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par L'Association française des juristes d'entreprise
le 27 Mars 2014
Sandra Lagumina : Le changement climatique, la pression sur les ressources en eau et la maîtrise de l'énergie sont au coeur de la stratégie du groupe. C'est la raison pour laquelle nous privilégions un développement industriel qui s'appuie sur des technologies sobres en CO2, telles que le nucléaire, les turbines gaz à cycle combiné, et bien sûr les énergies renouvelables, dans lesquelles nous avons investi un milliard d'euros en 2008. Avec 38 % d'électricité produite sans CO2, notre parc de production est l'un des plus propres d'Europe. Par ailleurs, tout nouveau site fait l'objet de mesures des impacts sur l'environnement de sa conception jusqu'à son arrêt définitif voire bien au-delà comme on le constate avec les anciennes usines à gaz par exemple.
AFJE : Quel est le rôle du service juridique dans l'action du groupe en faveur de la protection de l'environnement ?
Sandra Lagumina : Bien évidemment, nous devons tout d'abord interpréter, expliquer aux collaborateurs et faire respecter les textes réglementaires d'une grande complexité : au niveau européen, les directives environnementales (IPPC, sur l'eau, l'air ambiant et la responsabilité environnementale), le Règlement "REACH" (Règlement (CE) n° 1907/2006 du 18 décembre 2006, du Parlement européen et du Conseil, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances N° Lexbase : L0078HUG), mais aussi des Directives sectorielles ou spécifiques comme "SEVESO" (Directive (CE) 96/82 du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses N° Lexbase : L7868AUX)et sur le plan national, les règles de notre Code de l'environnement et les textes du "Grenelle". Nous participons également à la réflexion sur l'évolution de ces textes. Enfin, certains des contentieux ayant trait à ces matières demeurent gérés directement par la direction juridique centrale à la fois pour des raisons historiques et parce que ces contentieux nécessitent souvent un suivi sur plusieurs années.
AFJE : En matière d'environnement, quel sont les contentieux que vous gérez ?
Sandra Lagumina : Le principal risque en matière de gaz naturel a trait au risque d'explosion et aux dramatiques conséquences sanctionnées au pénal. Notre priorité est la protection des personnes. Nous sommes, en revanche, moins concernés en raison des caractéristiques de la molécule de gaz par les dommages de pollutions au sens environnemental du terme. En revanche, nous sommes très attentifs aux atteintes au voisinage de nos sites industriels : pollution sonore ou visuelle par exemple. Sur le sujet particulier de la dépollution, notre démarche a été très volontariste dans la remise en état des anciennes usines à gaz pour lesquelles nous avions passé une convention avec l'Etat. Notre responsabilité administrative demeure en tant qu'ancien exploitant pendant 30 ans après la cessation d'activité et quoi qu'il en soit, nous assumons notre responsabilité en tant que propriétaire initial des sites. Nous devons donc être organisés de manière à gérer le long-terme ces dossiers et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de conserver cette compétence de contentieux au même titre que nous avions gardé les contentieux liés à l'amiante.
AFJE : En matière d'énergie, l'anticipation des changements de modes de consommation est une question de survie financière pour les entreprises énergétiques. Quel rôle joue la direction juridique ?
Sandra Lagumina : L'anticipation de la demande en énergie est évidemment cruciale. Elle nous conduit à transformer en profondeur la structure de l'entreprise, à réinventer continuellement nos offres et à adapter notre sourcing en amont. Pour une entreprise énergétique dont le marché historique est le gaz naturel, comprendre la transformation de la perception des énergies par la société est, en effet, essentiel. Aujourd'hui, une chose est sûre : nous ne pouvons nous contenter de commercialiser une seule énergie. Il faut désormais proposer de l'électricité produite sous toutes ses formes : l'éolien, le photovoltaïque, l'hydroélectrique, le nucléaire etc.
Le rôle de la direction juridique est d'accompagner ces transformations en amont, d'anticiper sur les nouvelles réglementations et de faire du droit un instrument comme les autres au service de l'évolution de l'entreprise. Le rôle de la direction juridique n'est donc pas seulement curatif mais également préventif sur l'évolution du cadre réglementaire de l'activité de l'entreprise.
AFJE : Vous êtes donc en quelque sorte chargés d'accompagner la redéfinition du modèle énergétique du groupe...
Sandra Lagumina : Incontestablement. Encourager nos équipes commerciales à préconiser auprès des clients des réductions de consommation d'énergie entraîne non pas une évolution mais une révolution des mentalités. Faire du développement durable c'est aussi cela : transformer la contrainte en opportunités, prendre ces défis comme éléments de croissance et de compétitivité. Il en va de même quand nous accompagnons les évolutions structurelles de l'entreprise.
AFJE : Mais, concrètement, quel est votre rôle dans cette démarche de développement durable ?
Sandra Lagumina : C'est une démarche globale soutenue au plus haut niveau de l'entreprise. Quelques exemples concrets. La direction juridique va créer les outils et agir en support de la direction DD placée au sein de la direction de la stratégie. Elle va également, avec la direction des achats des cahiers des charges stricts et respectueux de l'environnement par nos fournisseurs. Nous travaillons aussi avec un réseau de déontologues internes qui se révèlent être pour la plupart des juristes pour toute question délicate ou éthique et notre département sera consulté sur certains accords d'intermédiaires commerciaux ou sur les politiques d'embargos par exemple.
(1) Après une première expérience comme auditeur et maître de requêtes au Conseil d'Etat, Sandra Lagumina devient conseiller technique et juridique du Président de l'Assemblée nationale. Elle est, ensuite, chargée du droit de la concurrence et de la commande publique au cabinet du ministre de l'Economie et de Finances. De 2002 à 2005, elle est sous-directeur à la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Elle intègre en 2005 le Groupe Gaz de France en tant que directeur adjoint de la Direction de la stratégie et devient directeur juridique du groupe Gaz de France en février 2007. Depuis juillet 2008, elle est directeur juridique corporate du groupe GDF SUEZ.
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