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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction
le 04 Janvier 2011
Michèle Brault : Mon parcours est un peu atypique puisque je n'ai pas toujours été avocat. En effet, après des études de droit, j'ai souhaité travailler rapidement et, ayant la passion des livres, je me suis tournée vers l'édition. Pendant plus de neuf ans j'ai donc travaillé aux éditions Calmann-Lévy et aux éditions du Seuil. Mais, j'ai ressenti le besoin de revenir au droit et après avoir passé le CAPA, j'ai commencé à exercer chez Archibald Andersen, puis chez Maître Lombard avec Jean-Didier Belot, et enfin chez Olivier Schnerb, pénaliste de renom. Et, au bout de dix ans, je me suis installée en cabinet groupé, puis en association, et maintenant en exercice individuel. Donc aujourd'hui j'exerce, avec une collaboratrice, essentiellement en droit des affaires, avec une clientèle composée d'entreprises, et à la marge, de quelques particuliers.
Pourquoi je me présente au conseil de l'Ordre ? C'est une démarche à la fois sincère et pour moi évidente ; je me présente au conseil de l'Ordre de la même façon qu'il y a des gens qui s'intéressent à la vie politique, c'est-à-dire aux autres. Et tout simplement parce que l'on a envie de participer à un moment ou à un autre à la vie de sa profession. Et puis, et c'est presque l'essentiel, pour être proche de mes confrères et tenter de les aider à résoudre leurs conflits, leurs problèmes. C'est une mission de médiation et d'assistance. Et c'est une expérience humaine extraordinaire et gratifiante.
J'ajouterai aussi qu'il y a un élément plus anecdotique qui me pousse à être candidate à ces élections : l'une de mes filles est actuellement à l'EFB et se prépare à devenir avocate. Donc je me sens très concernée par l'avenir des jeunes avocats. Le fait qu'il y ait beaucoup de jeunes est un signe de vitalité de la profession. Mais néanmoins, entre ceux qui sont dans les petits cabinets et qui arrivent à développer leur clientèle et ceux qui sont les cabinets d'affaires, qui sont presque assimilés salariés, et qui, au bout de dix ans ou plus soit deviennent associés, soit n'ont pas de clientèle propre, faute d'avoir eu du temps pour la développer, il y a un exercice futur différent, qui doit être pris en compte.
Lexbase : Quels sont vos arguments de campagne ?
Michèle Brault : Il y a 12 postes à pourvoir. Certains candidats sont traditionnellement élus parce qu'ils représentent des syndicats ou des organisations qui comptent au Palais. Le combat de ceux qui sont dit "indépendants" est plus difficile et donc plus exaltant. Nombres d'électeurs pensent que toutes les formes d'exercice doivent être représentées au Conseil de l'Ordre. Je partage ce point de vue et c'est aussi le sens de ma candidature.
Mais j'ai souhaité apporter une plus-value. Il y a beaucoup d'avocats -22 000 sur le barreau de Paris-, des gens de qualité se présentent et comme je ne suis pas soutenue par un syndicat, il faut donc que ma candidature ait un sens. Il faut aller au-delà de l'envie de servir, d'être utile. A cet égard, j'ai cherché quelle allait être la singularité de ma candidature et je me suis appuyée sur mon parcours et une bonne connaissance de l'édition, dont l'édition juridique, pour identifier un besoin qui est le besoin d'information qu'ont tous les avocats.
Et ce besoin, comment l'Ordre peut y répondre ? Et bien par le développement de la documentation en ligne et du site internet de la bibliothèque. Aujourd'hui, si on se connecte sur le site privé de l'ordre et que l'on rentre dans l'espace de cette bibliothèque électronique, on accède à une veille législative et règlementaire, aux arrêts de la cour d'appel de Paris via Lexbase, et à la liste du fond de la bibliothèque qui nécessite un déplacement sur place si on désire le consulter. Et, malheureusement, du point de vue du consommateur avocat, cela n'est pas suffisant. En revanche, si on se déplace à la bibliothèque, on dispose d'une quinzaine de postes sur lesquels on trouvera les fonds de Lexis Nexis, de Dalloz, etc. mais l'accès à distance n'est pas possible en raison du coût élevé que cela représenterait.
En effet, si l'Ordre devait payer les bases de données en fonction du nombre des avocats de Paris, cela se chiffrerait en millions d'euros compte tenu des tarifs et du nombre d'avocats.
J'ajouterai que, depuis le début de l'année, des newsletters sont envoyées à tous les avocats dans cinq domaines (familles, étrangers, profession, fond de commerce et habitation). Donc, on le voit il y a une réelle volonté d'offrir du contenu.
Néanmoins, il me semble que le barreau de Paris pourrait avoir une bibliothèque électronique à son image : grand barreau, grande bibliothèque en ligne !
Réfléchir au développement de la bibliothèque électronique est important et cela doit se faire en collaboration avec les personnes concernées. Il faut réfléchir à un projet qui puisse servir à tous les avocats du barreau. Ce projet est celui d'une candidate au service de ses confrères, en collaboration avec le Bâtonnier quel qu'il soit. Je sais que le Bâtonnier en exercice est sensible au problème de la documentation en ligne.
Lexbase : Quels sont les enjeux de ce projet ?
Michèle Brault : Tout d'abord, je tiens à souligner qu'il s'agit d'un projet qui ne peut pas être mené en quelques mois, même si des premiers résultats peuvent être atteints rapidement.
Aujourd'hui un constat s'impose. La moitié des avocats de Paris n'a pas les moyens de s'abonner à des bases de données. Tous les petits cabinets, monostructure par exemple, fonctionnent avec Légifrance, mais on rencontre un problème car son contenu est de plus en plus limité depuis que la Cour de cassation vend le fond de la jurisprudence française aux éditeurs privés. A l'inverse, les gros cabinets disposent de fonds documentaires extraordinaires constitués par des documentalistes professionnels.
Or, il importe de donner à tous les avocats de Paris l'accès au maximum d'informations juridiques et rétablir ainsi le principe de l'égalité des armes, car si vous n'avez pas les moyens d'avoir une documentation, votre dossier risque d'être moins étayé face à un confrère qui aura eu la possibilité d'accéder à de nombreuses ressources documentaires.
En outre, cette bibliothèque électronique pourrait être une vitrine du droit français, du droit écrit, et du droit continental. Qu'ensuite, le lawyer de l'Oregon ou l'avocat du Gabon, dès lors qu'ils ont besoin d'une information en droit français, aient le réflexe de venir sur le site du barreau de Paris !
En résumé, il s'agit d'un projet collectif qui doit être réalisé par la volonté du Bâtonnier et du conseil de l'Ordre.
Lexbase : Quelles pistes de réflexions proposez-vous pour mener à bien ce projet ?
Michèle Brault : Internet regorge de richesses. Pour enrichir les contenus, il faut l'utiliser au mieux. Il existe déjà de nombreuses ressources gratuites et d'excellente qualité, dont la crédibilité n'est pas contestable. Elles restent inconnues et inexploitées.
Des partenariats sont à rechercher avec les universités, les laboratoires de recherches, des organismes divers, publics ou privés, qui ont vocation à diffuser une information intéressant les avocats.
Même les avocats produisent des articles qu'on trouve difficilement sur le site : les travaux des commissions ouvertes, les conférences de Campus doivent être mis en ligne, et donc en valeur.
J'insiste également sur un autre point : l'ordre ne doit pas être éditeur, à chacun son métier. Il faut trouver d'autres manières de travailler avec les éditeurs. Il y a des choses à faire avec certains d'entre eux, les petits notamment qui ont un fonctionnement plus souple et moins coûteux.
A plus long terme, la bibliothèque devrait permettre de faciliter la recherche documentaire, d'accéder à des sites, des articles précis par un moteur de recherche, créer des fils RSS, etc.. Peut-être faut-il aussi, pour revenir à l'humain, envisager que le maximum de personnel de la bibliothèque de l'Ordre soit formé à cette recherche pour se mettre au service des avocats qui le souhaiteraient.
La formation des jeunes avocats à la recherche documentaire doit également être accentuée.
Il y a beaucoup de pistes, de possibilités. Il me semble important d'avoir une ambition pour cette bibliothèque électronique dans l'intérêt de notre profession et de chacun de ses membres.
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