Réf. : Cass. soc., 30 mai 2007, n° 06-41.180, Mme Marion Gallais, FS-P+B (N° Lexbase : A5660DWK)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Résumé
Aux termes de l'article L. 122-3-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5457AC4), sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave de l'une ou l'autre des parties ou de force majeure. Le salarié, qui a signé sa lettre de "démission" sans contrainte, ne s'était pas représenté dans les locaux de l'entreprise après l'expiration de son arrêt de travail, n'a pas accepté l'offre de réintégration qui lui avait été faite et n'impute aucun comportement fautif à l'employeur, a rompu le contrat de travail en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail et n'a pas droit à l'attribution de dommages-intérêts. |
1. La démission du salarié sous CDD
Sauf lorsqu'il rompt avant terme son CDD parce qu'il a signé par ailleurs un CDI, le salarié ne peut "démissionner" de son CDD, au regard de l'article L. 122-3-8 du Code du travail. Reste à déterminer ce qu'il convient d'entendre ici par "démission" et, singulièrement, s'il y a lieu de faire application des solutions dégagées dans le cadre de la véritable démission, c'est-à-dire de la résiliation du CDI à l'initiative du salarié.
On sait que les domaines respectifs de la démission et de la prise d'acte n'ont été que très récemment précisés (1). Lorsque le salarié a démissionné sous le coup d'une contrainte étrangère à l'employeur, il pourra établir que sa volonté de démissionner n'était pas claire et non-équivoque et obtenir l'annulation de sa démission ; il devra, en principe, retrouver son emploi. En revanche, lorsque le salarié a été conduit à démissionner à la suite d'une faute commise par l'employeur, il obtiendra directement la requalification de cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités afférentes.
Mais cette jurisprudence, dégagée dans le cadre de la rupture du CDI, vaut-elle également pour le CDD ?
Dans cette affaire, une salariée avait été embauchée en CDD en qualité de coordinatrice "animatrice de vie quotidienne". Le même jour, elle avait remis à son employeur une lettre de démission avant de se rétracter puis de saisir la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant, notamment, à l'obtention de dommages et intérêts pour rupture abusive.
La cour d'appel l'avait déboutée de ses demandes après avoir relevé que l'intéressée avait signé sa lettre de "démission" sans contrainte, ne s'était pas représentée dans les locaux de l'entreprise après l'expiration de son arrêt de travail, n'avait pas accepté l'offre de réintégration qui lui avait été faite et n'imputait aucun comportement fautif à l'employeur.
Au soutien de son pourvoi, la salariée faisait valoir, notamment, que la lettre de démission avait été rédigée dans les locaux de l'entreprise et sous le coup de l'émotion, en réaction à une réprimande injustifiée.
Ces arguments n'ont pas suffit à convaincre la Cour de cassation qui considère que la cour d'appel avait "exactement déduit de ces constatations que la salariée avait rompu le contrat de travail en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail et n'avait pas droit à l'attribution de dommages-intérêts".
Cette solution nous semble parfaitement justifiée.
L'appréciation de la qualité du consentement du salarié relève de la compétence des juges du fond qui doivent, sous réserve d'une motivation suffisante de leur décision, demeurer souverains dans le cadre de leurs observations. La Cour de cassation a, d'ailleurs, toujours considéré que le fait que le salarié se rétracte n'était pas suffisant pour douter du caractère clair et non-équivoque de sa volonté au moment de la démission (2). Certes, de nombreuses décisions antérieures avaient pu considérer comme équivoque la volonté du salarié qui se rétracte le lendemain (3), ou le surlendemain (4) du jour où il démissionne : mais, dans toutes ces hypothèses, le salarié pouvait invoquer une raison expliquant valablement pourquoi il avait été conduit à démissionner, qu'il s'agisse de la menace de poursuites pénales (5), d'une lettre de démission rédigée de la main de l'employeur (6) ou, encore, à l'issue d'une entrevue orageuse avec celui-ci (7). Or, rien de tel ne semblait avoir été caractérisé ici.
Le développement de la jurisprudence sur la requalification de la démission en rupture prononcée aux torts de l'employeur ne doit pas s'accompagner d'une dérive dans la notion de "faute" commise par l'employeur justifiant la rupture du contrat de travail. Singulièrement, lorsque les parties sont liées par un CDD, c'est la loi elle-même qui subordonne le droit de rompre de manière anticipée le CDD à une faute "grave" de l'une des parties (8). Or, l'examen du dossier montrait que, même à considérer les faits comme avérés, le fait que l'employeur ait adressé à la salariée une "réprimande injustifiée" n'était pas de nature à pousser la salariée à la démission. Le luxe de détails rappelés dans l'arrêt de rejet montre bien que la bonne foi de l'employeur semblait acquise, ce qui était loin d'être le cas de la salariée.
Enfin, et même si la salariée avait, sans doute, regretté son geste irréfléchi, la démission, pas plus que le licenciement d'ailleurs, ne peuvent être rétractés, lorsqu'ils ont été valablement donnés, sans l'accord de l'autre partie (9), ce qui manifestement n'était pas le cas ici.
2. La réaction de l'employeur face au salarié démissionnaire
Dans cette affaire, la salariée, qui considérait sa démission comme nulle et non avenue, reprochait à son employeur d'avoir "pris acte" de la rupture du contrat de travail, alors que celle-ci lui avait adressé une lettre en recommandé, avec demande d'avis de réception, par laquelle elle se rétractait de sa démission. Ce faisant, elle tentait d'entraîner la Cour de cassation sur le terrain de sa jurisprudence, dégagée clairement depuis 2003, interdisant à l'employeur de "prendre acte" de la rupture du contrat de travail et lui imposant d'emprunter la voie du licenciement (10). La salariée prétendait, ainsi, que le CDD n'avait pas été rompu par la démission, valablement rétractée, mais par cette "prise d'acte", et qu'il convenait donc, en l'absence de preuve de faute grave commise par la salariée, de l'indemniser dans les conditions prévues par l'article L. 122-3-8 du Code du travail en lui versant le solde des salaires restant dus jusqu'au terme.
Pas plus que l'argument tiré du caractère équivoque de la volonté de la salariée, cet argument n'a convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation. Les deux arguments étaient, en toute hypothèse, liés. Dans la mesure où la Cour considérait que la démission était valablement intervenue, elle n'avait aucune raison de considérer que c'était, en réalité, l'employeur qui avait rompu le contrat de travail. Celui-ci avait peut-être "pris acte" de la rupture du contrat de travail, mais uniquement au sens où il avait constaté que la salariée avait valablement démissionné et où il en avait tiré les conséquences en lui adressant son reçu pour solde de tout compte, avec la mention "démission". La Cour confirme, également, son refus de considérer la démission du salarié comme nécessairement nulle et non avenue, sous prétexte que le salarié n'aurait pas le droit de démissionner (11) ; le CDD est bien rompu par cette voie de fait.
L'employeur pourra même, si la démission du salarié lui cause un préjudice, en obtenir réparation. Même si aucun forfait n'a été prévu ici, contrairement à la solution qui prévaut lorsque c'est l'employeur qui rompt indûment le contrat avant l'échéance du terme, l'employeur pourra obtenir une indemnité pouvant être calquée sur le montant des salaires qui auraient été dus si le contrat avait été normalement exécuté (12).
Décision
Cass. soc., 30 mai 2007, n° 06-41.180, Mme Marion Gallais, FS-P+B (N° Lexbase : A5660DWK) Rejet (cour d'appel de Pau, chambre sociale, 9 mai 2005) Texte concerné : C. trav., art. L. 122-3-8 (N° Lexbase : L5457AC4) Mots-clefs : contrat à durée déterminée ; rupture anticipée ; démission ; caractère clair et non équivoque. Lien bases : |
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