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N8025BDL
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Petit retour en arrière. La quadrature du cercle était de faire accepter au vieux pays, dont toute l'Histoire moderne -c'est-à-dire depuis la fin du Moyen-âge- est l'oeuvre d'une centralisation emprunte de déconcentration, non pas la décentralisation en elle-même, principe accepté depuis la loi "Defferre" de 1982, mais son efficience et son efficacité. Il s'agit non seulement d'accepter, pour le peuple, comme pour ses dirigeants, les résultats positifs de ce mouvement de décentralisation, mais aussi d'en tirer toutes les conséquences pour une meilleure administration. Les lois des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 répartissant les compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, et instaurant le transfert de ressources, s'avérant insuffisantes, par son "Acte II", le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République française, posait le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales -bras financier de la décentralisation- et incluait les termes "région" et "décentralisation" dans la Constitution -gravant dans le marbre la régionalisation de l'Etat-. Aux termes de l'article 2 de la Constitution, "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale [...] Son organisation est décentralisée". On aura donc pris soin de gommer la notion "d'Unité de la République", principe qui contrevenait quelque peu au mouvement de décentralisation orchestré depuis plus de vingt ans. Mais, force est de constater que cette loi constitutionnelle n'a pas porté les fruits escomptés, tant les conflits de compétence et de péréquation financière ne cessent de s'accentuer. Or, avant d'enclencher un "troisième Acte" à la politique de décentralisation, encore convenait-il de dresser le bilan de la complémentarité Etat-collectivités territoriales et des mécanismes en vigueur.
Et Christophe de Bernardinis, Maître de conférence à l'Université de Metz, de développer, cette semaine, les principaux points de ce rapport : où il est question de clarifier les compétences des différents acteurs, voire de confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence ; d'alléger les contraintes normatives pesant sur collectivités locales ; d'assainir les relations financières de ces mêmes collectivités avec l'Etat, mais sans normes indicatives des dépenses ; et d'encourager la mutualisation des services communaux et intercommunaux.
"La sphère politique régionale est une réalité institutionnelle d'une grande utilité en tant que niveau subétatique de gouvernement dans une majorité d'Etats membres du Conseil de l'Europe, dans la mesure où la région, pour des raisons de superficie et de proximité, est le niveau idéal pour l'exercice de la gouvernance". L'Assemblée parlementaire de l'Union européenne invite donc les Etats membres à "utiliser cette voie pour résoudre les problèmes de structure institutionnelle et [à] répondre aux revendications des régions ayant une ambition nationale, afin de leur accorder un degré satisfaisant d'autonomie en tant qu'instrument de leur réalisation politique, en coopération avec le gouvernement et les autres institutions de l'Etat et, le cas échéant, avec celles de l'Union européenne". L'Etat français, si réticent à lâcher quelque bribe de ses pouvoirs régaliens, n'a plus qu'à se préparer au prochain acte de sa décentralisation et à accrocher sa ceinture : les collectivités territoriales acquerront progressivement, mais résolument, une stature étatique, prétendant discuter et s'imposer dans le concert normatif européen, au mépris des règles gouvernant traditionnellement les relations étrangères. Au final, pour ne pas froisser l'Europe des Etats, tout en parachevant l'intégration européenne, les institutions communautaires auront pris soin de contourner les frontières en s'adressant directement aux régions de ces mêmes Etats, avides de reconnaissance et de particularismes sans grandes conséquences sur l'harmonisation européenne. "La vieille Europe ; elle ne revivra jamais : La jeune Europe offre-t-elle plus de chances ?" écrivait François René de Chateaubriand, dans ses Mémoires d'outre-tombe, à l'aube du Congrès de Vienne où se redessinait, au jour le jour, le visage de l'Europe moderne.
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