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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 07 Octobre 2010
Par un attendu de principe, la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 décembre 2007, rappelle que les copropriétaires, tenus de participer aux charges de copropriété en application des dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 (loi n° 65-557, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L5536AG7), ne peuvent refuser de payer ces charges en opposant l'inexécution de travaux décidés.
En l'espèce, un syndicat des copropriétaires de la résidence avait assigné des copropriétaires en paiement d'un arriéré de charges de copropriété qu'ils refusaient d'acquitter en invoquant l'inexécution de travaux de rénovation que l'assemblée générale des copropriétaires avait décidés cinq ans avant l'acquisition de leurs lots et que le syndicat n'avait pas réalisés. Condamnés au paiement, les copropriétaires se sont pourvus en cassation en faisant, notamment, valoir que le défaut de mise en oeuvre, par le syndicat des copropriétaires, de travaux de rénovation des parties communes votés par l'assemblée générale, fonderait tout copropriétaire à suspendre le paiement des charges de copropriété lui incombant. Selon les copropriétaires, la seule exception résiderait en l'administration de la preuve par le syndicat d'un empêchement légitime justifiant l'inexécution.
La Cour de cassation rejette leur pourvoi au visa des dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 imposant à chaque copropriétaire de payer ses charges (notamment, son article 10 N° Lexbase : L4803AHD). Elle refuse, ainsi, d'admettre un principe d'exception d'inexécution fondant les copropriétaires à se soustraire à l'obligation du paiement des charges de copropriété.
Cette solution n'est pas nouvelle, plusieurs juridictions du fond ayant déjà interdit aux copropriétaires de se prévaloir d'un tel moyen de défense. Dans un arrêt du 10 juillet 2007, la Cour de cassation a posé pour la première fois ce principe (Cass. civ. 3, 10 juillet 2007, n° 06-12.576, Société civile immobilière (SCI) Pat Ric, F-D N° Lexbase : A2980DXN). Néanmoins, la solution semblait limitée puisque la Cour prévoyait l'hypothèse de l'administration de la preuve par le copropriétaire de l'existence d'un préjudice lié à la non réalisation des travaux.
Dans l'arrêt commenté, la solution apportée par la Cour de cassation a une portée plus générale (aucune référence n'étant faite à l'éventuel préjudice du copropriétaire) et semble devoir s'appliquer quel que soit le motif d'inexécution invoqué par le copropriétaire récalcitrant.
Dans un arrêt du 9 janvier 2008, la Cour de cassation précise que la libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement du locataire à l'obligation de jouissance paisible.
En l'espèce, le locataire d'un appartement appartenant à une société d'HLM avait, par courrier du 10 mai 2003, donné congé à la bailleresse pour le 1er juillet 2003, date à laquelle il avait effectivement libéré les lieux. Postérieurement à son départ et antérieurement au 19 août 2003, date d'expiration du délai de préavis, des "squatters" s'étaient installés dans les lieux. Le locataire qui avait été averti en avait alors avisé la bailleresse. Il s'était acquitté des loyers jusqu'au 19 août 2003. La bailleresse l'avait alors assigné en paiement de loyers échus postérieurement.
Les juges du fond avaient accueilli cette demande. Ils considéraient, en effet, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH), le preneur est tenu, notamment, d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée. Il doit, à l'issue du bail, rendre le local libre de tout bien ou tout occupant de son chef. Plus spécifiquement, les juges considéraient que le locataire avait gardé la jouissance exclusive de l'appartement jusqu'au 19 août 2003 et n'avait donc pas satisfait à son obligation d'occuper le logement jusqu'à son terme et de le rendre libre de tous occupants. En conséquence, il devrait s'acquitter des loyers réclamés par la bailleresse.
La Cour de cassation censure ce raisonnement pour défaut de base légale, la cour d'appel n'ayant pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'intrusion des "squatters" dans le logement ne constituait pas un cas de force majeure ayant fait obstacle à sa restitution libre de toute occupation.
Il résulte de l'article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L4411AHT) que le locataire est obligé de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement.
Il semble que la Cour de cassation étende, dans l'arrêt commenté, la portée de cet article -qui ne vise que l'obligation de principe du locataire de répondre des dégradations et pertes-. En effet, pour se défendre d'avoir manqué à son obligation de jouir paisiblement des lieux et donc de les occuper effectivement pendant la durée du bail (obligation prévue à l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989), le locataire semble désormais pouvoir opposer l'hypothèse d'une force majeure, visée expressément à l'article 7 c). En tout état de cause, et comme le précise l'arrêt, la libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement à l'obligation de jouissance paisible.
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