arrière petit-fils de 18 ans, l'âge moyen auquel le fils et le petit-fils devait avoir eu sa descendance était de moins de 16 ans !

Ainsi l'exonération, à hauteur de 31 395 euros s'applique :

- si le donateur est âgé de moins de 65 ans pour les dons au profit d'un enfant et, en l'absence de descendants en ligne directe, pour ceux au profit des neveux et nièces ;

- si le donateur est âgé de moins de 80 ans pour les dons au profit de petits-enfants ou d'arrière-petits-enfants, ou en l'absence de descendance en ligne directe, au profit d'un petit-neveu ou d'une petite-nièce, par représentation.

  • Pacte "Dutreil" : mise en cohérence du texte avec l'objectif poursuivi par la loi et transmission à titre gratuit de titres de sociétés (LF, art. 34)

L'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 787 B du CGI (N° Lexbase : L2216IG8 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : L3703IC7), dont bénéficie la transmission de titres de sociétés exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale et agricole ne sera pas remise en cause en cas d'augmentation de la participation détenue par des sociétés interposées.

1. Régime existant

L'exonération partielle est réservée aux parts de société qui font l'objet, d'une part, d'un engagement collectif de conservation pris par le disposant et, d'autre part, un engagement individuel de conservation pris par les bénéficiaires. Cette exonération est étendue aux parts de sociétés interposées qui détiennent, soit directement, soit indirectement, une participation dans la société dont les parts ont fait l'objet de l'engagement de conservation. La société interposée doit souscrire un engagement de conservation.

2. Nouveau régime

La nouvelle disposition légalise une réponse ministérielle selon laquelle l'augmentation de la participation de la société interposée dans le capital de celle dont les titres font l'objet de l'engagement de conservation n'est pas de nature à remettre en cause le régime de faveur (QE n° 79441 de M. Tron Georges, JOANQ 29 novembre 2005 p. 10946, min. Bud. et min. réf. Etat, réponse publ. 14 février 2006 p. 1534, 12ème législature N° Lexbase : L3208IGW). Cette disposition nouvelle met un terme à un paradoxe. En effet, s'il est parfaitement compréhensible que le dispositif actuel ne permette pas de descendre au-dessous d'un certain seuil, il était plus difficile d'admettre que, dans sa rédaction actuelle, le texte puisse empêcher l'augmentation de la participation détenue dans l'entreprise par les familles, accroissement qui se révèle être le plus sûr moyen de consolider le capital et donc la vie de l'entreprise familiale.

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