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le 07 Octobre 2010
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (N° Lexbase : L7887AG9) ne s'est pas contentée de réformer le droit des accidents de la circulation. Si elle tend certes "à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation", elle a aussi été l'occasion, pour le législateur, de mieux organiser le fonctionnement du Fonds de garantie concerné. En effet, on sait, hélas, que le nombre de conducteurs circulant sans permis ne cesse de croître, pour atteindre, selon les chiffres les plus alarmistes voire réalistes, près de 20 % de l'ensemble. Par conséquent, c'est une évidence, les hypothèses d'accidents dans lesquels le conducteur n'est pas assuré sont elles-mêmes en augmentation, ce qui laisse de plus en plus de victimes a priori désemparées. Les interventions du Fonds de garantie doivent donc être efficaces. Or, pour faciliter sa pérennisation sur le plan financier, encore faut-il notamment -même si là ne se situe pas vraiment sa principale source de moyens de fonctionner- que ce dernier puisse mettre en oeuvre la subrogation que la loi n'a pas manquée de lui accorder.
C'est ainsi que l'article L. 421-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L2507DK3) prévoit que "Le Fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur". Il n'y a là rien de surprenant. Tous les fonds de garanties sont subrogés dans les droits des victimes, même si certains ont peu de chances de recouvrer la moindre somme comme le Fonds de garantie en matière de terrorisme. Quoi qu'il en soit, cette subrogation existe, et, dans le cas du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, les recours contre l'auteur des dommages matériels ne sont pas toujours illusoires. Toutefois, le législateur n'a pas voulu que ce recours s'exerce sans discernement, sans limite et en occultant complètement l'auteur des dommages, même s'il n'est pas acteur actif et décisionnaire, notamment lorsqu'une transaction a lieu entre le Fonds de garantie et la victime.
L'alinéa 2 de l'article L. 421-3 du Code des assurances intéresse alors, tout spécifiquement, le présent arrêt commenté de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, rendu le 29 mai 2009. Celui-ci est ainsi libellé : "Lorsque le Fonds de garantie transige avec la victime, cette transaction est opposable à l'auteur des dommages, sauf le droit pour celui-ci de contester devant le juge le montant des sommes qui lui sont réclamées du fait de cette transaction. Cette contestation ne peut avoir pour effet de remettre en cause le montant des indemnités allouées à la victime ou ses ayants droit" (1). Le législateur, s'il contraint l'auteur du dommage de supporter les conséquences de ses actes, ne veut pas les lui imposer sans quelques égards. Il s'essaye alors à un art délicat : la conciliation de dispositions qui ne sont, certes, pas antinomiques mais, cependant, différentes.
Car comment comprendre une transaction qui est à la fois opposable à l'auteur du dommage, c'est-à-dire un acte dont la valeur, comme élément de l'ordre juridique, ne peut être méconnue par les tiers, lesquels n'étant pas directement obligés par ce qui leur est opposable n'en sont pas moins tenus d'en reconnaître et d'en respecter l'existence et même d'en subir les effets (2), et en même temps, prétendre que cette opposabilité ne peut s'exercer ? Telle était pourtant l'interrogation, a priori, paradoxale qui a été soumise à l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 29 mai 2009. Sans doute cette présentation apparaît-elle brutale. Elle l'est au moins parce qu'elle est synthétisée. Il demeure que c'est une réponse à cette question que l'Assemblée plénière a dû trouver tout en nuances et subtilités, dans une affaire aux faits d'une totale banalité.
Un conducteur non assuré est à l'origine d'une collision, source de dommages matériels sur un autre véhicule, qui sont indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. Une transaction a lieu entre la victime et le Fonds de garantie. Ce dernier assigne l'auteur des dommages en remboursement des sommes versées. Selon l'arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 04-10.144, FS-P+B N° Lexbase : A9382DP8), le Fonds reproche aux magistrats de ne pas avoir fait droit à sa requête car l'auteur des dommages n'aurait pas eu la possibilité de contester les sommes versées à l'issue de la transaction. Pourtant, il avait été informé, par deux lettres recommandées avec avis de réception que la somme en cause était réclamée conformément aux articles L. 421-3 et L. 421-16 (N° Lexbase : L9928DNZ) du Code des assurances. L'Assemblée plénière, au nom du principe fondamental présidant à la tenue d'un procès équitable, considère qu'une information insuffisante avait été fournie. En d'autres termes, le courrier adressé à l'auteur du dommage pour lui indiquer qu'une transaction a eu lieu doit contenir, rédigé en toutes lettres, le texte exact et précis des articles visant ses droits. Et l'Assemblée plénière d'ajouter que l'information doit porter aussi sur le délai au cours duquel la contestation peut avoir lieu et son point de départ.
Obsession quand tu nous tiens... : celle de nos tribunaux, depuis quelques décennies, s'appelle obligation d'information. Nous savions qu'elle incombait aux cocontractants surtout professionnels ; elle concerne, désormais, aussi le Fonds de garantie des assurances obligatoires, tout au moins dans le cas d'une transaction élaborée par ce dernier et acceptée par la victime. A première lecture donc, on pourrait conclure qu'une fois encore, la Cour de cassation démontre son goût immodéré pour le formalisme, pour ne pas dire excessif, sentiment que nous pourrions être incité à partager, même si nous convenons volontiers que tout individu n'est pas contraint de disposer d'un Code des assurances à son domicile. Ce serait oublier ce qui est parfois observé : à l'ère d'internet et des habitudes accrues de rechercher par ce biais tout élément d'information, il n'est pas malaisé de parvenir à parcourir le texte d'un article d'un code quel qu'il soit.
Pour autant, et au risque d'être de plus en plus loin de cette maxime dont le succès fut indéniable au XIXème siècle au moins : "nul n'est censé ignorer la loi", la remarque n'est pas dénuée de tout paradoxe par rapport à cette époque où l'illettrisme était plus élevé, où le recours aux professionnels du droit emprunt de crainte conduisant à s'en détourner était une réaction fréquente et, de manière générale, l'accès à l'information moins simple. Il demeure pourtant que la tendance jurisprudentielle de ces dernières décennies est à la diffusion de l'information, tout au moins aux personnes qui, bien que tiers au sens générique du terme par rapport à une situation juridique donnée, ne le sont pas tout à fait en raison notamment des incidences financières que telle ou telle décision peut engendrer sur leur propre patrimoine.
S'éloignant de l'obligation de se renseigner mise à la charge des individus pendant de nombreuses années, la Cour de cassation s'attache davantage à contraindre les détenteurs de certains éléments informatifs à les communiquer auprès de qui est susceptible d'en avoir l'usage, quelles que soient ces personnes pouvant ne pas être des professionnels au sens du droit de la consommation. En réalité, ce n'est pas tant les magistrats qui, dans le cas présent, font preuve de ce qui ne manque pas d'apparaître comme un excès de commisération vis à vis de l'auteur des dommages. Car, vite rattrapée par des préoccupations avant tout morales, la tentation est forte de considérer qu'il n'est pas prioritaire de songer à protéger les intérêts de celui qui a causé des dommages matériels à autrui, après, en outre, avoir bafoué la règle bientôt ancestrale d'obligation d'assurance.
En réalité, ces considérations n'ont pas lieu d'être, du moins dans une proportion excessive, à partir du constat de la volonté avérée et claire du législateur. En effet, l'article L. 421-3, alinéa 2, du Code des assurances est précis, quoique emprunt d'une certaine obscurité : "[...] la transaction est opposable à l'auteur des dommages, sauf le droit pour celui-ci de contester devant le juge le montant des sommes qui lui sont réclamées". Encore faut-il que cette contestation soit possible. Et la Cour de cassation de considérer que le sujet de droit moyen n'étant pas juriste ne comprend pas toujours quels sont ses droits s'ils ne lui sont pas précisés avec netteté ; d'où cette obligation à la charge du Fonds de garantie de ne pas se contenter d'un simple renvoi à un texte, mais de mentionner en toutes lettres les termes de ce dernier.
La méthode n'est alors pas sans rappeler celle fréquente du droit du travail, comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner. Le simple oubli de telle mention entraîne un vice, en quelque sorte, de fond et non de simple forme. L'appréhension de la capacité intellectuelle du tiers devant être informé n'est pas non plus inconnue du droit des assurances ; elle n'est pas éloigné de cet arrêt, relatif à de toutes autres préoccupations, n'ayant pas hésité à indiquer, noir sur blanc -si nous pouvons nous permettre cette expression imagée-, qu'il faut même "tenir compte de la personnalité fruste" de l'assuré... Si l'on approuve cette évolution jurisprudentielle générale, la présente décision d'Assemblée plénière ne surprendra pas ; si l'on estime qu'une infantilisation progressive des individus se produit, un jugement plus critique sera porté.
Reste surtout ce que l'arrêt n'aborde que de manière indirecte : la compatibilité entre opposabilité au tiers à la convention que constitue toute transaction -ce tiers ne le fut-il que pour partie- et le droit offert à ce dernier de contester, devant le juge, les sommes auxquelles il sera tenu en vertu de cette même transaction réalisée par le Fonds avec la victime. Sans doute peut-on y voir un moyen de pression sur le Fonds de garantie des assurances obligatoires pour qu'il ne soit pas tenté de faire preuve de trop grandes largesses dans le calcul des intérêts et indemnités à verser à la victime. Au-delà de cette volonté, a priori délibérée du législateur, sa marge de manoeuvre est réduite. Car la deuxième branche du moyen unique permet de ne pas interpréter la première comme une atteinte au recours subrogatoire accordé, là encore par la loi, au Fonds de garantie des assurances obligatoires.
La contestation de l'auteur du dommage n'aura donc guère de chances de prospérer sur le principe même du recours subrogatoire, mais sur le seul montant des sommes en cause, encore qu'aucune véritable latitude ne soit laissée à ce dernier. S'il fallait démontrer que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation est parfois appelée à trancher des contentieux dont les enjeux sont réduits, la preuve est faite.
Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", Membre de l'Institut de Recherche en Droit Privé (IRDP)
En réponse à la "catastrophe sanitaire" que constitue l'amiante, notre droit s'est, par la création du Fonds de garantie des victimes de l'amiante (FIVA), doté de moyens efficaces afin de réparer les dommages causés aux salariés exposés à ce risque. La solution est sans doute meilleure que de s'en remettre, comme certains systèmes étrangers, aux seules règles de la responsabilité civile ordinaire et des assurances "privées".
Notre conviction s'était trouvée renforcée par une décision de la Chambre des Lords en date du 17 octobre 2007 (3) qui, aux termes d'une procédure initiée par des assureurs britanniques désireux de ne pas indemniser des salariés présentant des plaques pleurales, leur avait donné gain de cause. Les Lords avaient majoritairement décidé que les plaques ne constituent pas un dommage réparable, par trop minime, n'affectant pas réellement la santé. Ils se refusaient, au surplus, à réparer tout "préjudice d'angoisse".
En droit français, malgré l'instauration du FIVA, le contentieux est vif, notamment parce que les victimes ou leurs ayant droit peuvent contester devant une cour d'appel, dans le cadre d'une action spécifique, le montant de l'indemnité transactionnelle proposée par le Fonds. En outre, certaines victimes préfèrent, d'emblée, choisir la voie judiciaire, en saisissant le tribunal des affaires de Sécurité sociale ou, dernièrement, la voie pénale (4).
Il s'agit, pour elles, de plaider que leur exposition à l'amiante est le fruit d'une faute inexcusable de leur employeur, dans le sillage d'une célèbre jurisprudence initiée par la Chambre Sociale au moyen d'une série d'arrêts du 28 février 2002 (5) dans lesquels la Haute juridiction a énoncé que, "en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5300ADN), lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver".
C'est dans ce contexte que l'assurance de responsabilité civile de l'employeur peut être sollicitée.
Longtemps considérée comme inassurable, autant pour des raisons morales que pour dissuader ces employeurs de commettre de telles fautes d'une particulière gravité, la faute inexcusable est désormais assurable. Comme le relève l'arrêt du 19 mars 2009 ici examiné, "l'article L. 452-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5303ADR) issu de la loi du 27 janvier 1987, qui prévoit notamment que 'l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitué dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement', a, mettant fin à la prohibition qui existait jusqu'alors, permis aux employeurs de s'assurer contre les conséquences financières de leur faute inexcusable".
Demeure toutefois à régler la question de l'applicabilité dans le temps de cette loi nouvelle aux contrats d'assurance. La question semble incongrue tant il peut sembler évident que, si le législateur n'a pas prévu de dispositions transitoires particulières, notamment pour imposer la rétroactivité (ce qui est toujours délicat au regard du principe posé par l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4), il convient de faire ici application des règles classiques de conflits de lois dans le temps.
Chacun connaît le principe de survie de la loi ancienne et sait également que les règles d'ordre public particulièrement impérieuses s'appliquent immédiatement aux effets des contrats en cours. On se souviendra peut-être que, pour la règle de proportionnalité de l'engagement de la caution personne physique, la question avait posé débat (s'agit-il d'une exigence relevant de la formation du contrat ou de ses effets ? Le fait qu'un procès soit déjà en cours lorsque la loi nouvelle entre en vigueur a-t-il une incidence ?). Le problème fut tranché par un arrêt rendu en Chambre mixte en 2006 (6).
Dès lors que l'application du nouvel article L. 452-4 du Code de la Sécurité sociale concerne le principe même de l'assurabilité du risque, il ne fait aucun doute que c'est bien lors de la conclusion du contrat d'assurance qu'il faut se placer pour en apprécier la validité ou, au contraire, le nullité.
Le premier arrêt rendu par la Cour de cassation sur ce sujet, en 2006 (7), fut l'occasion de décider : "Mais attendu que l'arrêt énonce que la loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable, et que cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du Code civil ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la société Everite ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa pour tous les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable à cette époque".
Toutefois, ce que la loi n'a pas voulu faire (déroger à la non-rétroactivité), les parties le peuvent-elles ?
Indubitablement, les choses se compliquent dès lors que, en matière d'assurance responsabilité civile, il est loisible aux parties de convenir, par une clause ad hoc dite de "reprise du passé inconnu de l'assuré", du report en amont des effets du contrat d'assurance en couvrant des faits constitués dès avant la souscription. Autrement dit, si la formation du contrat peut bien être postérieure à la modification du Code de la Sécurité sociale, ses effets peuvent être conventionnellement rétroactifs.
Confrontée à une telle clause de reprise du passé dans cet arrêt du 19 mars 2009, la deuxième chambre civile précise sa pensée en énonçant "que les deux polices successivement souscrites par la société en 1993 et 2001 [...] qui fonctionnent l'une et l'autre en base "réclamation", stipulent expressément que sont couvertes toutes réclamations quelle que soit la date de commission du fait générateur et même si ce fait est antérieur à la souscription ; qu'il apparaît ainsi que les parties, autorisées par la loi du 27 janvier 1987, d'application immédiate, sont convenues d'une garantie des fautes inexcusables de l'assuré dès lors qu'il était l'objet d'une réclamation pendant la période de validité du contrat, et ce, sans exclure les faits dommageables survenus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ;
Que de ces constatations et énonciations, d'où il résultait que, dans les contrats litigieux souscrits postérieurement au 28 janvier 1987, date d'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, la société et les coassureurs avaient convenu de déroger au principe de non-rétroactivité de ladite loi en étendant la garantie du risque constitué par les conséquences financières de toute réclamation indemnitaire des salariés fondée sur la responsabilité de l'employeur pour faute inexcusable, la cour d'appel a exactement déduit que cette garantie était applicable aux indemnités mises à la charge de la société reconnue responsable d'une faute inexcusable à l'égard de ses salariés exposés à l'amiante avant le 28 janvier 1987, et dont les demandes d'indemnisation ont été déposées après cette date et pendant la durée de validité de ces contrats".
La Haute juridiction admet ainsi expressément une dérogation conventionnelle au principe de non-rétroactivité. En effet, bien que les faits générateurs de la responsabilité civile aient été antérieurs à la loi, le "fait générateur juridique", constitué par la réclamation de la victime -système dont on connaît les vicissitudes et la légalité dans les assurances professionnelles depuis la loi du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3556BLB) ayant modifié l'article L. 124-5 du Code des assurances (N° Lexbase : L0959G9E)-, système choisi par les parties, était bien, lui, survenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.
Dès lors, l'atteinte à la rétroactivité n'est pas si grande. Elle est donc validée. Sans doute la volonté de protéger l'assuré n'y est-elle pas étrangère. Toutefois, on se gardera ici de tout manichéisme tant il est vrai que dans certains domaines où l'on pourrait trop rapidement songer que le législateur intervient exclusivement pour protéger la partie "faible", dans une perspective d'ordre public de protection, la réalité est plus complexe et atteste de ce que des éléments d'ordre public de direction viennent s'y adjoindre. Dans ce "composé" aux allures d'ordre public "composite" (7), la Cour de cassation sait parfois s'écarter des dérogations conventionnelles "favorables" à telle ou telle partie faible. Le droit des baux d'habitation l'illustre, mais nous croyons la réflexion transposable au droit des assurances.
Nous comprenons qu'on puisse déceler, dans cet arrêt du 19 mars 2009, une contradiction avec celle précédemment rendue en 2006 (9). Toutefois, les deux décisions sont parfaitement conciliables, la deuxième chambre civile ayant eu, en dernier lieu, à préciser l'effet d'une clause absente du contrat litigieux examiné en 2006.
La solution nous semble devoir être approuvé, dès lors que l'assureur s'était engagé en parfaite connaissance de cause !
Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)
(1) Cass. civ. 2, 8 février 2006, n° 04-17.546, Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), Les Bureaux du Méditerranée c/ M. Mehmet Tanriverdi, FS-P+B (N° Lexbase : A8440DMK), Bull. civ. II, n° 43.
(2) G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, V° "opposable".
(3) Cf. nos obs., Regard d'Outre-manche sur un arrêt de la Chambre des Lords relatif à l'exposition de salariés à l'amiante, European review of private law, 2009/ 2, éd. Kluwer Law International.
(4) Cf. CA Douai, 6ème ch., 6 mars 2008, n° 07/02135, Société Alstom Power Boilers (N° Lexbase : A7278D7P), condamnant un employeur pour mise en danger de la vie d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par les lois ou les règlements, au sens de l'article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2214AMX).
(5) Cass. soc., 28 février 2002, 6 arrêts, n° 99-17.201, Société Valeo c/ Mme Monique Rabozivelo, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0761AYT), n° 99-18.389, Société Eternit industries c/ Mme Marie-Louise Delcourt-Marousez, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0766AYZ), n° 99-21.255, Société Eternit industrie c/ M. Christophe Gaillardin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0773AYB), n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806AYI), n° 00-11.793, Société Eternit industrie c/ Mme Arlette Chavatte, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0602AYX) et n° 00-13.172, Société Everite c/ M. André Gerbaud, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0610AYA), JCP éd. S, 2002, II 10053, concl. A. Benmaklouf, D., 2002, Jur., 2696, note X. Pretot, RTDCiv., 2002, 310, obs. P. Jourdain.
(6) Cass. mixte, 22 septembre 2006, n° 05-13.517, P-B+R+I, B. et a. c/ CRCAM de l'Oise (N° Lexbase : A3192DRN), JCP éd. G, 2006, II, 10180, note D. Houtcieff ; D., 2006, p. 2391, obs. Avena-Robardet ; RTDCiv., 2006, p. 799, obs. P. Crocq ; RTDCom., 2006, p. 900, obs. D. Legeais ; Contrats, conc. consom., 2006, comm. 250, obs. G. Raymond ; Gaz. pal., 28-30 janvier 2007, p. 9, note B. de Granvilliers.
(7) Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 05-13.090, Société Everite, FS-P+B (N° Lexbase : A9493DPB), Bull. civ. II, n° 162, p. 154.
(8) Là-dessus, cf. nos obs., L'ordre public dans les rapports locatifs, sous Cass. civ. 3, 2 juin 1999, n° 97-17.373, Société Groupe immobilier Europe c/ Iglesias et autre (N° Lexbase : A8939AYQ) et Cass. civ. 3, 16 février 2000, n° 97-22012, Société Museum national d'histoire naturelle c/ Mme Cadet., publié (N° Lexbase : A6755CHN), D., 2000, p. 733 et cette formule : "les dispositions de l'article 25 de la loi du 23 décembre 1986 ne sont pas destinées à assurer la seule protection du preneur". On notera qu'un arrêt récent réitère ce raisonnement (cf. Cass. civ. 3, 1 octobre 2008, n° 07-13.008, Office public d'aménagement et de construction (OPAC), établissement public, FS-P+B N° Lexbase : A5853EAZ, Bull. civ. III, n° 140, qui censure par ces motifs : "Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que les conditions d'attribution des logements appartenant à l'OPAC, d'ordre public, ne sont pas destinées à assurer la seule protection des preneurs").
(9) En ce sens, H. Groutel, Responsabilité civile et assurances, n° 5, Mai 2009, étude 7.
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