La lettre juridique n°353 du 4 juin 2009 : Aides d'Etat

[Le point sur...] Taxes et aides d'Etat : à la recherche des failles de la législation fiscale française pouvant donner lieu à restitution de taxes...

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article 87 du Traité CE , sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Selon une jurisprudence constante, la qualification d'aide d'Etat requiert que toutes les conditions visées à l'article 87 du Traité soient remplies. Il doit s'agir d'une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat. Cette intervention doit être de nature à favoriser "certaines entreprises ou certaines productions" par rapport à d'autres (CJCE, 8 novembre 2001, aff. C-143/99, Adria-Wien Pipeline GmbH, Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke GmbH c/ Finanzlandesdirektion für Kärnten N° Lexbase : A5816AXP). Dans l'affirmative, la mesure remplit la condition de sélectivité constitutive de la notion d'"aide d'Etat" prévue par cette disposition. A ce propos, la notion d'"aide" peut recouvrir non seulement des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d'entreprises, mais également des interventions qui allègent les charges grevant normalement le budget d'une entreprise. Enfin, pour que l'intervention étatique en cause soit considérée comme une aide, il faut qu'elle soit susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres. A cet égard, la Cour a déjà jugé que, lorsqu'une aide accordée par l'Etat renforce la position d'une entreprise dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme affectés par l'aide (CJCE, 7 mars 2002, aff. C-310/99, République italienne c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A2129DA4).

Aux termes de l'article 88 du Traité CE , la commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats ; si la commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Dans la mesure où une taxe fiscale a été considérée comme constitutive d'une aide d'Etat, le juge communautaire reconnaît aux contribuables ayant acquitté la taxe litigieuse le droit au remboursement de la taxe indûment versée. La CJCE a, ainsi, précisé qu'il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de déterminer les conditions permettant aux contribuables de contester les impositions perçues indûment à raison de leur incompatibilité avec le droit communautaire ou d'en réclamer le remboursement, pourvu que ces conditions ne soient pas moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. Rien ne s'oppose, du point de vue du droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que des taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutées sur les acheteurs. L'exercice de ces actions en récupération n'est pas contraire aux dispositions du droit communautaire relatives à l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun (cf., notamment, CJCE, 10 juillet 1980, aff. C-811/79, Amministrazione delle finanze dello Stato c/ Ariete SpA N° Lexbase : A5981AU3).

Dans une démarche d'optimisation fiscale, le présent article a donc pour objectif de faire un tour d'horizon des différentes taxes sujettes à controverse au regard du droit communautaire en matière d'aide d'Etat, et de faire le point sur celles constitutives, ou non, d'aides d'Etat. Les premières ouvrent la voie d'un droit à remboursement, pour autant que l'action ne soit pas prescrite ; les secondes ont bel et bien été acquittées en toute légalité.

1. Les taxes déclarées constitutives d'une aide d'Etat

  • La taxe sur certaines dépenses de publicité

L'article 23 de la loi de finances pour 1998 (loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 N° Lexbase : L6930HU9), codifié à l'article 302 bis MA du CGI (N° Lexbase : L5857HLI), a institué à compter du 1er janvier 1998 une taxe sur certaines dépenses de publicité, dont le produit est entièrement affecté au fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale afin de financer les projets de modernisation présentés par les agences de presse inscrites, due par toute personne assujettie à la TVA dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est supérieur à 763 000 euros hors TVA.

Par trois arrêts rendus le 21 décembre 2006, le Conseil d'Etat a déclaré cette taxe contraire aux prescriptions communautaires en matière d'aides d'Etat (CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2006, n° 290044, SA Damart Serviposte France N° Lexbase : A1466DTH, n° 290045, SA Atac France N° Lexbase : A1467DTI, n° 288562, SA Auchan France N° Lexbase : A1461DTB).

En effet, le Conseil d'Etat a relevé, d'une part, que, s'agissant notamment de la presse nationale, la diffusion de ses titres s'étend, même de manière limitée, sur le territoire d'autres Etats membres, et d'autre part, que nonobstant les différences qui existent entre la presse quotidienne nationale et régionale et la presse gratuite diffusée sur le marché français par des entreprises de presse, ayant ou non leur siège dans d'autres Etats membres, et qui par suite ne peuvent bénéficier des aides octroyées par le Fonds de modernisation, ces aides sont susceptibles d'affecter, s'agissant notamment de la vente d'espaces publicitaires, les échanges intracommunautaires. Dès lors, la France avait l'obligation de notifier le projet d'institution de cette taxe, constitutive d'une aide d'Etat, à la Commission, préalablement à sa mise en exécution.

C'est sur ce fondement que la Haute juridiction administrative a accordé aux sociétés requérantes, la restitution de la taxe dans la mesure où, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la CJCE, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du Traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution.

Selon une instruction du 16 mars 2007 précisant les conditions de restitution des taxes illégalement perçues (BOI 3 P-1-07 N° Lexbase : X8297ADN), les décisions du Conseil d'Etat en date du 21 décembre 2006 ne produisent des effets que pour la période 1998-2005, la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 (N° Lexbase : L6429HET) ayant supprimé la perception de cette taxe au profit du budget général à compter du 1er janvier 2006. Il est ainsi admis que les redevables, qui ont acquitté la taxe au cours de la période 1998-2005, ont droit au remboursement de ces cotisations pour autant que les demandes en restitution auront été présentées dans les délais prévus par l'article R. 196-1-a) ou b) du LPF (N° Lexbase : L6486AEX).

En application des dispositions combinées des articles R. 196-1 c) et L. 190 (N° Lexbase : L5858HIS) du LPF, les entreprises ne pouvaient introduire leur demande de remboursement, pour les taxes acquittées au cours des années 2003 à 2005, que jusqu'au 31 décembre 2008.

Il convient de relever, à cet égard, un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon en date du 28 juin 2007, par lequel les juges lyonnais ont déclaré irrecevable une demande de restitution de la taxe présentée tardivement (CAA Lyon, 5ème ch., 28 juin 2007, n° 05LY01995, Société Bellerivedis SAS N° Lexbase : A4516DXK). En effet, les juges rappellent que, aux termes de l'article R. 196-1 du LPF, "pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a [...] b. Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c. De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation". Ainsi, en l'espèce, la réclamation élevée par la société requérante, le 3 février 2003, était intervenue après l'expiration du délai prévu au (b) de cette disposition en ce qui concerne les taxes acquittées en 1998, 1999 et 2000. A supposer que les jugements de juridictions reconnaissant le caractère illicite de la perception de la taxe en cause rendus au cours de l'année 2003, aient le caractère d'évènements au sens du c du même texte, il ne résultait pas de l'instruction que la réclamation était motivée par un tel événement. La réclamation était donc bien tardive en ce qui concerne les taxes versées au titre des années 1998 à 2000.

  • La taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision

Aux termes de l'ancien article 365 de l'annexe II au CGI, il était institué, à compter du 1er janvier 1998 et pour une durée de cinq ans, une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision destinée à financer un fonds d'aide aux titulaires d'une autorisation de service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. Cette taxe avait pour objet de favoriser l'expression radiophonique.

Le Gouvernement français avait notifié à la Commission européenne, selon la procédure prévue au paragraphe 3 de l'article 88 du Traité de Rome, le projet de décret n° 97-1263 reconduisant pour une nouvelle période de 5 ans à compter de 1998 le dispositif de la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision qui avait déjà été autorisé par la Commission. Aux termes de son examen, la Commission a, le 10 novembre 1997, émis un avis favorable à la prorogation de ce dispositif.

Statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, la CJCE, dans un arrêt rendu le 22 décembre 2008, retient l'invalidité de la décision de la Commission des Communautés européennes du 10 novembre 1997 de ne pas soulever d'objections à l'encontre de la modification d'un régime d'aides en faveur des stations de radio locales (CJCE, 22 décembre 2008, aff. C-333/07, Société Régie Networks c/ Direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne N° Lexbase : A9977EB7). En effet, selon la Cour, dans la mesure où la Commission européenne, pour apprécier la conformité du régime d'aides en cause avec les règles du Traité CE en matière d'aides d'Etat, n'avait pas pris en considération le mode de financement de ces aides, alors que ce dernier faisait partie intégrante de ce régime, l'appréciation de la compatibilité du régime avec le marché commun était nécessairement entachée d'une erreur.

La Cour précise, toutefois, qu'il y a lieu de tenir en suspens les effets du constat d'invalidité de la décision de la Commission des Communautés européennes du 10 novembre 1997 jusqu'à l'adoption d'une nouvelle décision par la Commission en vertu de l'article 88 CE. Lesdits effets sont tenus en suspens pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt au cas où la Commission déciderait d'adopter cette nouvelle décision dans le cadre de l'article 88, paragraphe 3, CE et pendant une période supplémentaire raisonnable si la Commission décide d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE. Sont exceptées de cette limitation dans le temps des effets du présent arrêt les seules entreprises qui ont introduit avant la date du prononcé de cet arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, instituée par l'article 1er du décret n° 97-1263, du 29 décembre 1997, portant création d'une parafiscale au profit d'un fonds de soutien à l'expression radiophonique.

On relèvera, justement, l'arrêt rendu tout récemment par la cour administrative d'appel de Lyon dans l'affaire qui avait donné lieu à sursis à statuer, en raison du renvoi préjudiciel devant la CJCE, et dans laquelle la société Régie Networks demandait la décharge de la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision qu'elle avait acquittée au titre de l'année 2001 (CAA Lyon, 5ème ch., 2 avril 2009, n° 06LY01447, Société Régie Networks N° Lexbase : A8854EGZ).

Conformément aux prescriptions de la CJCE dans son arrêt du 22 décembre 2008, les juges lyonnais relèvent qu'il y a donc lieu de faire application au cas d'espèce de l'appréciation d'invalidité portée par la Cour de justice des Communautés européennes sur la décision du 10 novembre 1997 de la Commission européenne, le recours ayant été introduit avant le prononcé de l'arrêt de la CJCE. Rappelant que le régime d'aides à l'expression radiophonique institué à compter de 1998 doit être regardé comme mis en place à la suite d'une procédure qui n'est pas valide et qu'en conséquence, la perception de la taxe parafiscale sur la publicité par voie de radiodiffusion sonore et de télévision était bien illégale. La société Régie Networks était donc fondée à demander la décharge de la cotisation à cette taxe au titre de l'année 2001.

  • Taxe sur les ventes directes de médicament

En vertu de l'ancien article L. 245-6-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7672HW3), les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques sont tenues de verser une contribution au titre des ventes en gros de ces spécialités à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

Dans le cadre d'un litige opposant la société Laboratoires Boiron, qui produit des spécialités homéopathiques, à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l'ACOSS), la question s'est posée de savoir si le droit communautaire devait être interprété en ce sens qu'un laboratoire pharmaceutique redevable d'une telle contribution est en droit d'exciper de ce que l'absence d'assujettissement des grossistes-répartiteurs à cette contribution constitue une aide d'Etat pour en obtenir la restitution.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer sur cette question, renvoyant l'affaire devant le juge communautaire (Cass. com., 14 décembre 2004, n° 02-31.241, FS-P+B N° Lexbase : A4673DES).

Aux termes d'un arrêt rendu le 7 septembre 2006, la CJCE a répondu par l'affirmative à cette question (CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-526/04, Laboratoires Boiron SA c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) N° Lexbase : A9490DQK). La Cour précise que le remboursement d'une telle contribution est subordonné, à la preuve, incombant à l'auteur de la demande de remboursement, que l'avantage tiré par les grossistes répartiteurs de leur non-assujettissement à cette contribution excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale. Toutefois, afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, le juge national, s'il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique tel que Boiron la charge de la preuve de l'existence d'une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d'aide d'Etat de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce.

C'est ainsi que la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 juin 2007, casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon ayant rejeté la demande de remboursement sollicitée par le Laboratoire Boiron (Cass. com., 26 juin 2007, n° 02-31.241, FS-P+B N° Lexbase : A9362DWN). Pour rejeter la demande, au motif que l'avantage accordé aux grossistes répartiteurs n'excédait pas les conséquences financières des obligations de service public qui leur sont imposées, les juges lyonnais avaient retenu que la contribution avait été instituée au faible taux de 2,5 %, ramené à 1,5 % pour certains médicaments, les médicaments génériques en étant exonérés, que ce taux particulièrement modeste ne constituait pour les grossistes répartiteurs qu'un faible avantage, qu'en revanche, les obligations de service public à la charge de ces derniers étaient importantes puisqu'ils devaient disposer de 90 % des stocks des médicaments vendus par leurs soins et assurer l'approvisionnement de toutes les officines sur tout le territoire au moins une fois par jour.

De même, dans un arrêt rendu le 14 mars 2007, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé un arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles qui avait débouté la société Laboratoire Glaxosmithkline de sa demande de remboursement de la contribution litigieuse, après avoir relevé que la comparaison entre les coûts de distribution supportés par les grossistes répartiteurs et ceux assumés par les vendeurs directs n'étant pas aisée, voire impossible pour l'intéressée, avait retenu essentiellement qu'il résultait d'une étude de l'institut Eurostaf commandée par le ministère de la Santé, des présomptions graves précises et concordantes permettant de tenir pour avéré que le coût relatif aux obligations de service public supportées par les grossistes-répartiteurs, excédait manifestement le taux de cette contribution, ce dont il ressortait que la condition d'équivalence entre l'exonération accordée et les surcoûts était remplie (Cass. civ. 2, 14 mars 2007, n° 04-30.053, FS-D N° Lexbase : A7357DUZ). Selon la Haute juridiction, il appartenait aux juges, au besoin par une mesure d'instruction, de rechercher sur des bases de calcul préalablement établies de façon objective et transparente, sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne aurait encourus pour exécuter ses obligations de service public en tenant compte des recettes et d'un bénéfice raisonnable, si la compensation résultant de l'exonération de la taxe ne dépassait pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale

Selon la Haute juridiction, dans ces deux affaires, en se déterminant par de tels motifs, alors qu'il leur appartenait, conformément aux prescriptions du juge communautaire, au besoin par une mesure d'instruction, de rechercher sur des bases de calcul préalablement établies de façon objective et transparente, en procédant à une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne aurait encourus pour exécuter ses obligations de service public tenant compte des recettes et d'un bénéfice raisonnable, si la compensation résultant de l'exonération de la taxe ne dépassait pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations, les juges ont privé leurs décisions de base légale.

2. Les taxes non constitutives d'une aide d'Etat

  • La taxe d'abattage

On se souvient que l'ancienne taxe sur les achats de viande, dite "taxe d'équarrissage", mise en place en 1997 et instituée à l'ancien article 302 bis ZD du CGI , avait été déclarée illégale par le juge communautaire (CJCE, 20 novembre 2003, aff. C-126/01, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Gémo SA N° Lexbase : A1832DA4). En effet, cette taxe était due par toute personne réalisant des ventes au détail de viandes et abats ; le produit de la taxe était affecté à un fonds ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale. Selon la Cour, la charge financière occasionnée par l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs devait être considérée comme un coût inhérent à l'activité économique des éleveurs et des abattoirs, et de ce fait, une intervention des autorités publiques visant à libérer les éleveurs et les abattoirs de cette charge financière apparaissait comme un avantage économique susceptible de fausser la concurrence. Dès lors que les coûts de l'équarrissage en France n'étaient supportés ni par les éleveurs, ni par les abattoirs, ce qui avait nécessairement une incidence positive sur le prix de la viande, rendant donc plus compétitif ce produit dans les marchés des Etats membres où ces mêmes coûts grèvent normalement les budgets des opérateurs économiques concurrents, le dispositif devait donc être regardé comme favorisant les exportations françaises de viande et affectant les échanges intracommunautaires.

En finançant directement et exclusivement le service public de l'équarrissage, la taxe sur les achats de viande constituait, ainsi, une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée préalablement à la Commission européenne.

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 15 juillet 2004, avait confirmé la non-conformité du dispositif au droit communautaire (CE 9° et 10° s-s., 15 juillet 2004, n° 264494, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société anonyme Gémo N° Lexbase : A6225DDW). Par suite, tous les redevables, qui avaient acquitté la taxe sur les achats de viande, au titre de la période 1997-2000, avaient droit au remboursement de ces cotisations, pour autant qu'ils présentaient leur demande de remboursement avant le 31 décembre 2005 (instruction du 6 juin 2005, BOI 3 P-2-05 N° Lexbase : X1395ADZ). A noter que, aux termes de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 15 juillet 2004, le Trésor devait rembourser la taxe d'équarrissage déclarée incompatible avec le droit communautaire, même lorsque l'entreprise avait répercuté sur ses clients cette imposition indûment perçue, sauf preuve d'un enrichissement sans cause de l'entreprise.

Une taxe d'abattage a donc été substituée à la taxe sur les achats de viande à compter du 1er janvier 2004, par l'article 28 de la loi de finances pour 2004 (loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). Afin de se conformer à l'arrêt rendu par la CJCE le 20 novembre 2003, cette taxe, instituée à l'article 1609 septvicies du CGI (N° Lexbase : L0704IDG), est versée par les entreprises qui assurent l'abattage des animaux. Elle est affectée au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) pour le financement du service public de l'équarrissage et des mesures de stockage, de transport et d'élimination des farines animales.

Cette nouvelle taxe a été déclarée bien conforme à la réglementation communautaire relative aux aides d'Etat. En effet, dans une décision du 30 mars 2004, la Commission européenne, a décidé de ne pas soulever d'objection à l'égard des mesures en faveur des éleveurs et des entreprises d'abattage, financées par la nouvelle "taxe d'abattage" française (communiqué UE du 30 mars 2004, IP/04/408).

Par ailleurs, dans une affaire soumise au Conseil d'Etat le 23 mars 2005, une société demandait l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2004 du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et du ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales fixant le mode de calcul et les taux de la taxe d'abattage affectée au financement de l'élimination des déchets et sous-produits animaux et d'un arrêté du même jour pris par les mêmes ministres fixant en outre le mode de calcul et les taux de cette taxe jusqu'au 31 décembre 2004, qui selon elle, méconnaissaient les mécanismes de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille, instituée par le Règlement n° 2777/75 du Conseil des Communautés européennes du 29 octobre 1975 modifié (N° Lexbase : L7256AUB).

Comme le rappelle le Haut conseil, il résulte des dispositions de ce Règlement, tel qu'interprété par l'arrêt rendu par la CJCE le 22 mai 2003, que les mécanismes de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille ont pour objet de stabiliser les marchés et d'assurer un niveau de prix équitable, en reposant essentiellement sur les mécanismes du marché pour assurer les équilibres souhaités, et qu'est incompatible avec le fonctionnement de ces mécanismes la perception d'une taxe susceptible de constituer une entrave à la liberté des échanges entre les Etats membres ou, par une influence sensible sur le niveau des prix du marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation.

Mais dès lors que, comme l'a jugé la CJCE dans son arrêt du 20 novembre 2003, la charge financière correspondant à la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et déchets d'abattoirs doit être regardée comme un coût inhérent à l'activité économique des éleveurs et des abattoirs, la Haute juridiction administrative retient que la taxe d'abattage, qui impute les coûts de ce service aux entreprises chargées de l'abattage des animaux, n'a pas pour effet de créer des distorsions au jeu de la libre concurrence entre entreprises des différents Etats membres de l'Union européenne, et n'est donc pas susceptible de constituer une entrave à la liberté des échanges entre les Etats membres. En outre, le taux de la taxe d'abattage, qui est applicable à l'ensemble des produits relevant de l'organisation commune du marché de la viande de volaille, n'apparaît pas susceptible d'avoir une influence sensible sur les prix du marché, contraire aux mécanismes de l'organisation commune du marché de la viande de volaille.

  • La taxe d'aide au commerce et à l'artisanat

La taxe d'entraide au commerce et à l'artisanat (TACA), instituée par une loi du 13 juillet 1972 (loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, art. 4 N° Lexbase : L9212AZ9), a pour but de financer une aide spéciale accordée aux commerçants impécunieux qui ont cessé toute activité, destinée à compenser de façon partielle la perte de fonds de commerce ou artisanal. Seules les entreprises dont la surface de vente est supérieure à 400 m² ou dont le chiffre d'affaires annuel est de 460 000 euros (loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, art. 3 N° Lexbase : L9211AZ8) sont assujettis à cette taxe recouvrée par la Caisse Organic (Organisation Autonome d'Assurance Vieillesse des Travailleurs non salariés des professions Industrielles et Commerciales).

Plusieurs sociétés exploitantes de magasins de la grande distribution ont chacune formé un recours dirigé contre l'Organic afin d'obtenir le remboursement des sommes qu'elles avaient versées au titre de la TACA estimant que la taxe était constitutive d'une aide d'Etat.

Plus précisément, la question s'est posée de savoir si cette taxe, dont le produit alimente des comptes spéciaux des caisses d'assurance vieillesse des commerçants et des artisans pour l'attribution de l'aide spéciale compensatrice, devenue depuis la loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 l'indemnité de départ, est susceptible de recevoir la qualification d'aide d'Etat, dans la mesure où elle n'est supportée que par les établissements ayant une surface de vente supérieure à 400 m² ou un chiffre d'affaires supérieur à 460 000 euros, et en ce qu'elle procurerait au futur bénéficiaire de l'indemnité un allégement de charges résultant de la possibilité de réduire son éventuel financement à un régime complémentaire de retraite.

Par un arrêt rendu le 27 octobre 2005, la CJCE a répondu à cette question par la négative, jugeant que les articles 87, § 1, du Traité CE et 88, § 3, du même Traité devaient être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la perception d'une taxe, telle que la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) (CJCE, 27 octobre 2005, aff. C-266/04, Nazairdis SAS, devenue Distribution Casino France SAS c/ Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (Organic) N° Lexbase : A0982DLX). En effet, la Cour rappelle que, pour que l'on puisse considérer une taxe comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide. Si un tel lien existe, le produit de la taxe influence directement l'importance de l'aide et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun. Toutefois, la Cour relève qu'aucun lien contraignant n'existe entre une taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur d'une catégorie d'entreprises. En effet, l'application d'une exonération fiscale et son étendue ne dépendent pas du produit de la taxe.

Il ressort ainsi de cet arrêt que la perception de la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat est autorisée par le droit communautaire.

Cette décision de la Cour de justices des Communautés européennes (CJCE) validant la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat a été entérinée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 juillet 2006 (Cass. com., 4 juillet 2006, n° 03-12.565, FS-P+B N° Lexbase : A3595DQ9).

C'est ainsi que, faisant suite à l'admission, par le juge communautaire, de la conformité de la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat au droit communautaire au regard de la réglementation communautaire des aides d'Etat, la cour d'appel de Lyon, par une série d'arrêts rendus le 13 juin 2006, et, plus récemment, la cour d'appel de Paris, par un arrêt rendu le 3 avril 2008, ont rejeté un certain nombre de demandes de remboursement de la taxe formulées par différentes sociétés exploitant des surfaces de vente de commerce de détail (CA Lyon, 5ème ch., 13 juin 2006, n° 03/03335, SARL Tout pour la maison N° Lexbase : A7598DTL ; n° 03/03338, SA Komogo N° Lexbase : A7598DTL ; n° 03/03383, Société Distribution Casino France N° Lexbase : A7599DTM ; n° 03/03634, Société Guichard Perrachon N° Lexbase : A6903DYC ; n° 03/03638, SAS Distribution Casino France N° Lexbase : A7601DTP ; et n° 07/00158, Caisse nationale du RSI N° Lexbase : A1610D87).

De même, on relèvera que le Conseil d'Etat a, par la suite, validé un décret d'application dans un arrêt du 20 juin 2006. La Haute juridiction administrative a rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 janvier 2005, relatif au recouvrement de la taxe au titre de 2004 et 2005 (décret n° 2005-60 N° Lexbase : L6433G4Z, modifiant le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 N° Lexbase : L8465AID), qui avait été formulée par la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, sur le fondement selon lequel faute d'avoir été préalablement notifié à la Commission, il violerait les stipulations du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité CE relatif à l'agrément accordé par la Commission sur d'éventuelles dérogations aux principes de la concurrence.

  • La taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie

Aux termes de l'article 1600 du CGI (N° Lexbase : L4691ICQ), il est pourvu aux dépenses ordinaires des chambres de commerce et d'industrie ainsi qu'aux contributions allouées par ces dernières selon des modalités fixées par décret aux chambres régionales de commerce et d'industrie et à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie au moyen d'une taxe additionnelle à la taxe professionnelle, répartie entre tous les redevables de cette taxe proportionnellement à leur base d'imposition.

Par un arrêt rendu le 28 juin 2007, la cour administrative d'appel de Lyon retient que la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie ne concourt pas au financement d'une aide d'Etat de nature à affecter les échanges entre Etats membres de la Communauté, au sens de l'article 87 du Traité de Rome (CAA Lyon, 5ème ch., 28 juin 2007, n° 05LY01994, Société Bellerivedis SAS, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A4515DXI). En effet, après avoir démontré, d'une part, que ces organismes consulaires ne pouvaient être considérés comme des entreprises au sens du 1 de l'article 87 du Traité, que, d'autre part, contrairement à ce que soutenait la société requérante, ces organismes ne pouvaient être regardés comme étant en concurrence avec les associations ou les professions de services telles que celles d'experts-comptables ou d'avocats, et enfin, que les chambres de commerce et d'industrie n'ont, par ailleurs, pas vocation à favoriser certaines entreprises ou certaines productions, la cour administrative d'appel de Lyon en conclut, que les fonds qu'elles perçoivent, par le biais de la taxe, pour financer leurs dépenses ordinaires ne peuvent donc être de nature, de quelque manière que ce soit, à fausser ou à menacer directement ou indirectement le jeu de la concurrence entre les entreprises commerciales ou industrielles, et, partant, à affecter les échanges entre les Etats membres.

La taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie ne concourt donc pas au financement d'une aide d'Etat de nature à affecter les échanges entre Etats membres de la Communauté, au sens de l'article 87 du Traité de Rome. Par suite, la France n'était pas tenue de notifier à la Commission européenne, selon la procédure prévue au paragraphe 3 de l'article 88 du Traité de Rome, la taxe en cause, qui pouvait être perçue sans qu'il y soit procédé.

La demande de restitution de la taxe acquittée par la société requérante est donc rejetée par les juges lyonnais.

  • La redevance audiovisuelle au bénéfice de France Télévisions

En vertu de l'article 1605 du CGI (N° Lexbase : L1138IEU), il est institué, depuis le 1er janvier 2005, une taxe dénommée redevance audiovisuelle au profit des organismes publics de télévision et de radiodiffusion.

Par une décision 2005/1166 du 20 avril 2005, relative à l'aide accordée à France Télévisions, notifiée le 21 avril 2005 à la République française, la Commission a informé la France que, sur la base des engagements pris par les autorités françaises dans le cadre de la procédure d'examen permanent du régime de la redevance au bénéfice de France Télévisions, elle considérait ce régime comme compatible avec le marché commun au titre de l'article 86, paragraphe 2, CE et décidait donc de clore la procédure concernant ce régime portant sur une aide existante.

La société TF1 a alors introduit un recours devant le tribunal de première instance des Communautés européennes par lequel elle sollicitait l'annulation de cette décision.

Aux termes d'un arrêt rendu le 11 mars 2009, le TPICE a rejeté dans son intégralité le recours introduit par la société TF1 (TPICE, 11 mars 2009, aff. T-354/05, Télévision française 1 SA (TF1) c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A6788EDR). Le Tribunal constate, notamment, que les engagements pris par la France pour garantir la compatibilité de la redevance audiovisuelle avec le marché commun sont en parfaite correspondance avec les recommandations de la Commission et que c'est, donc, à juste titre que celle-ci a considéré que le régime de la redevance était compatible avec le marché commun. La Commission n'ayant, par ailleurs, pas manqué à son obligation de motivation et ayant respecté la procédure d'examen de l'aide, le Tribunal confirme la validité de la décision de la Commission. Par cette décision, les chaînes privées se voient donc fermer la porte des recours en annulation.

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