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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
La semaine dernière, nous évoquions, déjà, la "schizophrénie du salarié" dont l'étanchéité des vies personnelles et professionnelles apparaissait toute relative et où l'équilibre entre vie privée du salarié et exigences professionnelles semblait, une nouvelle fois, sanctifiée par la Haute juridiction.
Cette semaine, le feuilleton se poursuit à la lecture d'un entretien avec Sophie Jammet, sur la télésurveillance. L'avocat au barreau de Paris accepte de faire le point sur l'état de la jurisprudence définissant le concept même de télésurveillance, ainsi que ses modalités de mise en place au sein de l'entreprise. Elle évoque, aussi, les pièges à éviter pour ne pas tomber sous les fourches caudines des magistrats ou de la Cnil.
Ce faisant, l'article nous ramène au bon vieux Panoptique du philosophe, jurisconsulte et réformateur britannique, Jeremy Bentham. Pour mémoire, ce dispositif entend aménager, a priori en milieu carcéral, des unités spatiales qui permettent de voir sans arrêt et de reconnaître aussitôt. Mais, "avec le Panoptique, un assujettissement réel naît mécaniquement d'une relation fictive. De sorte qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des moyens de force pour contraindre le condamné à la bonne conduite, le fou au calme, l'ouvrier au travail [...] Celui qui est soumis à un champ de visibilité, et qui le sait, reprend à son compte les contraintes du pouvoir ; il devient le principe de son propre assujettissement" critiquait Michel Foucault, dans Surveiller et punir. La tension sur les lieux de travail était, d'ores et déjà, appréhendée par le sociologue en 1975 ; elle n'a fait que se confirmer et s'amplifier avec les nouvelles technologies.
Il appartient donc à la jurisprudence sociale d'encadrer fortement ce conflit d'intérêts, d'arbitrer entre respect de la vie privée et liberté de l'employeur de contrôler l'activité de ses salariés et, au besoin, de les sanctionner. L'enjeu est de taille ; mais la réactivité des juges est également de mise face à l'émergence de nouvelles organisations du travail. Le télétravail a pu déjà témoigner, notamment au travers des travaux de l'Atelier Droit du Travail et Nouvelles Technologies de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (Adij) et de la commission ouverte "Marchés Emergents et Nouvelles Technologies" du Barreau de Paris, des difficultés rencontrées pour apprécier le temps de travail du télétravailleur, le contrôle de l'employeur au domicile du salarié et l'exercice du pouvoir disciplinaire. Il y a peu nous évoquions, avec Serge Le Roux, Directeur du Centre Recherche universitaire et études économiques (RUEE) et du Laboratoire de recherche sur l'industrie et l'innovation (LabRII) à l'Université du Littoral-Côte d'Opale (Ulco) à Dunkerque, la question du travail collaboratif, appelé également "communauté virtuelle" ou "agilité". Ce travail se définit comme le travail de plusieurs personnes autonomes sur un même objet. Ce type d'organisation du travail, apparemment banal, prend une nouvelle dimension avec la mondialisation de l'économie et le développement des NTIC et soulève, aujourd'hui, d'importantes questions, tant sur le plan juridique que sur le plan économique. La matière semble donc se renouveler sans cesse et la dualité vie privée-vie professionnelle aussi.
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