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N7019BG3
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Par trois Directives de 1980, 1991 et 2006, l'Union européenne a imposé un important arsenal normatif visant essentiellement à la reconnaissance mutuelle du permis de conduire par tous les Etats membres. Concrètement, la transposition de ces Directives est à l'origine du fait que nous puissions partir en congés estivaux dans un autre pays de l'Union, tout en arborant notre acte administratif unilatéral national nous autorisant à conduire, en principe, sur le seul territoire de l'Etat de notre résidence normale ! Bien entendu, les enjeux d'une telle reconnaissance mutuelle s'avèrent plus importants, lorsqu'il s'agit de travailleurs transfrontaliers, ou de favoriser, plus largement, la mobilité professionnelle au sein de l'Union.
Mais une fois ce principe édicté, deux questions ne pouvaient manquer de se poser : la première est celle de la reconnaissance des déchéances du droit de conduire par un Etat membre ; la seconde, celle de la caractérisation de la résidence normale du conducteur. C'est précisément sur ces deux questions que la Cour de justice des Communautés européennes s'est prononcée le 26 juin dernier. Et son dispositif, sans être surprenant, emporte des applications pratiques non négligeables à la faveur des citoyens conducteurs.
D'une part, un Etat membre ne peut pas refuser de reconnaître l'attribution d'un permis de conduire par un autre Etat membre, lorsque cette attribution a été faite selon les normes de l'Etat de délivrance, quand bien même ces normes ne correspondraient pas à celles de l'Etat où souhaite conduire le titulaire du permis, et quand bien même ce titulaire aurait fait l'objet d'un retrait de permis antérieur dans ce même Etat membre. Mais, d'autre part, pour que cette reconnaissance soit parfaitement opérationnelle, encore faut-il que le titulaire du permis de conduire ait bien eu sa résidence normale dans l'Etat de délivrance ; aussi, un Etat membre peut s'opposer à la validité de ce permis de conduire, lorsque cet acte ne mentionne pas l'Etat de délivrance comme Etat de résidence du conducteur.
L'ensemble de ce dispositif s'avère donc parfaitement cohérent et conforme à son objectif principal de faciliter la libre circulation, sans heurter les lois de police nationales et la sécurité routière. "Il n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance" écrivait La Bruyère. Mais en aucun cas, la reconnaissance mutuelle ne doit conduire à un "tourisme du permis de conduire". Pour autant, comme le souligne Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV, cette semaine, dans nos colonnes, il n'est toujours pas admis qu'un Etat membre caractérise directement la résidence du citoyen conducteur dans un autre Etat membre et, notamment, l'Etat de délivrance du permis. On toucherait ainsi au contrôle du centre des intérêts personnels et professionnels du citoyen, fondamentaux de la territorialité juridique chère à chaque Etat.
Il reste que le permis de conduire européen, prévu à l'horizon 2012, sera le bienvenu et permettra de renforcer l'harmonisation européenne sur ce sujet délicat, qui rappelons le touche, en principe, à un fonction régalienne : autoriser ou non un citoyen à circuler librement et, notamment, en voiture, sur son territoire ; acte administratif unilatéral et loi de police obligent donc à la prudence normative. Ainsi, les conditions de délivrance et de validité seront communes à l'ensemble des Etat : feu la reconnaissance mutuelle du permis de conduire.
Plus d'un siècle (1889) après le premier examen de conduite automobile sur tricycle à vapeur, l'obtention du permis de conduire sera-t-elle le fruit d'un examen communautaire ? Un examen transnational : une première du genre.
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