La lettre juridique n°418 du 25 novembre 2010 : Éditorial

Fiscalité romantique ou la mort de Sardanapale

Lecture: 4 min

N6867BQE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Fiscalité romantique ou la mort de Sardanapale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211342-fiscalite-romantique-ou-i-la-mort-de-sardanapale-i-
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Mardi 17 novembre, au soir... devant mon poste de télévision : un Prince, dans son palais... beaucoup de rouge... de l'or... et des morts !

Ainsi, donc, le Président de la République commandait, implicitement, mais d'un regard qui en disait long, la mort conjointe du bouclier fiscal, mesure emblématique de son quinquennat, et de l'impôt sur la fortune (ISF)... pour que naisse un nouvel impôt sur le patrimoine. "L'erreur faite dans les années passées, c'était de taxer le patrimoine alors qu'il vaut mieux taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine", disait-il. Comme échappé d'une séance de spiritualisme, dont seuls les orientaux ont le secret, voici que le Prince en appelle aux mânes de Joseph Caillaux, pour découvrir, sans doute, que cet impôt taxant les revenus et les plus-values du patrimoine existe, d'ores et déjà, et qu'il s'appelle : l'impôt sur le revenu... Aussi, on ne voit pas très bien, sauf à augmenter l'impôt en lui-même, après avoir diminué la dépense fiscale y afférente, en quoi un nouvel impôt sur le patrimoine se distinguerait de l'impôt cédulaire. Bon sang, mais c'est bien sûr : le taux... Ce nouvel impôt sur le patrimoine serait affublé d'un taux proportionnel et non d'un taux progressif comme l'est l'impôt sur le revenu...

Mais, avant le renouveau et le triomphe d'Assourbanipal, son frère politique, le Prince assiégé, sans aucun espoir de délivrance, ordonne, progressivement, la mort de tout ce qui comptait pour lui. Il décide de se suicider en compagnie de ses esclaves et de son harem, après avoir brûlé sa ville pour empêcher l'ennemi de profiter de son bien. Il commence, donc, par sacrifier la "taxe carbone" sur l'autel de la rue de Montpensier et renvoie aux satrapes bruxellois le soin de continuer le combat -on parle alors d'un "mécanisme d'inclusion carbone", qui consiste à exiger des importateurs qu'ils restituent des quotas d'émission de CO2 à hauteur de la contrainte subie par le producteur européen moyen-.

Puis, il laisse assassiner, par "ses gens", hier eunuques parlementaires, aujourd'hui bachi-bouzouks ragaillardis, le fleuron de la recherche et de l'innovation ; ce crédit d'impôt recherche pourtant réformé, dès son arrivée au palais, comme symbole de son attachement à la compétitivité et à la croissance des entreprises innovantes. Mais, que voulez-vous : cette marquise là était bien trop arrogante aux yeux des comptables du trésor royal... D'abord, les rémunérations versées à des intermédiaires en raison de leur prestation de conseil en vue de l'octroi du crédit d'impôt seraient exclues de l'assiette dudit crédit, dans certaines limites... Puis, le taux du crédit d'impôt serait porté à 50 % puis 40 %, la première et la deuxième année d'application, ou, qui suivent l'expiration d'une période de 5 années consécutives au titre desquelles l'entreprise demanderesse n'a pas bénéficié du crédit d'impôt... Enfin, les entreprises créées depuis moins de deux ans qui sollicitent le remboursement immédiat de la créance de crédit d'impôt recherche seraient condamnées à justifier, point par point, la réalité des dépenses orchestrées... suspicion de détournements de recettes fiscales oblige....

Enfin, il décide le sacrifice expiatoire de son cheval de bataille : le "bouclier fiscal", bouc émissaire de toutes les dérives laxistes et anti-égalitaristes de la fiscalité française... officiellement au nom de la convergence fiscale avec l'Allemagne, expliquant ainsi la suppression conjointe de l'ISF... Peut être aussi, par ce que l'animal fiscal était trop fougueux et trop sauvage, au pays de l'égalitarisme... à la sauce progressive. "S'il n'y a plus d'ISF, il n'y a plus besoin de bouclier fiscal", nous assène le chef de l'Etat. Quel lien y a-t-il entre verser un impôt sur le patrimoine au nom de la solidarité nationale et ne pas consacrer plus de la moitié de ses revenus aux impositions directes ? La mauvaise solution (le "bouclier fiscal") à un vrai problème (l'ISF), comme d'aucuns l'ont dit... Supprimer le bébé avec l'eau du bain semble être la solution préconisée par le vizir, désormais, à nouveau aux commandes...

Le décor est oriental parce que l'on y parle de choses lointaines pour la majorité de la population française -beaucoup moins que cet arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 10 novembre 2010, qui précise les modalités de la détermination du caractère fermier des oeufs de certaines poules pondeuses- ; on évoque, ainsi, des remparts brûlés ("taxe carbone" et "bouclier fiscal"), des trésors perdus (crédit d'impôt muselé)... et des muses condamnées (qui au sport, qui à la ville, qui à la santé). Tout est en courbe ; les lignes sont très sinueuses, pas vraiment fidèles aux canons néo-classiques. Et, finalement, l'important, ce n'est pas le sujet : c'est l'impression qui se dégage du tableau princier, les couleurs, le rouge, l'or, le noir et le thème, bien que fiscal, licencieux... Ainsi, donc, le Président de la République commandait une fiscalité aux relents romantiques -où il est question de billets à l'effigie de Delacroix-.. pas vraiment le violon d'Ingres de la plupart des fiscalistes, du reste. De là à ce que l'on en fasse une cantate... électorale...

newsid:406867

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus