La lettre juridique n°377 du 7 janvier 2010 : Sécurité sociale

[Textes] LFSS pour 2010 : entreprises et particuliers sollicités pour combler les déficits

Réf. : Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : L1205IGQ)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

le 07 Octobre 2010

En 2009, la crise économique a entraîné un effondrement des recettes des régimes de base de la Sécurité sociale. Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, le déficit rectifié pour 2009 s'établit à 24,7 milliards d'euros, au lieu de 11,4 milliards d'euros dans les prévisions initiales de la loi de financement pour 2009 (1), soit une dégradation de 13,3 milliards d'euros. Le déficit prévisionnel de la branche maladie s'est aggravé de 7,8 milliards d'euros, portant le solde de la branche à - 11,6 milliards. Les déficits des autres branches augmentent de 2,3 milliards d'euros pour la vieillesse, de 2,6 milliards d'euros pour la famille et de 500 millions pour la branche accident du travail-maladie professionnelle (AT-MP). Ces données doivent être comparées avec le déficit de l'Etat, lequel s'élèverait, en comptabilité budgétaire, à 141 milliards d'euros en 2009 (2). Les recettes attendues pour 2010 s'élèvent à 404,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2009. Pour le régime général, ce montant est de 288,1 milliards d'euros, en progression de 1,3 % par rapport à 2009. En 2010, les cotisations s'élèveraient à 210,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base et à 166 milliards d'euros pour le régime général. Au vu de ces données chiffrées, la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux en 2010 du Sénat (3) a dressé un constat sévère mais réaliste. Les comptes de la Sécurité sociale sont structurellement en déficit. Selon les sénateurs, les 25 milliards d'euros de ressources perdus en 2009 et 2010 ne seront jamais retrouvés. Même si une reprise économique est envisageable, le déficit de la Sécurité sociale ne fera que se stabiliser autour de 30 milliards d'euros au cours des prochaines années. De plus, les prévisions à moyen terme sont alarmantes : les déficits cumulés de l'ensemble des régimes s'approcheront de 150 milliards d'euros à la fin 2013, auxquels il faudra ajouter près de 20 milliards d'euros pour le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Plus grave, la Commission estime que les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures sont atteintes : les montants sont devenus tels qu'ils reviendraient à tripler la dette sociale que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a la charge d'amortir d'ici 2021. Sans un retour vers l'équilibre, la pérennité de notre modèle de protection sociale actuel serait en jeu. L'ampleur des déficits des comptes sociaux de l'année 2009 et de ceux prévus pour l'année 2010 (et pour les années suivantes) explique que le pouvoir réglementaire et le législateur se sont attachés à favoriser les rentrées de fonds, en développant de nouveaux prélèvement sociaux ou en supprimant des réductions de cotisations ou des exonérations (les fameuses "niches sociales"). Tous les cotisants sont sollicités : entreprises (I) et particuliers (II). La question des cotisations sociales dépasse de très loin des enjeux juridiques, eu égard à leur portée fiscale, sociale, politique (4), économique, ce dont le législateur paraît conscient (5).

I - Contributions des entreprises

Les contributions des entreprises comprennent un ensemble de cotisants dits de droit commun (B) et un autre ensemble, aux caractéristiques propres, puisque sont visés les professionnels de la santé, soumis à un régime propre (A).

A - Professionnels de la santé

  • Contribution des organismes complémentaires d'assurance maladie au financement de la prise en charge de la grippe A (H1N1)

La LFSS pour 2010 (art. 10) institue un prélèvement exceptionnel sur les organismes complémentaires d'assurance maladie au bénéfice des régimes obligatoires d'assurance maladie, afin de compenser les charges qui résultent pour ces régimes de l'organisation d'une campagne de vaccination de masse, collective et gratuite, contre le virus de la grippe A (H1N1) (6). En effet, le pouvoir réglementaire n'a pas mis en place le dispositif normal de dispense d'avance de frais pour l'assuré, à l'image des mécanismes de tiers payant en vigueur en cas d'hospitalisation et mis en place, pour les soins de ville, par convention entre les caisses et les prestataires de biens et services médicaux (7). Or, si les dépenses liées à la vaccination antigrippale avaient été prises en charge suivant cette procédure, les organismes complémentaires d'assurance maladie auraient supporté une part des tarifs des vaccins et des actes des praticiens en remboursant à leurs adhérents le ticket modérateur (CSS, art. L. 322-2 N° Lexbase : L4702H9Z). C'est pourquoi la LFSS pour 2010 fait peser sur les organismes complémentaires la charge d'une partie des dépenses liées à l'épidémie de grippe A (H1N1).

La contribution à la charge des organismes complémentaires d'assurance maladie vise les mutuelles (régies par le Code de la mutualité), les institutions de prévoyance (régies par le livre IX du Code de la Sécurité sociale ou par le livre VII du Code rural) et les entreprises d'assurance (régies par le Code des assurances). Cette contribution exceptionnelle des organismes complémentaire d'assurance maladie est instituée dans le cadre de leur participation à la mobilisation nationale contre la pandémie grippale. La participation non pérenne est créée à titre exceptionnel et pour la seule année 2010, afin de compenser le transfert de charges des complémentaires vers les régimes de base, qui résulte des conditions dans lesquelles est organisée la vaccination de la population contre le virus de la grippe A (H1N1).

  • Contribution des entreprises de la santé

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 11) a fixé le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (dit "taux K") à 1 % pour l'année 2010. L'article 31 de la LFSS pour 1999 (CSS, art. L. 138-10-I N° Lexbase : L2725ICW) avait assujetti les entreprises exploitant des médicaments remboursables dispensés en officine à une contribution au titre de l'accroissement du chiffre d'affaires qu'elles réalisent au titre de ces médicaments. Mais chaque entreprise n'était redevable de cette contribution que lorsque le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre des spécialités pharmaceutiques remboursées (à l'exception des médicaments orphelins) au cours d'une année civile, en France, par l'ensemble des entreprises assurant l'exploitation de ces spécialités, s'est accru par rapport à l'année précédente d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Le montant de cette contribution était calculé à partir d'une comparaison entre le taux d'accroissement du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises redevables (appelé "taux T" à l'article L. 138-10) et du taux de progression de l'Ondam (dit "taux K"). Le dispositif de l'article L. 138-10 du Code de la Sécurité sociale constitue ainsi une clause permanente de sauvegarde, qui compense une partie des charges qui résultent pour ces régimes d'une progression incompatible avec l'Ondam du chiffre d'affaires des entreprises qui exploitent des médicaments remboursés, sans être engagées dans un processus de maîtrise des dépenses par voie de convention avec le Comité économique des produits de santé (8). Selon les travaux parlementaires (9), le produit de ces contributions est presque nul, car la quasi-totalité des entreprises assujetties ont passé avec le Comité économique des conventions qui les exonèrent du paiement de ces contributions. Le produit des remises versées par ces entreprises en application de ces conventions pourrait atteindre 200 milliards d'euros en 2009.

En principe, le "taux K" constituant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde correspond, selon l'article L. 138-10, au taux de progression de l'Ondam. Toutefois, depuis 2000, la valeur du "taux K" a été fixée directement par les lois de financement de la Sécurité sociale successives, par dérogation aux dispositions de l'article L. 138-10, à des niveaux inférieurs au taux de progression de l'Ondam. La LFSS pour 2009 a fixé la valeur du "taux K" à 1,4 % pour le calcul des contributions dues au titre des années 2009, 2010 et 2011, afin de pallier l'instabilité des règles fiscales applicables aux entreprises pharmaceutiques. Toutefois, la portée de cette disposition était limitée, dans la mesure où elle n'empêche pas qu'une loi ultérieure fixe une valeur différente au "taux K".

  • Contribution sur les dépenses de promotion des fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux

La LFSS pour 2010 s'est attachée à élargir l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, ainsi qu'à relever son taux et, enfin, à affecter une partie de son produit à la Haute autorité de santé (HAS) (10). En application de l'article L. 245-5-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1436IGB), sont assujetties les entreprises qui assurent la fabrication, l'importation ou la distribution en France de certains dispositifs médicaux à une contribution assise sur leurs dépenses de promotion et de publicité en faveur de ces produits (11). Le taux de cette taxe est de 10 %. La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 affecte à la Haute Autorité de santé (HAS) 35 % du produit de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux. Cette ressource nouvelle vise à compenser le manque à gagner résultant pour la Haute autorité de la baisse du produit de la contribution sur la promotion des médicaments. Cette baisse s'explique en effet par la diminution du nombre de visites médicales. Elle a représenté en 2008 un manque à gagner de 10 millions d'euros pour la HAS.

Enfin, la LFSS pour 2010 a élargi le champ des dispositifs médicaux pour lesquels les fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux sont assujettis à la contribution sur leurs dépenses de promotion et de publicité instituée par l'article L. 245-5-1. La LFSS pour 2010 modifie l'article L. 245-5-1, ainsi que l'article L. 245-5-2-1° du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1503IGR), afin d'élargir ces références en y incluant le titre II de la liste des produits et prestations remboursables, relatif aux orthèses et prothèses externes. En effet, ce titre II comprend, notamment, les dispositifs d'optique médicale et les appareils électroniques correcteurs de surdité, dont le marché connaît depuis plusieurs années une forte croissance (12).

B - Contribution des entreprises de droit commun

  • Régime social des retraites "chapeau"

La LFSS pour 2010 a doublé les taux de prélèvements sur les contributions des employeurs aux régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise. Ce système de retraite supplémentaire d'entreprise (CSS, art. L. 137-11 N° Lexbase : L1471IGL) bénéficie d'un dispositif fiscal et social particulièrement avantageux. Ces retraites supplémentaires à prestations définies constituent, en effet, un élément différé très substantiel des rémunérations consenties aux mandataires sociaux. Financées par les entreprises employeurs, elles garantissent à leurs bénéficiaires un niveau de pension prédéterminé, correspondant à un pourcentage du dernier salaire annuel perçu. Elles donnent lieu, le plus souvent à des provisions considérables au moment du départ de leur bénéficiaire.

Les régimes de retraite relevant de l'article L. 137-11 du Code de la Sécurité sociale se définissent par un certain nombre de spécificités, qui les différencient des autres régimes de retraite supplémentaires d'entreprise. Ces contrats se caractérisent par leur caractère collectif (les cotisations sont versées sur un fonds collectif et non pas sur des comptes individuels, comme c'est le cas dans les régimes à cotisations définies) ; le niveau des prestations est prédéterminé (et, corrélativement, l'engagement de l'entreprise de garantir ce niveau), ce qui fait que le coût de la retraite n'est pas connu à l'avance, car un certain nombre d'aléas peuvent survenir entre-temps ; dans ces contrats, seuls les salariés présents dans l'entreprise au moment de leur retraite bénéficient des droits à retraite supplémentaires, l'objectif souvent affiché étant de fidéliser les cadres les plus élevés.

Il faut distinguer, à l'intérieur de l'article L. 137-11, deux types de régime : le régime "différentiel", dans lequel l'entreprise garantit un niveau global de retraite, tous régimes confondus, l'employeur s'engageant à combler la différence entre l'objectif défini par le régime et les droits acquis au titre des autres systèmes de retraite (c'est l'origine du terme "retraite-chapeau") ; et le régime "additif", dans lequel la prestation est définie en pourcentage du dernier salaire, indépendamment des retraites servies par les autres régimes de base et complémentaires. L'aléa subi par l'entreprise ou l'organisme assureur étant plus élevé dans le cadre d'un régime différentiel, la plupart des régimes sont aujourd'hui additifs.

En application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM), ces contributions sont exonérées, sans plafond, de CSG, de CRDS et de cotisations sociales. En contrepartie, la loi a instauré une contribution à la charge de l'employeur et affecté au FSV, dont le taux est compris entre 6 et 12 % en fonction du choix de l'employeur sur le mode de prélèvement. Lors de la création du régime, l'employeur doit opter pour l'assujettissement des rentes versées ou pour celui des contributions destinées à financer le régime, l'option étant irrévocable pour chaque régime (CSS, art. L. 137-11-II) (13). Si l'entreprise fait le choix d'une contribution assise sur les sommes destinées au financement du régime, le taux de la contribution varie selon que le régime est géré en interne (12 %) ou confié à un organisme externe, société d'assurances, institution paritaire, mutuelle... (6 %). Ce dispositif social est particulièrement avantageux. Aucun plafond n'est appliqué pour l'exonération de cotisations sociales, contrairement aux régimes à cotisations définies pour lesquels un plafond d'exonération est fixé à l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2700ICY). Les taux sont très inférieurs aux taux de cotisation pratiqués pour les autres régimes de retraite supplémentaires d'entreprise (entre 30,93 et 51,23 % selon le niveau de salaire). Ces contributions sont aujourd'hui affectées au FSV, mais les montants prélevés sont extrêmement faibles : en 2008, 28,7 milliards d'euros seulement ont été comptabilisées au titre de la contribution de l'article L. 137-11 du Code de la Sécurité sociale.

La LFSS pour 2010 (art. 15) double le taux du prélèvement sur les contributions des entreprises, quel que soit le mode de prélèvement choisi par l'entreprise. Pour les rentes versées par l'entreprise, le taux passerait ainsi de 8 à 16 % et pour les cotisations, le taux passerait de 6 à 12 % pour les régimes gérés en externe et de 12 à 24 % pour les régimes gérés en interne. Le taux de 12 % sur les primes gérées en externe correspond au total CSG, CRDS, forfait social qui est prélevé sur les cotisations des entreprises aux régimes à cotisations définies inférieures au plafond fixé à l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale.

  • Forfait social

L'article 13 de la LFSS pour 2009 a institué une nouvelle contribution, dite "forfait social" (14), à la charge de l'employeur, sur certaines des rémunérations ou des gains assujettis à la CSG, mais exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale (CSS, art. L. 135-15 N° Lexbase : L8987ATZ à L. 135-17). L'objectif poursuivi était d'apporter une réponse à l'un des problèmes posés par la multiplication des "niches sociales" : l'absence de participation de ces sommes au financement de la sécurité sociale, créant corrélativement un risque de substitution de ces éléments de rémunération aux salaires, assujettis quant à eux à l'intégralité des cotisations et contributions sociales.

L'ensemble des éléments de rémunération qui sont soumis à la CSG (CSS, art. L. 136-1 N° Lexbase : L4609AD3) (15) et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale (CSS, art. L. 242-1 et C. rur., art. L. 741-10 N° Lexbase : L2743ICL) sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur (CSS, article L. 137-15). Bref, le principe devient l'assujettissement : toute nouvelle exonération d'un élément de rémunération répondant à ces mêmes critères entrant dans l'assiette du forfait social, sans qu'il soit besoin de le prévoir expressément. Dès lors, ce n'est que si l'on souhaite exclure cet élément du forfait social qu'une disposition législative ad hoc devra venir modifier l'article L. 137-15.

Le taux de cette contribution est fixé à 2 % (CSS, art. L. 137-16 N° Lexbase : L1520IGE) et son produit est intégralement affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie. Pour une assiette évaluée à 20 milliards d'euros, son rendement attendu pour 2009 était donc de l'ordre de 400 millions d'euros. La LFSS pour 2010 (art. 16) procède au doublement du taux de la contribution, qui passe ainsi de 2 % à 4 %. Ce nouveau taux s'applique à compter du 1er janvier 2010. La recette supplémentaire est évaluée à 380 millions d'euros, portant le produit total du forfait social à 760 millions d'euros (16).

II - Contributions versées par les particuliers

A - Suppression du seuil annuel de cession de valeurs mobilières et droits sociaux pour l'imposition des plus-values aux prélèvements sociaux

La LFSS pour 2010 (art. 17) a assujetti aux prélèvements sociaux dès le premier euro les plus-values de cession de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés réalisées par les particuliers résidant fiscalement en France. Il faut rappeler que ces plus-values sont imposables à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 18 % (CGI, art. 150-0 A N° Lexbase : L3635ICM à 150-0 F) et aux prélèvements sociaux au taux global de 12,1 % (8,2 % au titre de la CSG, 0,5 % de CRDS, 2 % de prélèvement sur les revenus du capital, 0,3 % de contribution à la CNSA et 1,1 % de contribution au financement du RSA). Elles sont, toutefois, exonérées dès lors que leur montant annuel n'excède pas un seuil fixé à 25 730 euros pour 2009. Les premières recettes au titre de cette nouvelle mesure ne seront encaissées que durant l'exercice 2011 sur les cessions réalisées à partir du 1er janvier 2010 (17).

Selon les travaux parlementaires (18), le nombre d'épargnants concernés serait de 2 300 000, ce chiffre devant être minoré, du fait de l'existence du seuil de mise en recouvrement (61 euros), qui exclut du champ de la mesure les contribuables dont les revenus du patrimoine (revenus fonciers ou financiers principalement) sont modestes. La mesure ne touchera donc pas les contribuables dont les revenus du patrimoine sont modestes (moins de 500 euros de revenus globaux du patrimoine, hors produits liés aux livrets A et développement durable ainsi qu'aux plans d'épargne-logement, à l'assurance vie, aux dividendes...).

En contrepartie de cette nouvelle taxation, la possibilité est ouverte aux contribuables d'imputer sur les plus-values réalisées une année les moins-values constatées au titre non seulement de cette année (comme l'autorise déjà le droit en vigueur), mais aussi des dix années précédentes. Le législateur a voulu taxer les plus-values réellement dégagées par le patrimoine du contribuable, c'est-à-dire, les gains nets réalisés sur une période de référence suffisamment longue. Cette règle de calcul est en même temps étendue aux plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés d'options négociables, soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel, de même qu'aux distributions définies aux 7 et 8 du II de l'article 150-0 A du Code général des impôts et au gain défini à l'article 150 duodecies (N° Lexbase : L9237HZ7).

B - Régime des contrats d'assurance vie au regard des contributions sociales en cas de décès

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 18) met fin à l'exonération de prélèvements sociaux dont bénéficient les contrats d'assurance vie comprenant des unités de compte en cas de décès de leur titulaire. En cas de décès d'une personne ayant souscrit un contrat d'assurance vie pendant la durée de ce contrat, une disposition contractuelle permet à un ou plusieurs bénéficiaires désignés par le souscripteur de percevoir la rente ou le capital à sa place (la quasi-totalité de ces contrats comprennent une "contre-assurance décès"). En l'absence de dénouement du contrat du fait du décès du souscripteur, les intérêts et les produits ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux. Cette exonération ne bénéficie, toutefois, qu'aux souscripteurs de contrats en unités de compte, car les souscripteurs de contrats en euros se sont déjà acquittés chaque année des prélèvements sociaux.

Cette exonération ne résulte pas explicitement de l'article L. 136-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1345IGW), mais repose sur une analogie avec les règles applicables en matière d'impôt sur le revenu et sur la doctrine fiscale selon laquelle lorsqu'un contrat d'assurance en cas de vie mixte ou assorti d'une contre-assurance décès est dénoué par le décès de l'assuré, les capitaux versés à ce titre au bénéficiaire demeurent hors du champ d'application de l'impôt sur le revenu.

Les pertes de recettes sociales corrélatives sont les suivantes : dans le cadre d'un contrat "en euros", seuls les produits correspondant à l'année du décès échappent à la taxation, tous les autres ayant été imposés chaque année lors de l'inscription au compte, tandis que pour les contrats en unités de compte, l'intégralité des produits acquis pendant toute la durée du contrat d'assurance vie échappe à la taxation. Contrairement aux intérêts des contrats souscrits en euros, ceux des contrats souscrits en unités de compte (bien que comptabilisés) ne sont acquis au profit des souscripteurs qu'au dénouement du contrat. En l'absence de dénouement pour cause de décès, ces intérêts ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux. Cette différence tient à ce que l'article L. 136-7 du Code de la Sécurité sociale définit l'inscription en compte comme fait générateur de l'impôt pour les contrats en euros, tandis que le fait générateur est le dénouement du contrat hors décès pour les contrats en unités de compte.

Les prélèvements sociaux sur l'assurance vie constituent à eux seuls près du tiers des prélèvements sociaux du capital et près des deux tiers des prélèvements sociaux sur les produits de placement (dont le total s'élève à plus de 7 milliards d'euros). L'objectif de la LFSS pour 2010 est d'assurer l'égalité de traitement entre souscripteurs d'assurance vie et surtout, d'éviter d'importantes pertes de recettes à ce titre dans les prochaines années : la durée de vie moyenne d'un contrat d'assurance vie étant estimée à huit ans, il convient d'intervenir rapidement afin d'éviter que 20 % des intérêts capitalisés sur les contrats multi-supports et sur les contrats en euros n'échappent aux prélèvements sociaux. A cette fin, la LFSS pour 2010 prévoit l'application des prélèvements sociaux à l'ensemble des intérêts capitalisés sur les contrats en cours lors du décès du souscripteur intervenant après l'entrée en vigueur de la mesure, quelle que soit la date de souscription du contrat. Les premières recettes au titre de cette nouvelle mesure seront encaissées dès l'exercice 2010 (10).


(1) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8) et nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 7 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT) et Les réformes de la LFSS 2009 relatives à l'emploi des seniors et la branche vieillesse, Lexbase Hebdo n° 333 du 15 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2312BIH).
(2) G. Carrez, Rapport Assemblée nationale, n° 1967, tome I, Rapport général, 2009-2010. Le déficit public est estimé à 8,5 % du PIB en 2010. La charge nette de la dette de l'Etat s'établirait, en 2010, à 42,5 milliards d'euros. Pour des raisons liées à la crise et à la dégradation du déficit budgétaire, la dette négociable de l'Etat augmenterait pour atteindre 1 142 milliards d'euros fin 2009, puis 1 258 milliards d'euros à la fin 2010 (à comparer à 1 017 milliards d'euros en 2008). En comptabilité nationale, la dette de l'Etat passerait de 53,1 % du PIB en 2008 à 60,1 % en 2009.
(3) A. Vasselle, Rapport sur le financement de la Sécurité sociale pour 2010, n° 90, Tome I, Equilibres financiers généraux, Sénat, 2009-2010, p. 21-24.
(4) V. X. Prétot, Du bon usage du pouvoir normatif en matière d'assiette et de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, Dr. soc., 2009, p. 322.
(5) Très abondante bibliographie. V., not., T. Wanecq, Les cotisations sociales, un enjeu économique et financier complexe, Dr. soc., 2009, p. 349 ; O. Fouquet, Cotisations sociales, cotisations fiscales, même combat, Dr. soc., 2009, p. 320.
(6) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 1984, Tome I, Financement de la Sécurité sociale pour 2010, Recettes et équilibre général (2009-2010), p. 137-141.
(7) Un tel système impliquerait, en effet, que les personnels administratifs des centres de vaccination contrôlent les droits de chaque assuré, ce qui constituerait une charge de travail trop importante dans le cadre d'une vaccination de masse.
(8) Le champ d'application de ce mécanisme a été étendu à deux reprises : l'article 21 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L9963HDD, CSS, art. L. 138-10-II), a créé un mécanisme identique pour les médicaments rétrocédés, c'est-à-dire les spécialités pharmaceutiques vendues au détail et au public par certains établissements de santé, en application de l'article L. 5126-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3447HCN) ; le 1° du I de l'article 15 de la LFSS pour 2009 a étendu le champ de la clause de sauvegarde prévue au I de l'article L. 138-10 aux spécialités prises en charge par l'assurance maladie en sus des tarifs hospitaliers.
(9) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 1984, tome I, préc., p. 142-148.
(10) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 1984, tome I, préc., p. 150-155.
(11) Entrent, ainsi, dans le champ de cette contribution : les dispositifs médicaux pour traitements et matériels d'aide à la vie, aliments diététiques et articles pour pansements (inscrits au titre I de la liste) ; les dispositifs médicaux implantables issus de dérivés d'origine humaine ou en comportant, et greffons tissulaires d'origine humaine (inscrits au titre III). En revanche, les dispositifs inscrits aux deux autres titres de la même liste n'entrent pas dans le champ de la contribution. Il s'agit des orthèses et prothèses externes (inscrites au titre II) et des véhicules pour handicapés physiques (inscrits au titre IV).
(12) En effet, les remboursements de dispositifs médicaux du titre II ont augmenté de 18 % entre 2007 et 2008. L'ensemble des dispositifs médicaux constitue, d'ailleurs, un marché en forte croissance, atteignant 4,5 milliards d'euros en 2008, soit 12,5 % de plus qu'en 2007. Si une partie de la hausse peut s'expliquer par le vieillissement de la population et les politiques de maintien à domicile, ces facteurs ne suffisent pas à expliquer la totalité de la croissance constatée, qui semble nourrie par d'importantes campagnes publicitaires.
(13) La contribution est assise sur la partie des rentes excédant un tiers du plafond de la Sécurité sociale (soit 953 euros mensuels depuis le 1er janvier 2009) et le taux est, alors, de 8 %. Sur une rente annuelle de 200 000 euros, l'assiette est de 188 654 euros et le montant de la contribution est de 15 085 euros.
(14) Circulaire n° 2008-387 du 30 décembre 2008, relative à la mise en oeuvre du forfait social (N° Lexbase : L9768ICR) et lettre-circulaire Acoss n° 2009-014 du 4 février 2009 (N° Lexbase : L9769ICS). Lire nos obs., Le forfait social, où comment lutter contre les "niches sociales", Lexbase Hebdo n° 340 du 5 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7730BI7).
(15) En retenant les rémunérations et gains assujettis à la CSG, le forfait social exclut ipso facto de son champ les divers titres de paiement (titre-restaurant, chèque emploi-service universel préfinancé et, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, chèque-vacances).
(16) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 1984, tome I, préc., p. 177-182.
(17) Le produit attendu est de 113 millions d'euros par an. Comme les contributions sociales financent l'ensemble des régimes et des fonds, ces sommes bénéficieront à la fois à la branche maladie (55 millions), à la branche famille (10 millions) et à la branche vieillesse (5 millions), mais aussi au FSV (8 millions), à la CNSA (4 millions), à la CADES (6 millions), au FRR (13 millions) et au Fonds national des solidarités actives (FNSA, 10 millions). A titre subsidiaire, l'augmentation du rendement des prélèvements sociaux sur le patrimoine engendrera mécaniquement un surcroît de recettes pour le budget général par le biais des frais d'assiette et de recouvrement.
(18) Y. Bur, Rapport Assemblée nationale n° 1984, tome I, préc., p. 182-186.
(19) Comme les contributions sociales financent l'ensemble des régimes et des fonds, ces sommes bénéficieront à la fois à la branche maladie (135 millions), à la branche famille (25 millions) et à la branche vieillesse (14 millions), mais aussi au FSV (21 millions), à la CNSA (9 millions), à la CADES (16 millions), au FRR (29 millions) et au Fonds national des solidarités actives (24 millions).

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