La lettre juridique n°290 du 31 janvier 2008 : Éditorial

Régulation au pays de la spéculation : une histoire aussi de petits commerces de proximité

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


L'article 58 de la loi "Dutreil" du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui instaure un droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux, longtemps mis à l'Index, renaît de ses cendres à la faveur de la publication, plus de deux ans plus tard, de son décret d'application au Journal officiel du 28 décembre 2007, que nous propose d'étudier, cette semaine, Julien Prigent, Avocat au Barreau de Paris, Directeur scientifique de notre Guide juridique Baux commerciaux.

Désormais, les maires disposent du mode d'emploi pour exercer le droit de préemption institué en faveur des communes, qui leur faisait tant défaut aux fins de protéger la diversité du commerce de proximité, au point, comme à Paris, de risquer la censure du juge administratif en créant un dispositif de protection du commerce et de l'artisanat par le biais du plan local urbain, plutôt que d'attendre la publication retardée du décret d'application. Le tribunal administratif de Paris, dans un jugement en date du 2 août 2007, considérait, en effet, que le mécanisme de protection de la ville visant à protéger la diversité commerciale portait atteinte au droit de propriété.

Mais pourquoi donc risquer les fourches caudines judiciaires, porter atteinte au droit de propriété et à la libre concurrence, et anticiper le décret d'application de ce droit de préemption salvateur ? Parce que "l'histoire du commerce est celle de la communication des peuples" écrivait Montesquieu. On touche là un point névralgique de la cohésion sociale : vider les centres villes de leur diversité commerciale, au profit d'un monolithe "banques et assurances", sur fonds de spéculation sur les prix du marché, n'emporte pas l'adhésion des élus locaux, soucieux des équilibres commerciaux et, ce faisant, démographiques.

La liberté contrainte par l'exercice de ce droit de préemption ? Le maire régulateur du tissu commercial de son centre-ville ? "Le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant, proportion gardée" écrivait Voltaire dans ses Lettres philosophiques : "plus libre" ne veut-il pas dire plus diversifié ? Car la liberté s'exerce-t-elle sur fond d'exode commercial ?

C'est pour la protection de la liberté commerciale, justement, que ce décret oeuvre, plus comme une épée de Damoclès, que pour contrôler, chaque jour, les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux. La spéculation, lorsqu'il est possible d'exercer un droit de préemption à son encontre, devrait se voir ainsi, plus volontiers, contingentée.

Reste à savoir quel sera le sort des dispositifs mis en place par les communes non attentistes ; comme le souligne l'Association des maires de France, le décret n'en souffle mot. Tout comme il reste silencieux sur le caractère simplement consultatif ou non de l'avis émis par les Chambre de commerce et d'industrie sur les projets de délibération en faveur de l'exercice du droit de préemption qui leur sont soumis.

Le plus amusant, c'est que "l'homme rapproche les espaces par le commerce et les temps par le crédit", d'après Rivarol. Il y a donc bien un moyen de concilier l'espace et le temps, essence du mouvement, en centre-ville, non ?

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