Réf. : Cass. civ. 1, 12 juillet 2007, n° 06-10.362, Mme Irène Perret, épouse Mol, FS-P+B (N° Lexbase : A2963DXZ)
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N2984BCI
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 07 Octobre 2010
La cour d'appel n'a pas fait droit à ses prétentions. Elle relève que l'absence de signature de l'acte du 5 juillet 1975 ne le rendait pas nul pour autant dans la mesure où, précisément, l'acte rectificatif du 8 janvier 1976, qui faisait un tout avec le premier puisqu'il le précisait, révélait qu'une erreur matérielle avait été commise dans le document initial.
En réalité, précise la cour d'appel, ce qu'avaient accepté les époux non signataires du document initial en apposant leur signature sur le second document, faisait qu'il n'était pas nécessaire qu'ils interviennent dans le premier acte et le signent puisqu'ils n'y étaient pas parties.
La Cour de cassation censure l'arrêt rendu par la cour d'appel de Chambéry au visa des articles 1317 du Code civil (N° Lexbase : L1428ABI), 11 et 23 du décret du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires dans leur rédaction alors applicable (décret n° 71-941 N° Lexbase : L8530HBK).
Elle indique que l'acte de vente passé le 5 juillet 1975, n'étant pas signé par l'un des couples partie à l'acte comme acquéreurs indivis, est, comme celui qui le rectifie, nul, de nullité absolue.
Cet arrêt rappelle le principe de nullité des actes authentiques non signés par l'ensemble des parties contractantes. Cette solution n'est pas nouvelle (voir, notamment, Cass. civ. 1, 6 juillet 2004, n° 02-13.237, Société Union bancaire du Nord c/ Société civile professionnelle (SCP) Eric Lemoine et Anouk El-Andaloussi, FS-P+B N° Lexbase : A0203DDU, Bull. civ. I, n° 201).
La nullité encourue est une nullité absolue (voir, dans le même sens, Cass. civ. 1, 2 juin 1993, n° 91-14.591, M. Asdrubal et autre c/ Mme David et autres N° Lexbase : A3652ACA, Bull. civ. 1, n° 196). Elle peut, donc, être invoquée par toute personne y ayant un intérêt dans un délai de trente ans : la prescription abrégée de cinq ans prévue par l'article 1304 du Code civil (N° Lexbase : L1415ABZ) a, en effet, été écartée par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 29 novembre 1989, n° 88-13926, M. Simon c/ M. Litvinoff, publié N° Lexbase : A5096CKX, Bull. civ. I, n° 368).
La nullité d'un titre authentique résultant du défaut de signature de l'une des parties affecte l'ensemble des conventions qu'il renferme (Cass. civ. 1, 10 mai 2005, n° 03-20.769, FS-P+B N° Lexbase : A2282DID, Bull. civ. I, n° 207) : la nullité d'un acte notarié de prêt a pour effet de retirer à ces actes leur caractère de titre authentique et exécutoire en ce qu'ils constataient également les cautionnements litigieux et les garanties hypothécaires consenties au créancier.
Etait-il possible, comme cela a été le cas dans l'espèce commentée, de rectifier l'acte entaché de nullité ? C'est la stratégie qu'avait mise en oeuvre le notaire qui, craignant -vraisemblablement- que sa responsabilité ne soit engagée (voir, en ce sens, Cass. civ. 1, 6 juillet 2004, préc.), a cru bon d'établir un acte rectificatif uniquement entre les époux acquéreurs aux fins d'écarter les époux non signataires de l'acte initial, qui renonçaient, ce faisant, à la propriété des biens immobiliers (il est précisé dans l'arrêt qu'aux termes de la rectification, seuls les époux signataires étaient acquéreurs des immeubles vendus par les consorts R., les époux non signataires "devant être exclus de cette acquisition").
La "rectification" d'un acte nul n'est pas une notion juridique : elle semble être au croisement de la confirmation (acte juridique par lequel une personne qui peut demander la nullité d'un acte renonce à se prévaloir des vices dont celui-ci peut être entaché : F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 9ème éd., n° 398), de la régularisation (acte consistant à valider un acte initialement nul en lui apportant l'élément qui lui fait défaut : ibid.) et de la réfection (acte résultant d'un nouvel accord des volontés, analogue à celui qui avait donné naissance au contrat primitif mais échappant à la cause de nullité qui l'affectait).
Cette "rectification" est d'autant plus surprenante dans la mesure où le notaire rédacteur d'acte semble être intervenu seul en l'espèce et devait donc être le conseil de toutes les parties. Or, l'acte rectificatif a écarté purement et simplement les époux non signataires de la vente initialement conclue à laquelle ils étaient pourtant initialement parties... Il est vraisemblable qu'en signant l'acte rectificatif, les époux non signataires n'aient pas compris la portée de leur engagement : si tel avait été le cas, le litige sur la propriété des biens vendus n'aurait pas donné lieu à l'arrêt commenté.
Ce faisant, le notaire, dont la responsabilité n'était pas en cause, en l'espèce, risque fort de voir sa responsabilité civile professionnelle engagée. Cela sera, toutefois, l'objet d'une autre instance judiciaire.
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