La lettre juridique n°353 du 4 juin 2009 : Urbanisme

[Jurisprudence] Les préenseignes en zone de publicité restreinte

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 30 mars 2009, n° 305913, Société LC Com (N° Lexbase : A7716EGU)

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N6307BKS

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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup

le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt rendu le 30 mars 2009, le Conseil d'Etat a eu à se prononcer sur la réglementation des préenseignes en zone de publicité restreinte et, plus particulièrement, sur l'absence de pouvoir du maire d'autoriser, notamment dans une telle zone, les préenseignes en dehors des hypothèses prévues par la loi (1). L'on peut rappeler qu'une préenseigne est une "inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée" (2). Il s'agit d'un affichage dont les commerçants sont friands, puisqu'il permet de signaler l'existence de leur commerce à tout usager de la voirie publique située à proximité. Ce qui présente l'avantage, par rapport à la publicité (3), de cibler un client potentiel situé dans les environs immédiats du lieu de vente. La préenseigne ne bénéficie pas du même régime libéral que l'enseigne (4), laquelle ne peut pas être refusée à un commerçant, quel que soit le secteur concerné, même à proximité d'un bâtiment historique (5).

Le principe est que la réglementation des préenseignes suit celle de la publicité (I). Mais, en raison du caractère particulier des préenseignes, qui ne constituent pas de véritables publicités mais donnent des informations sur la présence d'un commerce à proximité, des dérogations au régime de la publicité ont été posées par le législateur (II).

I - Le principe : une réglementation identique aux préenseignes et aux publicités

"Les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité" (6). Les préenseignes, comme les publicités, sont donc autorisées dans les agglomérations, mais prohibées en dehors de celles-ci (A). Toutefois, cette interdiction disparaît lorsque la spécificité des lieux commande une réglementation différente (B).

A - Le critère de l'agglomération

L'article L. 581-7 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2719GWM) interdit la publicité en dehors de toute agglomération (7) définie, par le Code de la route, comme "un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés, et dont l'entrée et la sortie sont signalés par des panneaux placés, à cet effet, le long de la route qui le traverse ou qui le borde" (8).

Cette définition de l'agglomération, en référence à l'implantation des panneaux de signalement décidée par arrêté du maire (9), peut paraître par trop caricaturale. Mais elle a le mérite de la simplicité, de telle sorte que le juge administratif ne considère qu'exceptionnellement que des secteurs situés en dehors de l'espace limité par ces panneaux puissent recevoir la qualification d'agglomération (10).

B- Le critère de la spécificité des lieux

En revanche, une publicité présente dans l'espace compris entre les deux panneaux, mais à un endroit objectivement non aggloméré, est irrégulière (11).

De même, au sein des agglomérations, sont interdites la publicité comme les préenseignes situées, par exemple, dans les secteurs protégés pour la protection et la mise en valeur des monuments historiques, ou dans les parcs naturels régionaux.

Au sein des agglomérations comme en dehors de celles-ci, les publicités et préenseignes sont, également, irrégulières si elles sont situées sur des arbres (12), dans des sites classés, des coeurs de parcs nationaux ou des réserves naturelles.

La spécificité des lieux peut, en outre, faire l'objet d'une appréciation au cas par cas par le maire qui, par l'institution d'une zone de publicité élargie ou restreinte (13), va pouvoir moduler le droit d'apposer des publicités ou préenseignes.

Ainsi, au sein des agglomérations, le maire peut décider que, même en dehors des hypothèses prévues par la loi (celle des secteurs sauvegardés, par exemple), la publicité ou les préenseignes seront soumises à des prescriptions plus restrictives que le régime général (14). A ce titre, il peut "déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise", et "interdire la publicité ou des catégories de publicités définies en fonction des procédés et des dispositifs utilisés" (15). Toutefois, il doit, d'une part, prendre en compte la nécessaire liberté du commerce et de l'industrie (16) et, d'autre part, prendre garde à ne pas fausser le jeu de la libre concurrence en favorisant, par la prohibition de certaines publicités ou préenseignes à un endroit donné, une entreprise au détriment de ses concurrents (17).

A ces règles qui régissent les publicités et les préenseignes, s'ajoutent pour ces dernières des dispositions spécifiques.

II - Les dérogations : l'adaptation de la réglementation aux spécificités des préenseignes

Ces dérogations sont prévues par la loi (A) et le Conseil d'Etat rappelle, dans son arrêt du 30 mars 2009, qu'il n'appartient pas au maire de prévoir d'autres dérogations (B).

A - Les dérogations prévues par la loi

Là même où la loi a prévu que les publicités ne peuvent pas se trouver (dans les secteurs sauvegardés, dans les parcs naturels régionaux, etc.), des préenseignes peuvent être apposées "lorsqu'il s'agit de signaler les activités particulièrement utiles pour les personnes en déplacement ou liées à des services publics ou d'urgence, soit s'exerçant en retrait de la voie publique, soit en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir par des entreprises locales" (18).

Les préenseignes peuvent, également dans les lieux interdits à la publicité, signaler des opérations (immobilières par exemple (19)) ou manifestations exceptionnelles, notamment à caractère culturel ou touristique, qui concernent les immeubles servant de support auxdites préenseignes (20). De même, il est possible d'apposer des préenseignes "indiquant la proximité de monuments historiques, classés ou inscrits, ouverts à la visite" (21).

Bien que précisées par décret (22), ces dérogations ne sont pas toujours d'interprétation aisée, les commerçants ayant évidemment tendance à retenir l'interprétation la plus large possible. Les garages, stations-services, hôtels et restaurants sont, ainsi, considérés comme utiles aux personnes en déplacement (23). Mais faut-il véritablement exclure de cette liste les grandes surfaces comportant une station-service ou une cafétéria, comme l'ont considéré certains juges du fond (24) ? De même, tous les services publics sont-ils concernés, même ceux à caractère ludique comme une piscine ? Quant aux préenseignes informant de la fabrication ou de la vente de produits du terroir par des entreprises locales, il n'est nul besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour concevoir qu'un producteur local, qui vend, notamment, de tels produits, pourra, grâce à ces derniers, attirer l'usager de la voirie publique afin de lui vendre finalement d'autres types de biens.

Quoi qu'il en soit, ces dérogations ont été limitativement posées par le législateur, et un maire ne peut pas prévoir une dérogation générale, même au sein d'une zone de publicité restreinte.

B - Des dérogations limitativement prévues par la loi

Le législateur a permis que, dans certaines hypothèses, les préenseignes puissent être posées là où les publicités sont interdites. Par l'arrêt "Société L.C. COM" du 30 mars 2009, le Conseil d'Etat rappelle que ces hypothèses ont été limitativement prévues par la loi et qu'il n'appartient pas à un maire d'en prévoir d'autres, même dans un arrêté fixant une zone de publicité restreinte.

En effet, le maire de la commune avait institué une zone de publicité restreinte interdisant tout dispositif publicitaire à moins de 50 mètres d'un boulevard. Mais, par le même arrêté, il avait autorisé les préenseignes dans cette zone. C'est ce que censure le Conseil d'Etat qui indique que "cette disposition, en ce qu'elle prévoit une dérogation aux règles de localisation des publicités pour des préenseignes autres que celles mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 581-19 du Code de l'environnement, est illégale".

Le régime des préenseignes peut donc être plus favorable que celui des publicités, à condition, toutefois, qu'il se rattache à l'une des hypothèses prévues par la loi (activités particulièrement utiles aux personnes en déplacement, services d'urgence, etc.). Ainsi, un maire ne peut pas autoriser tout type de préenseignes là où la publicité est interdite.

Cette règle vaut, notamment, en zone de publicité restreinte, dans lesquelles une dérogation générale à l'égard des préenseignes est interdite. La solution, logique, doit être approuvée. En effet, quel intérêt y aurait-il à interdire la publicité dans une zone alors que pourraient y fleurir nombres de préenseignes, aucunement limitées quant à leur objet et utilisées par les commerçants pour contourner l'interdiction de la publicité ?


(1) Loi n° 79-1179 du 29 décembre 1979, relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes (N° Lexbase : L3125IEH), aujourd'hui codifiée aux articles L. 581-1 (N° Lexbase : L2713GWE) et suivants du Code de l'environnement.
(2) C. envir., art. L. 581-3 3° (N° Lexbase : L2715GWH). Par exemple, constitue une préenseigne une inscription assortie d'un logotype indiquant la proximité d'un restaurant (CAA Douai, 1ère ch., 26 juin 2003, n° 01DA00670, Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement c/ Société Trihept N° Lexbase : A4654C9A).
(3) "Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilés à des publicités" (C. envir., art. L. 581-3 1° N° Lexbase : L2715GWH).
(4) "Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce" (C. envir., art. L. 581-3 2° N° Lexbase : L2715GWH).
(5) Voir TA Versailles, 6 février 2001, n° 987469, Association Agir pour tous et avec vous. Pour plus de précisions, voir les articles L. 581-18 (N° Lexbase : L2730GWZ) et R. 581-55 (N° Lexbase : L1618H3C) du Code de l'environnement.
(6) C. envir., art. L. 581-19, alinéa 1er (N° Lexbase : L2928GWD).
(7) Sauf exceptions, voir article L. 581-7 du Code de l'environnement.
(8) C. route, art. R. 110-2 (N° Lexbase : L2054IBP).
(9) Par exemple : CE, 2 mars 1990, n° 68134, Ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports c/ Société Publi-System (N° Lexbase : A5540AQA), Recueil, p. 53.
(10) Pour une illustration, voir CE, 28 septembre 1998, n° 161268, Société Afficaen (N° Lexbase : A8170ASE).
(11) Par exemple : CAA Marseille, 2ème ch., n° 97MA01776, 10 novembre 1998, SA Pisoni (N° Lexbase : A2821BMG).
(12) Par exemple : CE 2° et 1° s-s-r., 14 février 2001, n° 209103, Société centrale d'espaces publicitaires (N° Lexbase : A0023B8D).
(13) Sur la procédure à suivre, voir l'article L. 581-14 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2726GWU).
(14) Le maire n'a pas à justifier d'un caractère particulier des lieux (CE, 31 juillet 1996, n° 161146, Commune de Quétigny c/ Union des chambres syndicales de la publicité extérieure N° Lexbase : A0439APX), ni à motiver sa décision (CE, 30 janvier 1991, n° 86358, Ministre de l'Equipement, du Logement, de l'Aménagement du territoire et des Transports c/ Chambre syndicale française de l'affichage N° Lexbase : A9822AQT, Recueil, p. 33).
(15) C. envir., art. L. 581-11 (N° Lexbase : L2723GWR).
(16) CE Contentieux, 22 novembre 2000, n° 223645, Société L. et P. Publicité SARL (N° Lexbase : A9638AHG), AJDA, 2001, p. 198, note Rouault.
(17) Par exemple : CAA Bordeaux, 18 février 2003, Commune de Bayonne, RJ environnement, 2003, p. 364, chron. Zavoli.
(18) C. envir., art. L. 581-19 (N° Lexbase : L2928GWD).
(19) CE, 8 décembre 1999, n° 154395, Commune de Pont-à-Mousson (N° Lexbase : A4404AXE) : régularité de préenseignes installées en dehors de toute agglomération (à un endroit où la publicité est donc normalement interdite) dans la mesure où elles ont pour objet d'informer le public de la réalisation et de la commercialisation d'opérations immobilières, relatives à la construction de logements et de locaux commerciaux, artisanaux et industriels.
(20) C. envir., art. L. 581-20 (N° Lexbase : L2929GWE).
(21) Idem.
(22) Décret n° 82-211 du 24 février 1982 (N° Lexbase : L3123IEE), et voir articles R. 581-55 et suivants du Code de l'environnement. Les prescriptions à suivre pour installer ces préenseignes sont nombreuses et détaillées par ces articles. A titre d'illustration, il ne peut pas y avoir plus de 4 préenseignes par monument historique ouvert à la visite, ou par établissement offrant des activités particulièrement utiles pour les personnes en déplacement (C. envir., art. R. 581-72 N° Lexbase : L1635H3X).
(23) Voir circulaire n° 85-68 du 15 septembre 1985.
(24) TA Pau, 19 janvier 1996, n° 96223, Antonio Urraca ; TA Grenoble, 10 mai 2000, n° 962912, Société Giraudy ; CAA Marseille, 2ème ch., 29 juin 1999, n° 97MA05086, SARL Publicité De Cecco De Selle (N° Lexbase : A4638BMQ).

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