La lettre juridique n°348 du 30 avril 2009 : Environnement - Bulletin d'actualités n° 3

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Règlement REACH : contrôles et sanctions applicables en droit français"

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le 07 Octobre 2010

Le Règlement n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (N° Lexbase : L0078HUG), dit "REACH" (ci-après "le Règlement"), constitue l'un des piliers de la réglementation européenne relative aux produits chimiques. Son article 126 impose aux Etats membres de prévoir les sanctions applicables en cas de violation du Règlement, celles-ci devant être notifiées à la Commission au plus tard le 1er décembre 2008. Avec un peu de retard, la France a précisé les modalités de contrôle et les sanctions prévues en cas de violation du texte européen, dans l'ordonnance n° 2009-229 du 26 février 2009 (ordonnance prise pour l'application de l'article 12 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement N° Lexbase : L9688ICS). Après un bref rappel des dispositions principales du Règlement (I), seront exposées les modalités de contrôle fixées par l'ordonnance du 26 février 2009, ainsi que les sanctions administratives et pénales encourues (II).

I - Rappel des obligations imposées par le Règlement "REACH"

Les dispositions du Règlement visent à "assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement ainsi que la libre circulation des substances [...] tout en améliorant la compétitivité et l'innovation". Elles comprennent des procédures visant, notamment, à encadrer la fabrication et l'importation des substances chimiques (A) et accordent une place prépondérante à la circulation de l'information entre les acteurs économiques concernés (B).

A - Les procédures de gestion des produits chimiques

Le Règlement s'articule à travers quatre procédures, qui forment l'acronyme anglais "REACH" (Registration, Evaluation, Autorisation, Restriction) : l'enregistrement (1), l'évaluation (2), l'autorisation (3) et les restrictions (4).

1. L'enregistrement

Conformément au chapeau de l'article 5 du Règlement "pas de données, pas de marché", les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures à une tonne ou plus par an et par fabricant et/ou importateur doivent faire l'objet d'un enregistrement.

Pour qu'une substance soit enregistrée, le fabricant ou l'importateur doit constituer un dossier comprenant :

- un dossier technique sur la substance ;
- un rapport sur la sécurité chimique (pour les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures à 10 tonnes).

L'Agence européenne des produits chimiques (ci-après "ECHA" selon l'acronyme anglais) vérifie le caractère complet du dossier pour attribuer au dossier du déclarant un numéro et une date d'enregistrement.

2. L'évaluation

Font ainsi l'objet d'une évaluation les dossiers (a) et les substances (b).

a) L'évaluation des dossiers

L'ECHA sélectionne au moins 5 % des dossiers reçus pour chaque fourchette de quantité afin d'évaluer leur conformité (art. 41 du Règlement). Dans le cadre de l'évaluation des dossiers, l'ECHA contrôle également les propositions d'essais (art. 40 du Règlement).

b) L'évaluation des substances

L'évaluation des substances est menée par les autorités compétentes des Etats membres, qui ont le choix des substances à évaluer, dans le cadre du "plan d'action continu communautaire". Ce plan inclut les substances constituant un risque pour la santé ou l'environnement. L'ECHA coordonne le processus d'évaluation (art. 45 du Règlement).

3. L'autorisation

Les substances considérées comme extrêmement préoccupantes font l'objet d'une procédure d'autorisation. Cette autorisation est accordée par la Commission européenne, si le risque d'utilisation de la substance est "valablement maîtrisé". Pour certaines substances, notamment celles présentant des caractéristiques de persistance, bioaccumulabilité et toxicité, l'autorisation ne sera accordée que si les avantages socio-économiques l'emportent sur les risques et s'il n'existe pas de substance ou de technologie de remplacement (art. 60 du Règlement).

Outre la prévention du risque, la procédure d'autorisation a pour finalité le remplacement progressif des substances les plus préoccupantes par de nouvelles substances ou technologies alternatives. Ainsi, dans le cas où une solution de remplacement existe, le titulaire de l'autorisation doit présenter un plan de remplacement avec un calendrier (art. 62 du Règlement).

4. Les restrictions

Une substance faisant l'objet d'une restriction fixée par la Commission européenne devra être fabriquée, mise sur le marché et utilisée dans le respect des conditions prévues par cette restriction. Une procédure de restriction peut être lancée à l'initiative de la Commission, de l'ECHA ou des Etats membres lorsqu'ils estiment :

- qu'une substance représente un risque non valablement maîtrisé ;
- que les mesures déjà mises en place ne sont pas suffisantes.

La décision finale des mesures de restrictions revient à la Commission, assistée par un comité de réglementation avec contrôle composé des représentants des Etats membres et présidé par le représentant de la Commission.

Les dispositions du Règlement relatives aux restrictions entrent en vigueur le 1er juin 2009. L'ordonnance du 26 février 2009 permet d'adopter au niveau national des mesures de restriction avant cette entrée en vigueur. Ces restrictions nationales restent en vigueur jusqu'au 1er juin 2013.

B - La place importante de la circulation des informations

Les détenteurs d'information, à savoir les acteurs industriels, sont au coeur du dispositif institué par le Règlement. Il convient, à ce titre, de noter l'un des apports fondamentaux du Règlement qui est le renversement de la charge de la preuve. Ainsi, il incombe aux acteurs industriels de démontrer la maîtrise valable des risques des substances chimiques qu'ils fabriquent, mettent sur le marché ou utilisent, et non plus aux autorités publiques de prouver leur dangerosité.

Le rôle central des acteurs industriels s'appuie sur une bonne circulation des informations, tout au long de la chaîne d'approvisionnement, l'outil principal permettant la circulation des informations étant la fiche de données de sécurité (art. 31 du Règlement).

La mise en oeuvre effective du Règlement repose, en premier lieu, sur l'implication des acteurs industriels, tout au long du processus de gestion des produits chimiques. Elle repose, en second lieu, sur le régime de sanction mis en place au niveau de chaque Etat membre (II).

II - La sanction des manquements aux obligations imposées par le Règlement "REACH" en droit français

L'ordonnance du 26 février 2009 a modifié, dans le titre II du Code de l'environnement, relatif aux produits chimiques et biocides, les dispositions des sections relatives au contrôle et à la constatation des infractions (C. envir., art. L. 521-12 N° Lexbase : L9704ICE à L. 521-16) (A) et aux sanctions administratives et pénales (C. envir., art. L. 521-17 N° Lexbase : L9707ICI à L. 521-24) (B).

A - Les modalités du contrôle des acteurs de la filière des produits chimiques

L'ordonnance n'apporte pas de changement concernant les autorités compétentes pour contrôler les éventuels manquements aux dispositions relatives aux produits chimiques, et donc aux manquements au Règlement. Il s'agit, notamment :

- des officiers et agents de police judiciaire ;
- des agents appartenant aux services de l'Etat chargés de l'environnement, de l'agriculture et des transports ;
- des inspecteurs des installations classées pour la protection de l'environnement.

L'ordonnance précise les textes dont l'application peut faire l'objet de contrôles. Outre les obligations imposées par le Règlement, peut être contrôlé le respect des dispositions d'autres textes communautaires dans le domaine des produits chimiques, il s'agit des Règlements relatifs :

- à certains gaz à effet de serre fluorés (Règlement n° 842/2006 du 17 mai 2006 N° Lexbase : L0205HKS) ;
- aux polluants organiques persistants (Règlement n° 850/2004 du 29 avril 2004 N° Lexbase : L1356IEX) ;
- aux exportations et importations de produits chimiques dangereux (Règlement n° 689/2008 du 17 juin 2008 N° Lexbase : L1355IEW) ;
- et à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (Règlement n° 2037/2000 du 29 juin 2000 N° Lexbase : L6759AUU).

L'ordonnance organise les modalités de recueil des informations par les agents chargés du contrôle. Ces derniers sont autorisés à se communiquer entre eux les renseignements et documents recueillis dans le but de permettre une coordination et une meilleure efficacité des contrôles.

Les agents chargés du contrôle ont la possibilité :

- de prélever des échantillons en vue d'analyses ou d'essais, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat ;
- de procéder à une mesure de consignation des produits chimiques, pour une durée maximale de 15 jours, pouvant être prorogée ;
- de procéder à une mesure de saisie, sur ordonnance du président du tribunal de grande instance.

B - Les sanctions encourues

Les sanctions encourues sont essentiellement administratives (1), les sanctions pénales étant réservées aux infractions les plus graves (2).

1. Les sanctions administratives

Des sanctions administratives pour manquement à la réglementation relative aux produits chimiques peuvent être prononcées après mise en demeure préalable. A compter de la constatation du manquement, l'autorité administrative dispose :

- d'un délai de trois mois pour inviter la personne concernée à prendre connaissance du dossier et à présenter ses observations ;
- d'un délai de six mois pour procéder à la mise en demeure.

L'autorité administrative peut ordonner le paiement d'une amende plafonnée à 15 000 euros et d'une astreinte journalière de 1 500 euros maximum. Ces sanctions ne peuvent pas porter sur des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été accompli dans ce délai aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.

Elle peut, également, interdire l'importation, la fabrication ou la mise sur le marché des produits chimiques concernés par le manquement.

Elle peut procéder à des injonctions pour des opérations menées en méconnaissance des dispositions du Règlement relatives à l'enregistrement des substances, à l'autorisation et aux restrictions :

- injonction à l'importateur d'effectuer le retour du produit en dehors du territoire de l'Union européenne ou d'en assurer son élimination ;
- injonction au fabricant d'assurer leur élimination.

En cas d'inexécution, l'autorité prend les dispositions utiles, les dépenses correspondantes étant mises à la charge de l'importateur ou du fabricant.

L'autorité administrative peut également faire procéder à la consignation d'une somme pesant sur :

- l'importateur pour l'établissement des données, tests et études à réaliser dans le cadre de la procédure d'enregistrement ;
- l'utilisateur en aval pour l'établissement des données, tests et études à réaliser dans le cadre de la procédure d'autorisation ou de l'établissement du rapport sur la sécurité chimique (art. 37 du Règlement).

La somme correspondant à ces opérations devra être restituée au fur et à mesure de l'exécution des tests et études ou de la production des données demandées.

Pour certains manquements, des sanctions pénales peuvent se cumuler aux sanctions administratives.

2. Les sanctions pénales

L'ordonnance du 26 février 2009 prévoit les sanctions pénales en cas de :

- fabrication ou importation d'un produit chimique sans enregistrement préalable et emploi de moyens frauduleux aux fins d'obtenir un numéro d'enregistrement ;
- défaut d'autorisation ;
- non-respect de mesures de restrictions.

Ces infractions sont qualifiées de délits et punies de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros pour les personnes physiques (375 000 euros pour les personnes morales).

Le rapport du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire au Président de la République, relatif à l'ordonnance du 26 février 2009 précise que cette dernière a pour objectif d'harmoniser la police des produits chimiques. C'est dans cette perspective d'harmonisation que les infractions à d'autres textes relatifs aux produits chimiques sont passibles des mêmes sanctions que celles prévues à l'encontre des infractions aux principales dispositions du Règlement. Il s'agit des Règlements relatifs :

- à certains gaz à effet de serre fluorés (préc.) ;
- aux polluants organiques persistants (préc.) ;
- aux exportations et importations de produits chimiques dangereux (préc.) ;
- et à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (préc.).

L'ordonnance prévoit, par ailleurs, que le non-respect des obligations du Règlement en matière de transmission et de gestion des fiches de données de sécurité est un délit puni de trois mois d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 euros pour les personnes physiques (100 000 euros pour les personnes morales).

Dans le contexte d'une gestion européenne des produits chimiques qui connaît encore des évolutions importantes (le système général harmonisé de classification, d'étiquetage et d'emballage venant d'être adopté avec le Règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L4612ICS), la mise en oeuvre d'une politique européenne de gestion des produits chimiques efficace et exigeante en matière d'environnement et de santé vient de connaître, au niveau national, un pas décisif avec le régime de sanctions défini par l'ordonnance du 26 février 2009.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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