La lettre juridique n°263 du 7 juin 2007 : Immobilier et urbanisme

[Jurisprudence] Quand la copropriété et les régimes matrimoniaux doivent faire bon ménage !

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2007, n° 06-14.974, M. Yannick Danet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4973DW3)

Lecture: 3 min

N3596BBS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Quand la copropriété et les régimes matrimoniaux doivent faire bon ménage !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209174-jurisprudencequandlacoproprieteetlesregimesmatrimoniauxdoiventfairebonmenage
Copier

le 07 Octobre 2010

Chaque copropriétaire disposant d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes, la convocation à une assemblée générale concernant des époux propriétaires d'un lot de copropriété dépendant de la communauté de biens doit être libellée au nom des deux. Tel est le principe énoncé par la Cour de cassation dans un important arrêt du 23 mai 2007. En l'espèce, un syndicat des copropriétaires avait assigné deux époux, communs en biens et propriétaires d'un lot de copropriété, en paiement de travaux votés en leur absence par l'assemblée générale des copropriétaires à laquelle seul le mari avait été régulièrement convoqué et sans que soit justifié que le procès-verbal leur ait été notifié.

Ceux-ci avaient invoqué reconventionnellement la nullité de cette assemblée générale et sollicité le paiement de dommages-intérêts.

Pour rejeter la demande des époux, les premiers juges avaient retenu qu'en application des dispositions des articles 214 (N° Lexbase : L2382ABT) et 1421 (N° Lexbase : L1550ABZ) du Code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul un acquêt de communauté, ce qui était, selon eux, conforté par le fait que seul le mari réglait ses charges de copropriété en son nom, et que la convocation adressée à lui seul, qui n'avait jamais exigé d'autre forme, ni désigné d'autre mandataire, était donc suffisante, sans que l'épouse fût également convoquée.

C'est au visa des articles 22 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4822AH3) et de l'article 1421 du Code civil que la Cour de cassation rappelle les juges du fond à l'ordre : elle énonce, ainsi, que la convocation à une assemblée générale concernant des époux propriétaires d'un lot de copropriété dépendant de leur communauté de biens doit être libellée au nom des deux.

Se fondant sur le principe de la proportionnalité des voix aux tantièmes de copropriété et sur celui de la cogestion dans l'hypothèse où le lot dépend de la communauté existant entre les époux, la Haute juridiction rompt avec les pratiques jusqu'ici admises.

Il s'agit, en effet, d'un arrêt d'une importance pratique considérable puisque, jusqu'à présent, les juridictions saisies de la question avaient estimé suffisante la convocation à l'un des deux époux communs en biens (CA Paris, 23ème ch., sect. B, 11 mai 2006, n° 05/15130, Monsieur Mohamed Mondher Ben Milad N° Lexbase : A1673DRE).

Bien plus, il résultait de la recommandation n° 1 de la commission relative à la copropriété ayant trait aux règles de convocation des assemblées générales que, lorsque les époux sont communs en biens, le syndic pouvait adresser la convocation indifféremment à l'un ou l'autre des époux.

Les syndics, chargés de la convocation des copropriétaires aux assemblées générales des associés devront donc être vigilants et convoquer, désormais, les deux époux communs en biens aux assemblées.

Devront-ils le faire par voie de courrier séparé ou la convocation adressée à l'attention des deux époux sera-t-elle suffisante ? Nous pensons qu'il devrait suffire de mentionner le nom des deux époux sur la convocation, la Cour de cassation, dans l'arrêt rapporté, indiquant que la convocation doit être "libellée" au nom des deux époux...

Toutefois, nous invitons les professionnels à la plus grande vigilance en la matière...

Rappelons que tous les copropriétaires doivent être convoqués à l'assemblée.

Les copropriétaires non convoqués ou irrégulièrement convoqués peuvent contester les décisions prises en assemblée générale pendant un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal (Cass. civ. 3, 12 octobre 2005, n° 04-14.602, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A8395DK7).

A cet effet, il appartient au syndic de rapporter la preuve qu'il a régulièrement convoqué tous les copropriétaires à l'assemblée (Cass. civ. 3, 9 novembre 1994, n° 93-10.732, M. Minski et autre c/ Cabinet Le Mao, ès qualités de syndic de la copropriété Rosu Marinu N° Lexbase : A7533ABM).

Il n'est pas inutile de rappeler que, depuis le 1er avril 2007 (date d'entrée en vigueur du décret n° 2007-285 du 1er mars 2007, modifiant le décret n° 67-223, du 17 mars 1967, pris pour l'application de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L5808HUN), le syndic est autorisé à convoquer les copropriétaires par voie de télécopie avec récépissé, le délai de convocation étant par ailleurs porté, sauf urgence et/ou stipulation contraire du règlement de copropriété, de quinze à vingt et un jours avant la date de l'assemblée générale.

L'arrêt du 23 mai 2007 a donc une portée pratique considérable que la Cour de cassation a souhaité renforcer par une publicité maximale (Rapport annuel, site internet, Bulletin d'information de la Cour de cassation).

Il appartiendra aux syndics de modifier au plus vite leur mode de convocation des époux communs en biens aux assemblées générales : à défaut, la nullité des décisions votées en assemblée sera encourue et les syndics risquent d'engager leur responsabilité personnelle.

Marine Parmentier
Avocat à la Cour

newsid:283596