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N9843BIE
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le 07 Octobre 2010
En cas d'insuffisance d'informations données aux institutions représentatives au personnel sur la nature et la pertinence des mesures du plan soumis à leur avis, le plan est suspendu. Telle est la solution retenue pour le tribunal de grande instance de Nanterre, dans une décision du 16 janvier 2009.
Dans cette espèce, les partenaires sociaux avaient conclu un accord collectif de gestion prévisionnelle de l'emploi comportant un titre I sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), un titre II relatif à la mise en oeuvre d'un plan de redéploiement, constituant la première partie du plan de sauvegarde de l'emploi et basé sur le reclassement interne et le volontariat, et un titre III contenant des mesures relatives au reclassement et à l'accompagnement constituant la seconde partie du plan de sauvegarde de l'emploi.
En 2008, l'un des départements étant, malgré les actions menées depuis 2004, toujours en grande difficulté, une procédure d'information (consultation des représentants du personnel) a été initiée. Il a été proposé au comité central de l'unité économique et social (UES) et au comité d'établissement un projet de "plan de transformation de l'activité application management de la business unit et les mesures sociales d'accompagnement".
Dans le cadre de ce plan, il était envisagé de prévoir la sortie progressive de 250 salariés ne répondant à aucun des trois critères définis par la direction. Ce plan prévoyait des mesures d'aides au reclassement interne et externe, des modalités de départ volontaire, l'ordre des licenciements pour les départs contraints et des mesures financières d'accompagnement.
Lors de la seconde réunion, il a été présenté un additif au plan de transformation concernant le périmètre du plan, précisant que 344 personnes seraient informées de la mobilité interne et du plan de volontariat et qu'il y aurait 98 reclassements et 122 à 150 départs volontaires, la période des départs volontaires étant fixée du 20 décembre 2008 au 19 janvier 2009.
Lors des réunions des 17 et 18 décembre 2008, les CCE et le comité d'établissement ont refusé de donner leur avis au motif qu'ils ne bénéficiaient pas d'une information suffisante, concernant la pertinence du plan de redéploiement et le périmètre du plan, dont l'effectif avait varié d'une réunion à l'autre. Les représentants du personnel ont donc introduit un référé d'heures à heures afin de voir annulé le plan.
Constatant l'insuffisance d'information délivrée aux représentants du personnel, le juge des référés avait prononcé la suspension du plan et l'interdiction pour les sociétés de mettre en oeuvre les mesures qui y étaient contenues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise par une juridiction du fond.
Cette solution s'inscrit dans la droite ligne des décisions déjà rendues en matière d'information des représentants du personnel dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (en ce sens, notamment, Cass. soc., 4 juillet 2000, n° 98-18.885, Syndicat CFDT des banqueset établissements financiers de Bayonne c/ Crédit lyonnaiset autre N° Lexbase : A9153AG4).
L'employeur qui envisage de procéder au licenciement de dix salariés et plus sur une même période de trente jours doit respecter une procédure particulière. Cette procédure suppose une consultation préalable des représentants du personnel. Cette consultation prend, en principe, la forme de deux réunions espacées de 14 à 28 jours selon l'importance du dispositif (C. trav., art. L. 1233-29 N° Lexbase : L1160H9T et L. 1233-30 N° Lexbase : L1163H9X). Une troisième réunion est requise lorsque le comité a décidé de se faire assister d'un expert comptable.
A l'occasion de ces réunions, l'employeur doit fournir au comité d'entreprise tous les renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif et, en tout état de cause, il doit indiquer la ou les raisons économiques, financières et techniques du projet de licenciement, le nombre de travailleurs dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements, le nombre de travailleurs permanents ou non employés dans l'établissement, et, le cas échéant, le plan de sauvegarde de l'emploi et les mesures économiques qu'il envisage de prendre (C. trav., art. L. 1233-31 N° Lexbase : L1166H93).
L'employeur met à l'étude, dans les délais impartis, les suggestions formulées par le comité d'entreprise relatives aux mesures sociales proposées et leur donne une réponse motivée.
Cette information est importante puisqu'elle conditionne la poursuite du plan de sauvegarde de l'emploi.
La jurisprudence considère, en effet, que le fait de ne pas donner aux représentants du personnel des informations sérieuses constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser. L'employeur se voit, dans ce cas, interdit de poursuivre la procédure de licenciement collectif (CA Paris, 8 septembre 1993, RJS, 1993, 644, n° 1085).
Les juges du fonds viennent, par cette décision, compléter l'exigence en imposant à l'employeur la délivrance d'informations "suffisantes" sous peine de ne pas pouvoir poursuivre la procédure engagée. L'information n'est plus seulement sérieuse, il faut, encore, qu'elle soit suffisante.
On peut, toutefois, regretter l'imprécision du terme employé dans ce jugement. Que faut-il entendre par "suffisante" ? A partir de quand les informations délivrées doivent-elles être considérées comme "suffisantes" ?
Un plan de gestion prévisionnelle des emplois n'a pas à intégrer un plan de reclassement interne.
Les obligations de l'employeur mettant en place un plan de gestion prévisionnelle des emplois ne sont pas les mêmes que celles d'un employeur envisageant de licencier certains salariés pour motif économique, comme le rappelle le tribunal de grande instance de Nanterre dans la décision rapportée.
Dans cette espèce, une société avait engagé un processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur un plan d'ajustement des effectifs fondé sur le volontariat. Ce plan visait 4 000 départs volontaires et concernait 26 224 salariés.
Ces mesures volontaires faisaient l'objet d'accompagnements, tels que les projets professionnels ou personnels, les départs volontaires en retraite, en congés de reclassement, aide au retour au pays, passage à temps partiel, aide aux congés de longue durée, et à la mobilité interne.
A l'issue de trois réunions de la commission économique du comité central d'entreprise et de deux réunions du comité central d'entreprise et des comités d'établissements, le comité central d'entreprise et les comités d'établissements avaient émis un avis défavorable à l'ensemble des mesures, qu'il s'agisse du projet de plan ou des mesures d'accompagnement. Malgré cet avis, la société avait mis en oeuvre le plan. Les syndicats avaient saisi le juge des référés du tribunal d'instance afin qu'il ordonne, sous astreinte, la suspension des effets du plan d'ajustement, tant qu'un plan de reclassement s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'aura pas été mis en oeuvre. Ils avaient été déboutés de leurs demandes.
Les juges du premier degré affirment à juste titre, au visa de l'article L. 1237-16 du Code du travail (N° Lexbase : L8479IAB), que, si l'employeur était tenu de mettre en oeuvre la procédure d'information consultation des représentants du personnel prévue en matière de licenciement pour motif économique et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation d'intégrer un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi n'est impérative que lorsque l'employeur envisage des licenciements pour motif économique. Or, lorsque les suppressions prévues par un plan social reposent exclusivement sur le volontariat, à l'exclusion de tout licenciement, l'employeur n'est pas tenu de mettre un place de mesures de reclassement interne, dès lors qu'en l'absence de volontariat, le salarié conserve son emploi dans l'entreprise et que son licenciement n'est pas envisagé.
Le fait que l'employeur ne soit pas tenu de présenter un plan de reclassement n'est pas contestable.
L'objet de l'obligation de reclassement, ainsi que la sanction de son non-respect, indiquent que cette obligation ne trouve à s'appliquer qu'en présence de licenciements.
Le reclassement est, en effet, un préalable au licenciement. Il doit précéder le licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L1105H9S) et doit être recherché dès l'instant où le licenciement est envisagé par l'employeur (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.265, Société Dumez GTM c/ M. Ganeau N° Lexbase : A4730AGB).
Il est, toutefois, dommage que les juges, pour motiver leur décision, se réfèrent aux articles relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi, alors que ce n'est pas de licenciements dont il était question ici. Cette référence au plan de sauvegarde de l'emploi ne fait qu'obscurcir le débat.
L'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire lorsque l'entreprise envisage de prononcer au moins 10 licenciements sur une même période de 30 jours. Les mesures intégrées au plan doivent tendre à limiter le nombre de licenciement et à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité (C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L1236H9N).
L'article L. 1233-61 du Code du travail donne une liste non limitative des mesures que doit contenir le plan. Il précise qu'il peut s'agir, par exemple, de mesures de reclassement internes des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie, de créations d'activités nouvelles par l'entreprise, d'actions favorisant le reclassement externe des salariés par un soutien à la réactivation du bassin de l'emploi, d'actions de soutien à la création d'activités nouvelles, d'actions de formation, de validation des acquis de l'expérience, ou de mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail.
Cette situation doit être distinguée de celle dans laquelle l'employeur n'envisage pas de licenciement, mais met en place des mesures de gestion prévisionnelle du personnel de l'entreprise. Dans ce cas, en effet, si l'employeur est tenu de consulter le comité d'entreprise, il n'a pas à mettre en oeuvre et à respecter la procédure de licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 2242-15 N° Lexbase : L2393H9I).
La jurisprudence a eu l'occasion de préciser que certaines contraintes posées par la procédure de licenciement économique et, singulièrement, concernant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ne sont pas applicables dès lors que l'on n'est pas en présence de suppressions d'emplois pouvant entraîner le licenciement des salariés.
Elle affirme, en effet, que le projet qui consiste à rechercher parmi les salariés ceux qui seraient candidats à des mesures n'entrainant pas la rupture du contrat de travail -telles que des temps partiels, congés sans solde indemnisés, préretraites progressives, mises en disponibilité- constitue une mesure de gestion prévisionnelle qui n'a pas à être soumise à la procédure des licenciements pour motif économique (Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 97-12.962, Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et autres c/ Compagnie IBM France N° Lexbase : A4682AGI, RJS, 2/99, n° 158). Cette jurisprudence impose de distinguer l'appel à candidature de salariés pour des mesures propres à entraîner une modification du contrat de travail (non soumise à la procédure de licenciement pour motif économique) et les projets de modifications du contrat de travail adressés à chaque salarié pris individuellement (soumis à la procédure).
On comprend donc aisément la solution retenue par les juges du fonds dans la décision commentée, même si l'on peut regretter son manque de clarté.
Le licenciement économique intervenu sans mesure de reclassement interne et externe est sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié, à une indemnité. C'est, sans surprise, que les juges du second degré sanctionnent, dans un arrêt du 19 janvier 2009, l'employeur qui avait licencié des salariés sans qu'aucune mesure de reclassement interne ou externe ne leurs ait été proposée.
Dans cette espèce, la société avait été mise en redressement judiciaire et le licenciement de 605 salariés avait été autorisé par le tribunal de commerce.
Le 26 avril 2004, le tribunal de commerce avait ordonné la cession partielle des sites restant de l'entreprise et avait autorisé le licenciement de plusieurs salariés.
Le 15 avril 2004, un plan de sauvegarde de l'emploi avait été établi, lequel avait été complété le 19 avril 2004. Le même jour, un salarié recevait sa lettre de licenciement pour motif économique. Il avait donc saisi la juridiction prud'homale.
Le juge du premier degré avait débouté le salarié de ses demandes d'annulation de la procédure de licenciement pour motif économique, de qualification de sans cause réelle et sérieuse des licenciements intervenus pour absence de reclassement. Le salarié avait fait appel.
La cour d'appel infirme la décision rendue par les juges du premier degré, en rappelant que la pertinence d'un plan social s'apprécie en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, non seulement pour faciliter les emplois et le reclassement interne des salariés, mais, également, pour faciliter leur reclassement externe par le biais, notamment, de le prise en charge de formations, de cellules de reclassements, d'aides à la mobilité...
Après avoir relevé qu'aucun élément ne permettait de démontrer que le reclassement interne des salariés avait été recherché au sein des sociétés filiales de la société General Trailer France, que l'une des filiale disposait de moyens conséquents alors que le plan ne prévoyait que des mesures limitées d'aide financière, elle affirme que le reclassement interne n'était pas suffisant et le reclassement externe n'avait pas été effectué en conformité de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie qui imposait aux entreprises de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en faisant appel à la commission territorial de l'emploi.
Cette position va de soi.
L'employeur qui envisage de licencier un salarié pour motif économique est tenu d'une obligation de reclassement. Il s'agit d'une obligation individuelle, qui est doublée, pour les "gros licenciements", d'une obligation de reclassement collectif figurant dans le plan de reclassement interne au plan de sauvegarde de l'emploi (C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L1236H9N).
La jurisprudence affirme de manière constante que le licenciement économique ne peut intervenir que si le reclassement du salarié n'est pas possible (Cass. soc., 20 octobre 2004, n° 02-42.645, M. Raymond Bire c/ Banque nationale de Paris (BNP), F-D N° Lexbase : A6433DDM). Les possibilités de reclassement doivent être recherchées bien au-delà de l'entreprise. Le législateur exige, en effet, que le reclassement soit envisagé non seulement dans l'entreprise, mais dans les entreprises du groupe auquel elle appartient (C. trav., art. L. 1233-4 N° Lexbase : L1105H9S). La jurisprudence considère, toutefois, que cette recherche doit être limitée au groupe dont les activités, l'organisation, le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 25 octobre 2006, n° 04-48.583, F-D N° Lexbase : A0280DS8).
Cette définition du groupe est confirmée par l'article L. 1233-4 du Code du travail. Le groupe de reclassement s'apprécie donc en fonction de la permutation possible des salariés, à l'exclusion de tout autre critère, sociétaire notamment. C'est donc dans cet espace "social" que doivent être recherchées les possibilités de reclassement et, non seulement, dans l'entreprise ou dans le groupe au sens du droit des sociétés (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-42.941, F-D N° Lexbase : A1191AZ7).
Lorsque tel n'a pas été le cas, le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-40.748, Société Cap Sesa industrie c/ M. Moreau N° Lexbase : A5607ACN) parce que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement interne du salarié (Cass. soc., 18 décembre 2002, n° 00-46.157, F-D N° Lexbase : A4946A4X).
On comprend donc aisément la position des juges du second degré dans la décision commentée, qui ne font qu'appliquer une jurisprudence, désormais, bien rôdée. Les juges du premier degré sont donc sanctionnés pour ne pas avoir recherché si les possibilités de reclassement au sein du groupe ont été explorées.
Le licenciement économique intervenu, non pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mais pour l'améliorer, doit être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les salariés indemnisés. Tel est la solution retenue par la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 février 2009.
Le licenciement économique est celui qui survient pour un motif non inhérent à la personne du salarié. L'article L. 1233-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7) définit le licenciement pour motif économique comme le licenciement effectué par un employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives, notamment, à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Cette définition fait ressortir deux types d'éléments, le premier élément est matériel, le second est originel.
L'élément matériel regroupe la suppression ou la transformation d'emploi, la modification du contrat de travail.
L'élément originel fait appel aux difficultés économiques et aux mutations technologiques. La liste fixée par le législateur n'étant pas limitative, l'article L. 1233-3 du Code du travail l'ayant fait précéder de l'adverbe "notamment", la jurisprudence est venue la compléter. Elle admet, ainsi, que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique la cessation d'activité (Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant N° Lexbase : A2160AIT), ainsi que la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité (Cass. soc., 11 juin 1997, n° 94-45.175, Mme Kryger c/ M. Raguin N° Lexbase : A2165AAG).
Dans ce dernier cas, la jurisprudence se montre particulièrement exigeante et impose que la réorganisation soit "nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise" ou du secteur d'activité.
Elle précise, en outre, qu'une réorganisation ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise (Cass. soc., 2 décembre 1998, n° 96-43.874, Association pour les foyers et ateliers d'handicapés (APAH) CAT Caillols c/ Mme Jeanine de Marchi N° Lexbase : A5174CL9). La compétitivité doit donc être en cause pour que le licenciement pour motif économique soit justifié (Ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219, Société anonyme de télécommunications (SAT) c/ M. Coudière et autres N° Lexbase : E3463AS3). La jurisprudence est constante sur ce point. Si aucune menace ne pèse sur la compétitivité de l'entreprise, le licenciement pour motif économique ne pourra être considéré comme justifié. La Cour de cassation affirme que le fait de vouloir préserver sa compétitivité ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique (Cass. soc., 4 juillet 2006, n° 04-46.261, F-D N° Lexbase : A3702DQ8).
Eu égard à cette dernière jurisprudence, qui refuse de reconnaitre la légitimité du licenciement fondé sur la volonté de l'entreprise de préserver sa compétitivité, la volonté d'améliorer sa compétitivité ne constitue pas, a fortiori, une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique. Les juges du second degré n'ont fait qu'appliquer une solution bien ancrée.
II - Relations individuelles de travail
Dans cette espèce, à la suite d'un désaccord consécutif à la négociation annuelle obligatoire tenue en 2007, un mouvement de grève avait été engagé par une partie du personnel.
A l'occasion de ce conflit, chaque salarié s'était vu proposé un contrat de "garantie de permanence de prestation", accompagné d'une avance de 1 000 euros en échange d'un engagement du salarié de maintenir la permanence de sa prestation. En contrepartie de cette somme, le salarié s'engageait à ne pas être absent, hormis pour partir en congés payés. En cas d'inobservation par le salarié du contrat proposé, la somme devait être remboursée.
Certains salariés avaient signé et avaient arrêté le mouvement afin de conserver le bénéfice de la prime ; d'autres avaient refusé de signer et maintenu le mouvement de grève.
Ce contrat avait été vu par certains salariés et le syndicat CFDT transport comme une atteinte au droit de grève. Ils considéraient qu'il était constitutif d'une discrimination entre salariés. Le syndicat avait saisi le tribunal de grande instance en référé, qui avait qualifié d'illicite la prime mise en place à l'occasion du conflit collectif. Le tribunal de grande instance avait annulé le contrat signé au moment de la grève. A la suite de cette décision, l'employeur avait régularisé la situation de chaque salarié et précisé les modalités du bénéfice de cette prime et sa qualification exacte dans une note de service établie après consultation des représentants du personnel.
Malgré cette évolution, un salarié avait saisi le conseil de prud'hommes pour se voir attribuer le bénéficie de cette prime sans condition.
Compte tenu de la régularisation à laquelle avait procédé l'employeur et constatant la licéité et le caractère égalitaire de la prime, le conseil de prud'hommes déboute le salarié de sa demande.
Les primes d'assiduité ont pour objet de lutter contre l'absentéisme dans les entreprises. Les contentieux qui surviennent concernant ces primes concernent souvent la prise en compte des jours de grève.
Les articles L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N) et L. 1132-2 (N° Lexbase : L0676H9W) du Code du travail interdisent à l'employeur de prendre des mesures discriminatoires vis-à-vis des salariés grévistes, notamment, en matière de rémunération et d'avantages sociaux. Ces dispositions ont été introduites dans le Code du travail afin de mettre un terme à une pratique constante et générale qui s'était instituée dans les entreprises, qui consistaient à verser aux salariés des primes antigrèves. Les primes antigrèves consistent à accorder une prime d'assiduité au personnel de l'entreprise, prime à laquelle ne peuvent prétendre les grévistes puisqu'ils ont cessé le travail (CA Toulouse, 9 septembre 1994, Chevreux c/ SA Clinique Pasteur)
Les primes d'assiduité ne sont pas toutes illicites. Elles sont parfaitement valables lorsqu'elles remplissent certaines conditions et, singulièrement, lorsqu'elles ne peuvent pas être qualifiées de discriminatoires.
La jurisprudence exige, pour que cette prime soit valide, soit que toute absence (justifiée ou non) prive le salarié du bénéfice de la prime (Cass. soc., 13 janvier 1999, n° 96-44.333, M. Alain Dufour c/ Société Editions Plein Nord, société en nom collectif N° Lexbase : A8873AGQ), soit que toutes les absences injustifiées ou non autorisées privent le salarié de son bénéfice (Cass. soc., 2 mars 1994, n° 92-41.134, Société Nozal c/ M. Bazier et autres N° Lexbase : A1961AAU).
Dans le premier cas, tous les salariés absents, et non seulement les salariés grévistes, quel que soit le motif de leur absence, voient leur prime supprimée ou diminuée. Dans le second cas, les grévistes étant en absence justifiée, ils ne peuvent en être privés.
On comprend donc aisément la position du conseil de prud'hommes dans cette affaire, la prime rectifiée était parfaitement licite. Celle soumise au TGI l'était-elle vraiment ? Compte tenu des éléments disponibles dans la décision, le principe était le versement à tout salarié d'une prime de 1 000 euros et sa restitution en cas d'absence autre que les congés payés. Toute autre absence (pour maladie...), qu'elle soit autorisée, ou non, et qu'elle soit justifiée, ou non, entraînait la remise en cause de la prime. Pouvait-on réellement y voir une discrimination ? Il semble qu'ici ce soit le contexte dans lequel cette prime a été institué qui a déterminé son illicéité.
Tout salarié ayant acquis des droits à congé part en congé payé à un moment de l'année. Tous les salariés étaient donc sur un pied d'égalité. Toute absence (justifiée ou non) autre que les congés payés entraînait sa restitution. Où est la discrimination ?
Les différences de rémunérations entre les hommes et les femmes à qualification égale doivent être justifiées par des éléments objectifs. Le cas échéant, il y a discrimination, comme le rappelle la cour d'appel de Versailles, dans une décision du 8 janvier 2009.
Dans cette espèce, une salariée se plaignait de ne pas avoir eu le même avancement dans l'entreprise que ses collègues masculins. Elle avait saisi le conseil de prud'hommes afin que l'entreprise soit condamnée à présenter les documents contenant les sexes, dates d'embauches, qualifications, niveau d'embauche, coefficient et salaires des personnes de sa catégorie depuis son embauche et obtenir une indemnisation pour la discrimination dont elle avait été victime.
Constatant que la salariée n'avait atteint le coefficient 305 que plusieurs années après ses collègues, qu'elle n'avait toujours pas atteint le coefficient attribué à ses collègues masculins de même niveau et qu'aucun élément objectif ne permettaient de justifier cette différence, la cour d'appel n'a pu que conclure à une discrimination en raison du sexe féminin.
Le principe de non-discrimination en matière de rémunération pour un travail à valeur égale est un principe retenu au niveau supranational (Convention n° 100 de l'OIT du 29 juin 1951, sur l'égalité de rémunération ; article 141 du Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 ; Directive n° 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L4210HK7). Il figure à l'article L. 3221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0796H9D).
Ce principe impose à l'employeur, pour un même travail ou un travail de valeur égal (C. trav., art. L. 3221-4 N° Lexbase : L0803H9M), d'assurer l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. En vertu de ce principe, les critères d'attribution des éléments composant la rémunération doivent être les mêmes pour les hommes que pour les femmes : catégories, qualifications, promotions professionnelles (C. trav., art. L. 3221-6 N° Lexbase : L0807H9R).
Par rémunération au sens de ces textes, il faut entendre non seulement le salaire de base, mais, également, l'ensemble des primes, accessoires et avantages versés directement ou indirectement au salarié en raison de son emploi (C. trav., art. L. 3221-3 N° Lexbase : L0799H9H ; également, pour une prime exceptionnelle ou une gratification, Cass. soc., 10 octobre 2000, n° 98-41.389, Société L'Oréal N° Lexbase : A7757AHR).
Des différences de rémunérations peuvent exister. Elles ne tomberont pas sous le coup du principe de non-discrimination si l'employeur peut justifier cette différence par des éléments objectifs permettant d'établir que les salariés se trouvent dans une situation différente (Cass. soc., 21 mars 2000, Dr. soc., 2000, p. 645, obs. Ch. Radé).
Tel n'était pas le cas dans la décision commentée, aucun élément objectif ne permettait de justifier le retard dans l'avancement de la salariée, ce qui justifie la position retenue par les juges du second degré et la qualification de discriminatoire de la situation dans laquelle se trouvait la salariée. La solution retenue par les juges du second degré, qui se situe dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée, ne peut qu'être approuvée.
La conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs n'est pas interdite, mais elle doit rester dans les limites du raisonnable et respecter les règles strictes fixées par le Code du travail. Elle doit, en outre, faire l'objet d'un écrit communiqué au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. Le cas échéant, la relation est requalifiée en une relation à durée indéterminée comme le rappelle, une nouvelle fois, le conseil de prud'hommes de Foix à La Poste, dans une décision du 18 décembre 2008.
Dans cette espèce, une salariée avait exécuté, entre 1993 et 2003, 126 contrats de travail à durée déterminée successifs pour faire face au remplacement de salariés absents ou à un surcroît temporaire d'activité. Au cours de cette période, la salariée avait, à plusieurs reprises, demandé à bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée.
En novembre 2002, elle s'était vu proposer un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2003, ce qu'elle avait accepté.
La salariée avait saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifiés les CDD effectués entre 1993 et 2003 en CDI et obtenir le paiement de diverses indemnités.
Le conseil de prud'hommes a fait droit à sa demande de requalification considérant que, à plusieurs reprises, le contrat de travail à durée déterminée n'avait pas été transmis au salarié dans les deux jours suivant l'embauche, qu'au cours de cette période 126 CDD avait été conclus, que, souvent, la salariée était appelée en dernière minute, ce qui impliquait qu'au cours de cette période, la salariée s'était tenue constamment à la disposition de la Poste. Cette solution n'est en rien surprenante.
La conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée est soumise à des règles strictes.
Sur la forme, le contrat de travail à durée déterminée doit faire l'objet d'un écrit contenant certaines mentions obligatoires (C. trav., art. L. 1242-12 N° Lexbase : L1446H9G), qui doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche (C. trav., art. L. 1242-13 N° Lexbase : L1447H9H).
Sur le fond, il ne peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée que pour les durées définies par le Code du travail (C. trav., art. L. 1242-8 N° Lexbase : L5746IA3) et dans les cas expressément prévus par le législateur (C. trav., art. L. 1242-2 N° Lexbase : L1430H9T et L. 1242-3 N° Lexbase : L1432H9W). Le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée doit être précisé au contrat. S'agissant, en effet, d'un contrat d'exception, il ne peut y être recouru pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise (C. trav., art. L. 1242-1 N° Lexbase : L1428H9R).
La succession de contrats de travail à durée déterminée n'est pas interdite (C. trav., art. L. 1244-1 N° Lexbase : L1480H9P). Le législateur en prévoit la possibilité pour certains motifs (remplacement d'un salarié malade, remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu, emplois à caractère saisonniers, remplacement du personne...) et l'assortit, éventuellement, d'un délai de carence (C. trav., art. L. 1244-3 N° Lexbase : L1484H9T).
L'inobservation des règles posées par le législateur est sanctionnée par la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée (C. trav., art. L. 1245-2 N° Lexbase : L1491H94).
La requalification en CDI de contrats de travail à durée déterminée exécutés par des salariés dans la même entreprise n'est pas nouvelle (en dernier lieu, Cass. soc., 15 octobre 2008, n° 06-46.382, F-D N° Lexbase : A7988EA4 et nos obs., Succession de contrats de travail à durée déterminée : conditions et sanctions, Lexbase Hebdo n° 324 du 29 octobre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N4936BHB). La Poste n'en est, d'ailleurs, pas à son premier coup d'essai et a été condamnée pour la même raison, aux mêmes motifs, par le conseil de prud'hommes de Foix et, à sa suite, par la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 4ème ch., sect. 1, 4 juin 2008, n° 07/02967, Mme Pinto c/ La Poste N° Lexbase : A8875D89).
Le Conseil de prud'hommes se contente, ici, de reprendre la motivation retenue dans la décision précédente pour l'appliquer à la demanderesse et condamner la poste à l'indemniser. Aucune surprise donc dans cette décision.
Stéphanie Martin-Cuenot, Juriste en droit social
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