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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 04 Janvier 2011
Michèle André : Nous sommes très critiques. La Délégation aux droits des femmes avait travaillé sur ces questions et regrette cet amendement. En effet, les femmes, devant s'arrêter de travailler pour élever des enfants, ne peuvent souvent avoir de carrière linéaire. Pour avoir ainsi participé à l'avenir de la France, les enfants étant eux-mêmes de futurs cotisants, nous aurions souhaité que, dès le premier enfant, les femmes puissent bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans sans décote. Il en va, de même, pour les personnes ayant dû s'arrêter, en raison d'un enfant ou d'un parent malade. Travailler deux ans de plus pour ces femmes, de 65 ans à 67 ans, n'est pas acceptable. Les femmes ont, en moyenne, une retraite de 1 020 euros, les hommes de 1 636 euros. Aujourd'hui, les femmes s'arrêtent de travailler plus tard à 61,5 ans tandis que les hommes s'arrêtent à 59,5 ans. Les inégalités existent déjà.
Nous sommes également critiques sur l'origine de cet amendement. Il est choquant qu'il soit venu directement de l'Elysée, nous aurions préféré qu'un sénateur, voire le Président du Sénat le propose.
Lexbase : Le problème du temps partiel touchant particulièrement les femmes, vous préconisez un calcul des pensions sur les 100 meilleurs trimestres au lieu des 25 dernières années ainsi qu'une incitation des personnes à recourir au droit en vigueur de surcotiser. Vous souhaitez également une réflexion sur des mécanismes permettant aux couples, qui font l'objet d'une imposition commune, d'acquérir des droits à la retraite communs et de les partager équitablement, en cas de séparation. Pouvez-nous en dire plus ?
Michèle André : Concernant les 100 meilleurs trimestres, cet amendement n'a pu être présenté, la Commission des finances ayant fait joué l'article 40 de la Constitution (N° Lexbase : L1301A93). Les carrières discontinues auraient pu être favorisées car il arrive que des trimestres soient parfois plus intéressants, plus rémunérateurs que d'autres.
Concernant le droit en vigueur de surcotiser, un amendement a été adopté afin d'améliorer l'information des cotisants sur cette possibilité, information à la charge des employeurs et des caisses. Une information, effectuée par les juges ou les caisses, a été, également, mise en place pour le partage équitable des droits à la retraite à la suite d'une séparation.
Je souhaiterais avancer sur la notion de droit propre, c'est-à-dire des cotisations propres pour celui qui doit s'arrêter de travailler pour élever des enfants et qui souffre donc d'une absence de revenus. Il faut sortir de la notion d'ayant-droit. Peut-être que, si un ministre ou un parlementaire restait, plus souvent, à la maison sans revenus et cotisations, les mentalités évolueraient...
Lexbase : Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a souligné des écarts significatifs entre hommes et femmes. La délégations aux droits des femmes et la Halde regrettent le manque d'efficacité de la loi du 23 mars 2006 (loi n° 2006-340, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L8129HHK). Que préconisez-vous pour parvenir à une égalité professionnelle et salariale ?
Michèle André : L'article 31, visant à assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en sanctionnant, notamment, l'employeur d'une pénalité lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle, a été voté hier (le 19 octobre 2010). Il est, très surprenant, d'insérer un tel article dans les discussions relatives à la réforme des retraites. Le Gouvernement parle, toujours, de sanctions. Les dispositifs existent, il faut, simplement se donner les moyens de les faire respecter. Il faut un ministre volontaire pour porter ces questions, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement. Des démarches sont portées par des individus isolés mais un investissement au plus haut niveau est indispensable.
Certains pays ont fait le choix, tant que demeurent des écarts salariaux importants entre hommes et femmes, de maintenir une "discrimination positive" à l'égard des femmes. La Cour de justice de l'Union européenne ne peut rejeter cet argument, justifié par des critères objectifs et pertinents. Le Gouvernement français n'adopte pas cette évidence et a, actuellement, une considération traditionnelle de cette question. Il est, d'ailleurs, regrettable, qu'il n'y ait plus de ministre rattaché à la question de l'égalité homme/femme. C'est une régression considérable qui ne touche pas que les questions salariales. Le Gouvernement a mis un an pour reconstituer l'Observatoire de la parité, un outil performant permettant de mettre à plat les discriminations. La réforme territoriale revient, également, sur la question de la parité dans les conseils généraux. Sous la Présidence de Valérie Giscard d'Estaing et de François Mitterrand, existait un ministère en charge du Droit des femmes. On assiste, actuellement, à un véritable désert politique pour les femmes, c'est une question qui va au-delà du monde du travail.
(1) Sur ce point voir le reportage diffusé sur la chaîne Public Sénat.
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