Réf. : Décret n° 2009-1086 du 2 septembre 2009 (N° Lexbase : L6978IE8), tendant à assurer l'effet utile des Directives (CE) 89/665 (N° Lexbase : L9939AUN) et 92/13 (N° Lexbase : L7561AUL), et modifiant certaines dispositions applicables aux marchés publics
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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup
le 07 Octobre 2010
Ainsi, le projet de décret a fait l'objet de plusieurs publications sur le site internet du ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, et a connu plusieurs versions, en raison, principalement, de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en date du 11 juin 2009, selon lequel la France a partiellement manqué à ses obligations communautaires en matière de recours relatifs à certains marchés (2).
Ce décret "effet utile", qui n'a d'autre vocation que de clarifier le Code des marchés publics et d'assurer le respect du droit communautaire, est un décret "fourre-tout" qui se prête difficilement à la synthèse.
Nous ne reviendrons pas, dans le cadre du présent article, sur le toilettage strictement formel du Code des marchés publics quand il ne modifie pas le fond du droit applicable. C'est le cas, par exemple, de la suppression de parties de phrases ou d'alinéas du Code, uniquement pour tenir compte de la suppression de la commission d'appel d'offres pour l'Etat et les établissements publics de santé effectuée par le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics (N° Lexbase : L3155ICT). Il en va, de même, de la suppression de certaines phrases pour tenir compte de la disparition de la double enveloppe depuis l'entrée en vigueur du même décret. Nous n'examinerons pas non plus la transformation de la commission des marchés publics de l'Etat en une commission consultative des marchés publics puisqu'un décret est attendu, dans les prochaines semaines, pour préciser le fonctionnement de cette nouvelle commission.
En revanche, il est indispensable, pour tout praticien ou curieux des marchés publics, de retenir les cinq points suivants :
I - L'accentuation de la distinction entre les marchés à procédure adaptée et les marchés à procédure formalisée
C'est à propos des variantes (A) et des offres anormalement basses (B) que l'on peut porter un tel constat.
A - Les variantes
Désormais, dans le cadre d'une procédure formalisée, le pouvoir adjudicateur doit préciser dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou dans le dossier de consultation, si des variantes peuvent être présentées (3). S'il n'est rien mentionné à leur propos, les variantes ne sont pas autorisées.
En revanche, dans le cadre d'une procédure adaptée, si le pouvoir adjudicateur ne mentionne rien à propos des variantes, celles-ci peuvent être présentées librement (4).
De même, s'il autorise les variantes, le pouvoir adjudicateur doit indiquer les exigences minimales et les modalités de présentation devant être respectées dans le cadre d'une procédure formalisée. En revanche, cette obligation n'existe pas pour les marchés à procédure adaptée. C'est seulement une faculté qui est alors laissée à l'appréciation du pouvoir adjudicateur (5).
La pertinence de ces dispositions ne relève pas de l'évidence. En effet, le risque de confusion de la part des acheteurs publics (notamment, au sein des petites ou moyennes collectivités territoriales) n'est pas négligeable. Par ailleurs, les opérateurs économiques pourront aisément se tromper et, par exemple, présenter des variantes dans le cadre d'une procédure formalisée et dans le silence gardé par le pouvoir adjudicateur, alors que cette possibilité ne leur est ouverte que dans le cadre des MAPA. Ce n'est assurément pas avec ce type de dispositions que le droit des marchés publics est susceptible de se rapprocher du respect du principe de sécurité juridique.
B - Les offres anormalement basses
Le nouveau décret précise que c'est seulement lorsque la procédure est formalisée que la commission d'appel d'offres est le seul organe à pouvoir rejeter les offres anormalement basses. Cela pouvait paraître évident puisque le recours à cette commission n'est pas obligatoire pour les MAPA, mais nécessitait, cependant, d'être précisé.
II - L'assouplissement des règles relatives aux candidatures
Cet assouplissement se manifeste par l'élargissement du champ d'application du rattrapage des candidatures (A) et par la possibilité, pour les candidats, de présenter "à leur guise" leur candidature dans le cadre des marchés allotis (B).
A - L'élargissement du champ d'application du rattrapage des candidatures
Depuis 2006, l'article 52 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7064IED) prévoit que le pouvoir adjudicateur peut demander à tous les candidats de compléter leur dossier de candidature lorsqu'il constate que des pièces demandées sont absentes ou incomplètes.
En revanche, il ne pouvait pas solliciter les candidats n'ayant pas présenté les éléments permettant de juger leur capacité juridique afin qu'ils régularisent leur candidature (6). Tel est désormais le cas.
L'absence de présentation du mandat de la société se disant mandataire d'autres entreprises dans le cadre d'un groupement pourra donc être, désormais, demandé après l'examen des candidatures.
On ne peut que se réjouir de cette nouvelle disposition qui permet d'éviter que des candidatures ne soient rejetées qu'en raison de l'absence d'un document, alors que l'offre présentée par le candidat peut être intéressante pour l'acheteur public concerné.
B - La possibilité pour les candidats de présenter "à leur guise" leur candidature dans le cadre des marchés allotis
L'article 57, V, du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7061IEA) prévoit, désormais, que pour les marchés allotis, les candidats peuvent soit présenter un seul exemplaire de leurs documents relatifs à leur candidature et scinder lot par lot les éléments relatifs à leurs offres, soit présenter pour chacun des lots à la fois les éléments concernant leurs candidatures et leurs offres.
C'est une solution de bon sens qui est donc consacrée.
III - La libéralisation du régime des avances
Le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics, ainsi que la circulaire du 19 décembre 2008, relative au plan de relance de l'économie française (N° Lexbase : L3150ICN), ont prévu une généralisation du versement des avances pour les marchés d'un montant supérieur à 20 000 euros hors taxes, sans condition de durée du marché.
Le décret commenté indique, à ce propos, que les taux et les conditions de versement de l'avance en cours d'exécution d'un marché peuvent être modifiés par avenant.
Il est, également, précisé que les sous-traitants peuvent désormais bénéficier du versement d'une avance si le titulaire du marché peut lui-même en bénéficier, et ceci même, sans doute, en cas de renonciation au versement de l'avance par ce titulaire.
IV - Le durcissement du régime des marchés à bons de commande
L'article 77 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7038IEE) prévoit désormais qu'un marché à bons de commande doit être attribué, en cas de multi-attribution, au minimum à trois entreprises, à condition évidemment qu'il y ait eu au moins trois offres.
C'est là réduire la liberté des acheteurs publics sans grand intérêt. En effet, si seulement deux offres correspondent aux attentes de la collectivité publique concernée, on ne voit pas pourquoi le marché ne pourrait pas être attribué seulement à deux entreprises.
V - La mise en conformité avec le droit communautaire
Dans son arrêt "Commission c/ République française" du 11 juin 2009 (CJCE, 11 juin 2009, aff. C-327/08, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A1883EIL), la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que l'article 1441-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5555HD4) violait les dispositions des Directives communautaires (CE) 89/665 et 92/13 relatives aux procédures de recours en matière de passation des marchés.
En effet, cet article relatif aux marchés passés par les personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics (7), prévoyait une mise en demeure obligatoire du pouvoir adjudicateur de se conformer aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat, avant la saisine de la juridiction compétente dans le cadre du référé précontractuel.
Mais ce n'est qu'en cas de refus ou d'absence de réponse dans un délai de dix jours que la saisine du juge pouvait s'effectuer. De facto, ce procédé empêchait tout recours d'un candidat puisque le marché était immanquablement conclu à l'expiration des dix jours. D'où la solution retenue par la Cour de justice des Communautés européennes.
C'est pourquoi, le décret "effet utile" supprime tout simplement cette obligation de mise en demeure du pouvoir adjudicateur avant de pouvoir saisir le juge compétent.
Ce décret était attendu dans la mesure où il était indispensable de toiletter le Code des marchés publics qui contenait des scories rendant parfois sa lecture peu compréhensible.
Toutefois, ce texte a le même défaut que ceux publiés en décembre 2008, à savoir qu'il n'obéit à aucune vision d'ensemble de la matière. A ce titre, l'accentuation de la distinction entre les marchés à procédure adaptée et la procédure finalisée est un nouveau piège tendu tant aux pouvoirs adjudicateurs qu'aux opérateurs économiques. Mais quel est l'intérêt de procéder de cette manière ?
On s'éloigne ainsi, encore un peu plus, du double principe qui devrait être le seul fil conducteur de toute réforme du droit de la commande publique, à savoir, d'une part, le meilleur achat au meilleur coût pour les pouvoirs adjudicateurs et, d'autre part, la concurrence la plus large entre les opérateurs économiques.
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