La lettre juridique n°417 du 18 novembre 2010 : Avocats

[Questions à...] Douze ans d'existence pour Avocats sans frontières France - Questions à Maître François Cantier, président fondateur de l'association

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 04 Janvier 2011

Fondée en 1998 en France, l'Association Avocats sans frontières fête ses douze ans cette année. Afin de mieux connaître ses missions et son importance, Lexbase Hebdo - édition professions a rencontré Maître François Cantier, président fondateur d'Avocats sans frontières France. Lexbase : Avocats sans frontières France a douze ans, pouvez-vous nous présenter l'association, ses principaux objectifs et sa singularité ?

François Cantier : Avocats sans frontières France est une association qui a pour but d'assurer la défense de personnes qui n'ont pas accès à un avocat libre et indépendant. Elle défend également les avocats qui sont menacés en raison de leur activité professionnelle et elle renforce les acteurs du droit et de la justice chaque fois que nécessaire.

Sa singularité vient de ses activités et du fait qu'elles sont mises en oeuvre par des praticiens, avocats en majorité mais aussi magistrats, juristes, formateurs, journalistes, tous volontaires et formés à ces missions.

Lexbase : Quelle place revêt, aujourd'hui, l'Observatoire international des avocats après deux ans d'existence ?

François Cantier : Nous avons proposé à l'Union européenne la création de cet Observatoire auquel participent les barreaux Espagnol, Français et Italien. C'est une initiative qui a un succès considérable car il correspond à un réel besoin. La profession de journaliste l'a depuis longtemps grâce à Reporters sans frontières, avec qui d'ailleurs nous avons un partenariat, et la profession d'avocat se devait de venir au secours de ceux des siens qui sont persécutés parce que, tout simplement, ils font leur métier.

Lexbase : Quel bilan pouvez-vous tirer de vos dernières actions de formation ?

François Cantier : Nous avons fait de la formation l'axe de notre développement et elle s'inscrit très souvent dans nos projets, car c'est un outil essentiel au service de nos objectifs. Et ce pour deux raisons.

Parce que, d'abord, les actions de solidarité internationale que nous menons exigent une préparation spécifique et donc des formations appropriées que nous destinons à ceux de nos membres qui souhaitent s'engager dans nos actions.

Parce que, ensuite, nous travaillons dans des pays où la formation des professionnels est insuffisante et nous pallions ces manques bien entendu dans nos domaines de compétence, principalement l'utilisation du doit international protecteur des droits de l'Homme, mais en veillant simultanément à transmettre notre savoir faire méthodologique pour autonomiser au plus vite les acteurs locaux de la justice.

Lexbase : Aujourd'hui, trente-cinq barreaux vous ont rejoint ; comment mobiliser les autres barreaux dont le soutien, quelle que soit leur taille, contribue à la défense des droits de l'Homme et du droit à un avocat ?

François Cantier : A ce jour ce sont exactement quarante-deux barreaux qui nous soutiennent et parmi eux les plus importants numériquement. Nous cherchons à mobiliser de manière plus large car Avocats sans frontières est l'affaire de tous les avocats et de tous leurs barreaux.

La profession d'avocat, dont la solidarité est une tradition ancienne, se doit d'avoir, à l'instar des médecins ou des journalistes, une grande organisation qui porte hors de ses frontières son savoir faire et ses valeurs.

Lexbase : Comment fonctionne le Fonds d'urgence pour la défense en partenariat avec le CNB, l'Ordre de Paris et la Conférence des Bâtonniers ? Pour quelles actions ? Pour quels résultats ?

François Cantier : Le fonds d'urgence est destiné à permettre d'assurer la défense de personnes dans des affaires emblématiques : c'est l'affirmation de l'intérêt que portent les avocats français aux citoyens du monde menacés d'injustice.

Nous sommes engagés dans la défense d'une femme Iranienne menacée de lapidation, Sakineh, et nous allons solliciter le Fonds, comme nous l'avons déjà fait par le passé.

Les résultats de nos interventions sont difficilement mesurables comme en général celle de l'avocat. De Aminal Lawal, jeune femme Nigériane également condamnée à mort pour adultère et finalement acquittée, aux infirmières Bulgares et au médecin Palestinien condamnés à mort puis libérés, nos expériences sont assez nombreuses pour nous montrer que seule la mobilisation de l'opinion publique internationale fait reculer l'injustice. Et nous sommes les tout premiers à être aux côtés de ces personnes, à rompre leur isolement et souvent celui de leurs avocats locaux, à leur apporter à la fois réconfort, compétence et soutien international.

Lexbase : Quel regard portez-vous sur l'actualité nationale des droits de l'Homme ? De la garde à vue annulée, y compris pour les procédures d'exception à l'insalubrité des maisons d'arrêt, en passant par le financement de l'aide juridictionnelle intimement liée aux droits de la défense ?

François Cantier : Je suis avocat en France et je suis très heureux des derniers progrès des libertés avec la prochaine réforme de la garde à vue, tout en déplorant qu'elle ne se fasse que sous la pression de la Cour européenne des droits de l'Homme dont il faut saluer l'oeuvre.

Pour nous qui sommes le plus souvent à l'étranger quel meilleur capital pour la France que son image de patrie des droits de l'Homme. C'est donc un devoir essentiel pour notre pays que d'être exemplaire, en mettant fin, par exemple, au scandale de nos lieux de détention indignes d'une démocratie, et en donnant aussi aux plus défavorisés de nos concitoyens les moyens d'assurer leur défense.

Lexbase : Quel est le combat le plus pressant pour l'association aujourd'hui ?

François Cantier : Nous avons plusieurs fronts d'urgence sur lesquels nous devons être simultanément actifs.

D'abord la défense de cas individuels comme celui de Sakineh en Iran.

Ensuite celle de victimes de crimes tels ceux commis au Cambodge par les Khmers Rouges.

Enfin le renforcement des défenseurs des droits de l'Homme, souvent avocats, pour qu'ils cessent d'être la cible de pouvoirs ou de groupes qui visent à asservir leur peuple.

Mais nous ne pourrons avancer dans ces combats qu'avec le soutien matériel et moral de l'opinion publique et donc de toux ceux pour qui le crime et l'injustice n'est pas une fatalité.

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