La lettre juridique n°363 du 17 septembre 2009 : Immobilier - Bulletin d'actualités n° 4

[Jurisprudence] Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Septembre 2009

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le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité relative au droit immobilier. A noter, entre autres, ce mois-ci, en matière de droit de la construction, un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 8 septembre 2009, qui rappelle que la faute dolosive de l'entreprise est de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage, nonobstant la forclusion décennale ; ou encore, en matière de droit de l'urbanisme, un arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 30 juin 2009, qui énonce qu'un nouveau permis de construire est nécessaire lorsqu'une reconstruction fait suite à la démolition accidentelle de l'ouvrage intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire.

I - Droit de la construction

  • Faute dolosive de l'entreprise de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage (Cass. civ. 3, 8 septembre 2009, n° 08-17.336, F-P+B N° Lexbase : A8977EKP)

La faute dolosive de l'entreprise est de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage, nonobstant la forclusion décennale. Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 septembre 2009.

En l'espèce, des particuliers avaient commandé la pose d'une cheminée à une société qui avait réalisé leur maison à ossature bois. En 2003, un incendie ayant détruit leur maison, ils avaient, au vu d'un rapport d'expertise, assigné en indemnisation de leur préjudice tant la société à laquelle ils avaient fait appel que la société que cette dernière avait fait intervenir sur le chantier.

La société qui a, in fine, réalisé les travaux a été condamnée à réparer le préjudice subi par le maître d'ouvrage à la suite de l'incendie de sa maison.

Devant la Cour de cassation, elle contestait avoir commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle et faisait valoir qu'en tout état de cause l'action fondée sur sa responsabilité contractuelle était prescrite puisqu'introduite plus de dix années après la réception des travaux.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle retient que l'installation de la cheminée dans une maison à ossature bois, réalisée par des personnes ignorant visiblement les règles de l'art en ce qui concerne la notion d'écart au feu, était calamiteuse et manifestement incorrecte à la traversée du plancher mais également à la traversée d'un lambris. Elle approuve les juges du fond d'avoir estimé que l'entreprise ne pouvait pas ignorer qu'elle prenait un risque de nature à entraîner presque inéluctablement un désordre, tel que celui qui est survenu. En conséquence, elle considère que la société, n'ayant pas pris les précautions élémentaires dans toute construction de cheminée de ce type, a commis, de manière délibérée, une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle nonobstant la forclusion décennale.

Cette solution est communément admise depuis un arrêt de principe du 27 juin 2001 (Cass. civ. 3, 27 juin 2001, n° 99-21.017, SMABTP et GAN c/ Epoux Suire et autres N° Lexbase : A7017C8E, Bull. civ. III, n° 83). Les juridictions administratives jugent dans le même sens (CE 2° et 7° s-s-r., 26 novembre 2007, n° 266423, Société Les Travaux du Midi N° Lexbase : A9594DZD et pour l'arrêt de principe CE Contentieux, 24 mai 1974, n° 85939, Société Paul Millet et Cie N° Lexbase : A6874B8P).

Ainsi, dès lors qu'elle est fondée sur une faute dolosive, la responsabilité contractuelle de l'entreprise pouvait, sous l'empire des anciens textes, être engagée pendant une durée de trente ans.

Depuis la réforme du droit commun des prescriptions par la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I), l'action est désormais enfermée dans un délai de cinq années à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC).

Mais l'arrêt commenté, étant prononcé sous l'empire des anciens textes, n'avait pas à faire application de ces nouvelles dispositions.

  • Le marché à forfait, le maître d'oeuvre et le bouleversement de l'économie du marché (Cass. civ. 3, 9 septembre 2009, n° 08-15.728, FS-D N° Lexbase : A8960EK3)

S'il n'est pas révolutionnaire, cet arrêt présente l'intérêt de mettre en scène le maître d'oeuvre dans le cadre d'une procédure de règlement de solde d'honoraires, initialement fixé de manière forfaitaire.

L'article 1793 du Code civil (N° Lexbase : L1927ABY) prévoit que "lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire".

Ainsi, dès lors que l'architecte ou l'entreprise fixe son prix d'après un plan arrêté et convenu d'avance fixé par le maître d'ouvrage, il ne peut, en principe, être sollicité aucune augmentation de prix, que ce soit au motif d'une augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ou en raison de changements ou augmentations faits sur le plan.

Le paiement de travaux supplémentaires ou d'un d'honoraire complémentaire n'intervient, en principe, que lorsque les changements ou augmentations ont été autorisés par écrit par le maître d'ouvrage et le prix convenu avec ce dernier.

Les tribunaux ont ajouté, notamment, une autre hypothèse dans laquelle les parties peuvent solliciter la "sortie" du forfait : celle d'un bouleversement de l'économie du marché.

Ce contentieux du marché à forfait oppose plus régulièrement l'entrepreneur au maître d'oeuvre.

En l'espèce, il s'agissait d'un maître d'oeuvre à qui avait été confiée une mission complète pour l'édification d'une maison de retraite. Puis, la mission et la rémunération de l'architecte avaient été réduites par avenant. Un permis de construire avait été accordé le 16 novembre 1999. L'architecte, à la demande du maître de l'ouvrage, avait établi des plans modificatifs et déposé une demande de permis de construire modificatif en raison d'une translation de trois mètres de l'ensemble du bâtiment, de l'élargissement d'un mètre du bâtiment central et d'une augmentation de la surface hors oeuvre. C'est dans ce contexte que, soutenant qu'il y avait eu bouleversement de l'économie du contrat initial, l'architecte avait assigné le maître d'ouvrage en paiement d'un solde d'honoraires.

La Cour de cassation accueille favorablement cette demande et retient qu'il résultait de la demande de permis de construire modificatif que, non seulement l'ensemble du bâtiment et le parking avaient subi une translation de trois mètres et que le bâtiment central avait été élargi, mais surtout, que la surface hors oeuvre brute totale initiale était passée de 3 464 m² à 4 071 m² et que la surface hors oeuvre nette totale initiale était passée de 3 251 m² à 3 868 m², soit une augmentation respectivement de 607 m² et 617 m², représentant 19 % de cette dernière surface.

En raison de ces importantes modifications, qui avaient touché tant l'implantation du bâtiment que la création, au niveau inférieur, de différents locaux d'une superficie totale supérieure à 600 m², et qui avaient été effectuées à la demande du maître de l'ouvrage, qui les avait acceptées de manière non équivoque, les juges du fond ont pu en déduire qu'il y avait eu un bouleversement de l'économie générale du marché, autorisant le maître d'oeuvre à solliciter un honoraire supplémentaire.

La solution n'est pas innovante, mais présente l'intérêt d'être appliquée aux rapports maître d'ouvrage/maître d'oeuvre.

II - Droit de l'urbanisme

  • Un nouveau permis de construire est nécessaire lorsqu'une reconstruction fait suite à la démolition accidentelle de l'ouvrage intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire (Cass. crim., 30 juin 2009, n° 08-88.022, F-P+F N° Lexbase : A5789EKM)

La reconstruction d'un bâtiment est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire y compris lorsque la démolition accidentelle de l'ouvrage est intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire. S'il s'agit d'une solution classique en matière administrative, c'est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation l'énonce.

En l'espèce, des particuliers, qui avaient obtenu un permis de construire les autorisant à réhabiliter une construction existante, étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir, après démolition de la construction existante, édifié une nouvelle construction sans autorisation de construire. Ils avaient été condamnés en première instance au paiement d'une amende.

Visant notamment l'article L. 111-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1692IEE) qui dispose que "la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié", la Cour de cassation considère que cette reconstruction est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire.

Cette position est celle adoptée par les juridictions administratives (notamment CE 3° et 8° s-s-r., 20 février 2002, n° 235725, M. Plan N° Lexbase : A1521AYY).

Il est, en outre, exigé que le permis de construire porte sur la totalité de l'immeuble sinistré et non pas seulement sur les parties du bâtiment qui ont souffert du sinistre (CAA Marseille, 6 mai 2004, n° 01MA00846, Commune de Saint-Chamas N° Lexbase : A8384DCI).

Rappelons que le principe du droit de reconstruction à l'identique vient d'être étendu par la loi de simplification du droit du 12 mai 2009 (loi n° 2009-526, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures N° Lexbase : L1612IEG) : il s'applique, désormais, à tout bâtiment détruit ou démoli, quelle que soit la cause de cette destruction ou démolition, alors que précédemment, il ne s'appliquait qu'en cas de sinistre.

III - Bail d'habitation

  • Abandon de domicile et continuation du bail au profit d'un descendant (Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-16.992, Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Paris, établissement public, FS-P+B N° Lexbase : A7407EI8)

Le départ définitif du titulaire du bail, qui ne laisse pas d'adresse ni ne donne de nouvelles à sa fille demeurée dans les lieux, constitue un abandon de domicile au sens de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH) permettant la continuation du bail au profit de la fille. Tel est l'apport de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2009.

En l'espèce, une mère et sa fille occupaient un logement qui avait été donné à bail à la mère par l'OPAC. La fille avait assigné le bailleur afin de faire juger que le bail s'était continué à son profit après le départ de sa mère. Le bailleur sollicitait à titre reconventionnel la résiliation du bail pour inoccupation du logement. Les juges du fond faisaient droit à la demande de la fille et estimaient que le bail devait être continué à son profit à la suite de l'abandon de domicile imputable à la mère. La Cour de cassation confirme cette analyse.

Elle approuve les juges du fond d'avoir caractérisé l'abandon de domicile par le fait que la mère, à la suite de divergences d'ordre personnel survenues avec sa fille, avait quitté son logement sans l'informer de sa nouvelle adresse ni lui donner de ses nouvelles.

Rappelons que l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 dispose, notamment, qu'en cas d'abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile.

Il était initialement admis que, pour caractériser l'abandon de domicile, il convenait d'établir un départ brusque et imprévisible du locataire en titre, ce qui exclut un départ concerté avec les personnes vivant avec lui (CA Paris, 6ème ch., sect. B, 29 septembre 2005, n° 04/10707, OPAC de Paris c/ Mme Nathalie I. N° Lexbase : A4623DLS).

Mais, dans un arrêt du 26 novembre 2008, la Cour de cassation avait infléchi cette position en retenant que le départ définitif du locataire en titre (en l'occurrence placé en maison de retraite), imposé à l'un des bénéficiaires visés par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, suffisait à caractériser l'abandon de domicile (Cass. civ. 3, 26 novembre 2008, n° 07-17-728, M. X c/ La société Roubaix habitat, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3949EBU).

L'arrêt commenté s'inscrit dans cette lignée puisque, loin de faire référence aux critères classiques de départ brusque et imprévisible du locataire en titre, il prend en considération le caractère définitif de ce départ et le fait que ce départ soit imposé à l'occupant restant.

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

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