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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 03 Mars 2011
Lexbase : Quels sont vos parcours respectifs ? Quelles motivations vous ont poussés à présenter ce ticket ?
Catherine Paley-Vincent : Bien que je sois issue d'une famille médicale, je me suis passionnée pour le droit très tôt, car j'y trouvais une ouverture d'horizons nouveaux. Et pour moi, qui dit droit a vite dit avocat. J'ai débuté ma vie professionnelle au sein du cabinet de François Sarda, spécialisé dans le contentieux, avant d'intégrer, dix ans après, une structure de droit des affaires intégralement consacrée au conseil. Ce partenariat complètement avant-gardiste à l'époque et que certains qualifiaient de "contre-nature", dure depuis maintenant plus de trente ans !
Au sein du cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent, j'interviens dans le contentieux des affaires et ma "niche" personnelle est le droit de la santé, ce qui me vaut une très bonne connaissance de l'Ordre des médecins, officiant auprès cette branche depuis le début de mon expérience professionnelle. Je me suis, également, naturellement rapprochée de l'Ordre des avocats, jusqu'à m'y associer pleinement depuis maintenant vingt ans.
J'ai, d'abord, été élue Premier secrétaire de la Conférence, merveilleuse introduction à l'Ordre et au Palais. Une telle fonction privilégie nécessairement l'observation des différentes instances de la profession, au sein du barreau. J'ai, aussi, rapidement dispensé des cours à l'Ecole de formation du barreau et j'ai siégé au sein de son conseil d'administration.
En 1989, j'ai été élu membre du conseil de l'Ordre, pour trois ans. Sous le Bâtonnat d'Henri Ader, j'ai présidé pendant deux ans la commission de déontologie. Dès la fin de ces fonctions, en 1992, je suis entrée au Comité éthique du barreau de Paris que venait de créer le Bâtonnier Flécheux. En succession de Geneviève Augendre, j'en ai assuré la présidence pendant sept ans.
Ce parcours devait me mener jusqu'au CNB où j'ai siégé de 1996 à 1999, participant, toujours sous la houlette du Bâtonnier Ader, à la passionnante commission des règles et usages. Pensez qu'il s'agissait d'écrire ce qui est devenu, aujourd'hui, le règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8).
Je "baigne", ainsi, depuis des décennies, dans les problématiques liées aux professions libérales, à leurs structures et à leur déontologie. Quand Pierre-Olivier Sur m'a proposée de former un "tandem" dans le cadre des prochaines élections au Bâtonnat de Paris, je n'ai pas hésité longtemps, d'autant que je savais que notre duo fonctionnait très bien pour avoir collaboré avec lui plus de sept ans au sein du comité éthique. Nos valeurs, notre conception de la profession et de son avenir nous rapprochent fondamentalement. Ce "ticket" est la suite logique de notre amitié et ce que nous avons réciproquement accompli jusqu'à présent.
Pierre-Olivier Sur : Mon père était avocat civiliste. C'est à lui que je dois mon engagement professionnel. Après avoir collaboré à ses côtés pendant deux ans, j'ai souhaité me "construire" seul -je n'ai pas récupéré un client ou un dossier de son cabinet- et intégrer une structure résolument moderne, au sein de laquelle il me serait possible de développer un pôle de droit pénal des affaires. Le cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés. Je dois ajouter le souvenir de ma première expérience professionnelle, qui a duré cinq ans et que je n'oublierais jamais : Olivier Schnerb...
Parallèlement, je me suis tout de suite impliqué dans la vie de la profession. D'abord douzième secrétaire de la Conférence du stage en 1990, j'ai été élu en 1999 membre du conseil de l'Ordre sous le bâtonnat de Dominique de la Garanderie (c'est d'ailleurs en hommage à sa personne et à ce qu'elle représente que j'ai décidé de lancer ma campagne par un article consacré aux femmes, qui a été publié par Les Annonces de la Seine le 11 mai 2009). Et depuis 20 ans, je fais partie de la commission permanente de l'UJA.
Sous le bâtonnat de Francis Teitgen, j'ai été secrétaire de la commission économique et sociale présidée par le Bâtonnier Lafarge qui m'avait demandé de réfléchir à la mise en place d'une assurance perte d'emploi pour les jeunes collaborateurs, tandis qu'à l'époque le problème de requalification ne se posait pas vraiment et que Philippe Lafarge s'inscrivait là en visionnaire, voire en "Cassandre" de la profession... J'ai aussi dirigé le comité de réécriture du règlement disciplinaire de l'Ordre, afin de mettre en place une procédure disciplinaire conforme aux exigences posées par la CEDH. Après ma sortie du Conseil, j'ai assumé les fonctions de juge disciplinaire pendant neuf ans tout en intégrant le comité d'éthique présidé par une certaine...Catherine Paley-Vincent.
Lexbase : Dans le cas où vous seriez élus, quelle serait la clef de répartition entre vous ?
Pierre-Olivier Sur et Catherine Paley-Vincent : Vraisemblablement, nous fonctionnerons selon le même schéma que le ticket actuel constitué de Jean Castelain et Jean-Yves Le Borgne, à savoir, un véritable co-bâtonnat. C'est, d'ailleurs, de cette façon que nous nous présentons aux confrères. Nous sommes tous deux sur la même longueur d'ondes, très complices et nos profils sont complémentaires.
Lexbase : A la tête du plus grand barreau de France, quelles seraient vos priorités ?
Pierre-Olivier Sur et Catherine Paley-Vincent : D'abord faire la synthèse entre "les avocats d'affaires" et le reste du barreau. Il y a toujours eu une fracture entre toutes les conditions d'exercice, mais il y a longtemps eu une unité caractérisée par un sentiment d'appartenir ensemble à une seule et même profession d'avocat. Il ne faudrait pas que les extrêmes tensions économiques et financières du moment fragmentent définitivement la profession.
Pour assurer la pérennité des cabinets et l'esprit entrepreneurial indépendant d'avocat, il faut sauver le contrat de collaboration libérale. Pour ce faire, il faut donner des gages aux magistrats, tentés de le requalifier. Cela passe par une assurance perte de collaboration obligatoire pour bénéficier d'un effet d'économie d'échelle et marquer la solidarité de la profession, car les primes devront être prises en charge par le collaborateur, le patron et l'Ordre. Ce produit d'assurance -qui est prêt à fonctionner après avoir été mis en place par des actuaires- est en ligne sur notre blog www.poscriptum.fr. Il faut aussi engager une réflexion plus large sur les critères de la collaboration libérale tels que définis à l'article 14.1 du Code de déontologie et réfléchir à un meilleur accompagnement de la relation collaborateur/cabinet par l'Ordre, qui ne doit pas se contenter de valider le premier contrat, mais qui doit, aussi, valider un entretien au bout de 3 à 5 ans de collaboration qui apportera au collaborateur une transparence sur son avenir dans la structure.
La pérennité économique et financière des cabinets dont l'activité principale est la défense des personnes physiques passe par une réforme fiscale aux fins d'obtenir que les personnes physiques bénéficient comme les personnes morales de la déductibilité de l'honoraire et de la récupération de la TVA. A défaut, il y a, en cas de procès entre une personne physique et une personne morale une "rupture d'égalité des armes ", donc un hiatus entre le dispositif fiscal actuel et les textes ayant valeur supérieure en termes d'organisation du procès équitable. Nous avons donc déposé une requête au Conseil d'Etat et une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par Philippe Derouin, Jérôme Turot, Eléonore de Galard, Didier Barsus et Patrick Michaud qui pilotent ce dossier pour notre campagne. La QPC est disponible sur notre site www.poscriptum.fr.
La pérennité économique et financière des cabinets français de moyenne et grosse structures passe par la mise en place d'un coefficient multiplicateur aux fins de leur permettre d'être, eux aussi à égalité des armes, avec les cabinets anglo-américains qui profitent de leur réseau monde. Quel coefficient multiplicateur ? L'avocat en entreprise, les structures interprofessionnelles avec holding de participation, et pourquoi pas un financement extérieur au bénéfice de celles-ci.
Et concernant les cabinets anglo-américains, il faut considérer qu'ils sont en réalité tous (ou quasiment tous) français par les associés et les collaborateurs qui les composent et intégrer qu'il n'y a pas une guerre, mais une compétition qui doit placer Paris au niveau des autres capitales mondiales du droit.
Enfin, nous concevons la fonction de Bâtonnier comme s'il s'agissait d'une ambassade au nom des libertés publiques. Lorsque la ressortissante française Clotilde Reiss comparaît sans avocat, sous l'oeil de toutes les télévisions du monde, devant un tribunal de la République islamique d'Iran, il faut que le Bâtonnier de Paris, ou l'un de ses délégués soit à ses côtés.
A l'heure des réflexions sur la réforme de la procédure pénale, il faut saluer le rôle de lobbying qui a été celui de l'Ordre de Paris sur la question du blanchiment et les dispositions relatives aux cabinet d'avocats qui, grâce au Bâtonniers Repiquet et Charrière-Bournazel, sont pour ainsi dire exclus du dispositif d'obligation de soupçon. Un même lobbying doit être exercé pour la présence de l'avocat en garde à vue.
A cette fin, nous avons créé en novembre 2009, avec Francis Teitgen et Fabrice Orlandi, l'association Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat (1). Notre première action a été de rédiger et de diffuser un modèle de conclusions de nullité de procédure. Ces conclusions sont à la disposition de tous nos confrères, sur le site de l'association (www.jeneparleraiquenpresencedemonavocat.fr et www.abolir-gardeavue.fr). Une telle mise à disposition open source, d'arguments de nullité de procédure, est assurément une première au barreau de Paris. Et mécaniquement, les premières nullités de procédure ont été prononcées par différentes juridictions correctionnelles. Nous avons aussi fait une pétition qui a réuni plus de 1 000 confrères, et déposé deux propositions de loi : une à l'Assemblée Nationale, une au Sénat.
Lexbase : Le ticket "Féral-Schuhl/Martinet" communique beaucoup, dans le cadre de sa campagne, sur les nouvelles technologies. Quelle place pensez-vous qu'il faille faire à celles-ci dans l'exercice de la profession d'avocat ?
Pierre-Olivier Sur et Catherine Paley-Vincent : Les nouvelles technologies sont un moyen et non un but. Il n'y a pas un avocat au barreau de Paris qui ne souhaite la numérisation tous azimuts des procédures aux fins d'aider à la dématérialisation et d'éviter tant et tant de manipulations ou démarches inutiles. A ce titre, le RPVA est, au moins pour le barreau de Paris, en bonne voie de développement.
Plus de 500 confrères ont téléchargé nos conclusions de nullité (GAV) et notre QPC (égalité des armes) via poscriptum ! Voila comment nous utilisons, d'ores et déjà, les nouvelles technologies comme moyen évident de progrès.
Lexbase : Pour vous, que représente l'Ordre ?
Pierre-Olivier Sur et Catherine Paley-Vincent : A nos yeux, l'Ordre est une institution politique, qui envisage la profession dans l'avenir.
Mais, l'Ordre est aussi et avant tout, un soutien fort pour l'avocat, en cas de difficulté. Il assume, parallèlement, une fonction de contrôle et de discipline indispensable. Il rallie tous les confrères, qu'ils soient spécialisés dans le conseil ou le contentieux. Enfin, le barreau de Paris bénéficie d'un rayonnement national et international puissant. Nous avons pour vocation d'y participer, et de tenter de le renforcer.
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