La lettre juridique n°263 du 7 juin 2007 : Assurances

[Chronique] Chronique en droit des assurances

Lecture: 41 min

N3594BBQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique en droit des assurances. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209164-chronique-chronique-en-droit-des-assurances
Copier

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique en droit des assurances de Véronique Nicolas, Professeur de droit privé, membre de l'IRDP de la Faculté de droit de Nantes et de Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, membre de l'IRDP (institut de recherche en droit privé).

  • Le dommage subi par un conducteur ne provient pas systématiquement de son état alcoolique lors de l'accident : Ass. plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD)

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par deux arrêts du 6 avril 2007, vient de décider que l'état d'alcoolémie dans lequel se trouve une personne ne suffit pas pour qu'il en soit déduit l'existence d'une relation causale entre ce fait et l'accident à l'origine des blessures ou du décès de cet individu.

Dans les deux affaires, une collision a lieu entre un véhicule terrestre à moteur et une motocyclette. Dans les deux hypothèses, le conducteur de la motocyclette a subi un préjudice personnel dont il demande indemnisation au conducteur du véhicule et à son assureur. A chaque fois, pour échapper à leur condamnation, ces derniers arguent de l'état d'imprégnation éthylique dans lequel se trouvait la victime. Ils prétendent qu'il s'agit d'une faute en relation avec le dommage subi ayant pour conséquence de limiter ou d'exclure le droit à indemnisation de cette personne. Dans le premier arrêt (n° 05-15.950), la cour d'appel refuse de faire droit à l'argumentaire développé. Dans le second (n° 05-81.350), la cour d'appel porte un regard inverse. Mais, dans les deux cas, la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, considère que, si une faute indéniable a été commise par la victime, le lien de causalité entre son état d'alcoolémie et son dommage n'est pas établi. La Cour suprême opère, ainsi, une nette évolution par rapport à divers arrêts antérieurs (I) qui appelle plutôt l'approbation de cette exigence nouvelle (II).

I - Premiers arrêts et hésitations sur le lien entre la faute tenant à l'alcoolémie excessive et le dommage

Sous l'empire de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9), c'est par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 24 janvier 1990 que celle-ci se prononce, pour la première fois, de manière claire, sur ce type de circonstances factuelles. Elle l'avait alors fait en s'appuyant sur les constatations de la cour d'appel selon laquelle le conducteur d'un véhicule victime d'un accident avait, notamment, franchi l'axe médian et était sous l'empire d'un état alcoolique. Et, elle avait considéré que les fautes commises avaient été la cause exclusive de l'accident (1), refusant ainsi l'indemnisation des ayants droit de la victime.

Plus récemment, dans un arrêt en date du 4 juillet 2002 (2), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait confirmé son analyse à propos d'une collision frontale entre deux ensembles routiers dont l'un était aux mains d'une personne dont le taux d'alcoolémie était supérieur à celui prescrit par la loi. Elle avait, à nouveau, affirmé que cet état constituait une faute. Mais elle avait, surtout, employé une formule intermédiaire en quelque sorte, qui avait tout au moins été remarquée. En effet, la Cour suprême avait décidé que cette faute avait été en relation avec le dommage du conducteur justifiant ainsi la limitation ou l'exclusion du droit à indemnisation. Cette retenue dans l'appréciation juridique avait peut-être été inspirée par le fait que la cour d'appel avait jugé que les indices matériels relevés ne permettaient pas d'établir l'existence d'une relation de causalité entre la faute commise par la victime et son dommage. Point de relation causale donc, mais une faute en relation avec le dommage : dosage subtil qui n'avait pas manqué de donner lieu à des commentaires.

Si le premier arrêt de 1990 était passé assez inaperçu, en revanche, le deuxième avait suscité des réactions partagées de la part de la doctrine. La première lecture consistait à se fonder sur l'idée que la loi du 5 juillet 1985 s'étant départi du concept de causalité pour l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation en usant de la fameuse notion d'implication, il suffirait de constater un lien entre la faute et le dommage pour que soit écartée la limitation ou l'exclusion prévue, comme chacun le sait, en matière d'indemnisation, par l'article 4 de la loi, lors d'une faute commise par le conducteur victime (3).

Pour une autre partie de la doctrine, le rejet de toute recherche de causalité voulu par l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 au profit du concept d'implication, ne vaut pas pour l'article 4 de ce même texte qui n'a pas été élaboré dans la même perspective, ni la même logique. Par conséquent, l'exigence d'une relation causale n'était pas une aberration, loin s'en faut. D'ailleurs, savoir si la faute commise par la victime a été ou non la cause de l'accident et de son dommage n'est déjà pas si simple. Si c'est une faute susceptible d'expliquer le dommage, elle n'est pas systématiquement, nécessairement la cause de celui-ci (4). Une telle analyse avait, alors, l'avantage de ne pas admettre une indemnisation trop aisée du conducteur victime en ne se contentant pas d'une simple relation, non dénommée, entre la faute et le dommage.

Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation avait rigoureusement confirmé sa position de 2002, mais en d'autres termes, deux ans après, par un arrêt en date du 10 mars 2004 (5), concernant une affaire dont les faits étaient rigoureusement identiques aux deux arrêts rendus le 6 avril dernier par l'Assemblée plénière. Elle avait, encore, précisément décidé : "que la conduite d'un véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique constitue une faute en relation avec le dommage du conducteur [...] alors même que les circonstances exactes de la collision étaient indéterminées". Les mots ayant une importance fondamentale, chacun avait pu noter qu'elle employait de nouveau l'expression de "faute en relation avec le dommage". Mais cette souplesse pouvait être davantage critiquée en raison du constat effectué par la cour d'appel que les circonstances de l'accident étaient restées floues. En tous les cas, elle ne parlait pas de relation causale, contrairement à ce qu'elle vient de décider, en Assemblée plénière, dans ces deux arrêts du 6 avril 2007, ce qui emporte notre approbation.

II - Approbation de l'exigence d'un lien de causalité

Si, dans la conviction collective, l'état d'imprégnation éthylique altère les réflexes du conducteur de quelque engin à moteur que ce soit, la question est au coeur d'un débat scientifique, au sein de la société, pour les stupéfiants. Les deux arrêts d'Assemblée plénière pourraient être interprétés par le grand public comme une manière de considérer que la prise de substance nocive n'est pas systématiquement analysée comme constituant la cause de l'accident et donc qu'une certaine permissivité est de bon aloi. Ce serait une interprétation totalement fausse de ces décisions.

Tout d'abord, la Cour de cassation veille à rappeler ce qu'elle n'a cessé d'indiquer, c'est-à-dire qu'une telle pratique est une faute ; mais elle n'en conclut pas que le dommage est le résultat automatique de cette faute. Un lien de causalité ne doit pas être toujours déduit du constat de la prise d'alcool ou de stupéfiants quelque temps avant la survenance d'un dommage. En réalité, la Cour de cassation estime, à tort ou à raison, qu'une victime, même ayant commis une faute, ne peut voir, dans tous les cas, son droit à indemnisation limité ou exclu. Mais elle ne va pas, non plus, jusqu'à poser une présomption de causalité (6) qui ne figure pas dans la loi du 5 juillet 1985 et qui avait fait réagir la doctrine. Elle exige qu'une démonstration soit effectuée du rôle que la prise d'alcool ou de substances nocives a pu avoir dans la réalisation du ou des dommages. Concrètement, les circonstances relevées par les premiers juges seront encore plus déterminantes.

Pour autant, en exigeant que la faute et le dommage soient reliés par un lien de causalité, la Cour de cassation renoue avec le schéma de raisonnement traditionnel de la faute, en dehors de la responsabilité particulière des accidents de la circulation et de la réglementation spécifique créée pour eux en 1985. Mais, encore une fois, l'article 4 de la loi ne s'inscrit pas dans la logique de l'article 1er instaurant la notion d'implication, entendue dans le sens large que l'on sait, par la jurisprudence.

En procédant ainsi, la Cour de cassation ne se rapproche pas du souhait exprimé par une partie de la doctrine de voir instituer une indemnisation totale du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, dans toutes les hypothèses. Cette évolution attendue par certains ne rencontrait plus la même opposition des assureurs qu'à une certaine époque. Ceux-ci sont, tout au moins, nombreux à avoir effectué le calcul de ce que coûterait un tel changement, pour conclure qu'il n'était pas complètement irréaliste et impossible. Mais ils n'ont pas, non plus, tous exprimé de leurs voeux une telle évolution. La Cour de cassation parvient donc à une solution intermédiaire.

On peut donc conclure qu'en exigeant l'existence d'un tel lien de causalité, la Cour de cassation fait preuve de pondération. La porte reste donc fermée, dans un sens ou un autre, à tout apport scientifique démontrant que la conduite après la prise d'alcool ou de substances toxiques entraîne automatiquement ou non des attitudes dangereuses, une absence de conscience de la réalité ou encore des réflexes altérés.

Véronique Nicolas
Professeur de droit privé
Membre de l'IRDP de la Faculté de droit de Nantes

  • Les valeurs dans les assurances de biens n'ont pas la même nature que dans les assurances de responsabilité : Cass. civ. 2, 5 avril 2007, n° 06-12.066, Mme Michelle Padonou, FS-P+B (N° Lexbase : A9077DUQ)

Les faits ayant donné lieu à l'arrêt du 5 avril 2007 sont d'une si grande banalité que l'intérêt d'y consacrer un commentaire apparaît de prime abord bien faible. Mais, son intérêt se situe dans la mise en oeuvre du calcul de l'indemnité d'assurance qui donne rarement lieu à des arrêts de la Cour de cassation.

Concrètement, un véhicule terrestre à moteur est endommagé dans un accident de la circulation impliquant un autre véhicule terrestre à moteur. Sa propriétaire assurée sollicite de son assureur une indemnité en réparation de la perte subie. Par ailleurs, elle souhaite récupérer le véhicule accidenté, c'est-à-dire l'épave. Une expertise a lieu en vertu de laquelle la valeur de remplacement de l'automobile est arrêtée à 3 300 euros, sa valeur résiduelle à 900 euros et celle du coût de sa réparation à 3 919 euros. L'assureur verse à l'assurée 2 400 euros, soit le montant de la valeur de remplacement à laquelle est retirée la valeur résiduelle du véhicule. Ces chiffres ne sont pas discutés en eux-mêmes par l'assurée. En revanche, c'est le mode de calcul de l'indemnité d'assurance à verser par l'assureur qui est l'objet d'une contestation.

En effet, au lieu d'accepter la déduction de la valeur résiduelle de la valeur de remplacement du bien, l'assurée souhaitant conserver le véhicule sollicite le paiement par l'assureur du montant de la réparation et donc le versement d'une somme complémentaire à celle déjà accordée ainsi qu'une indemnité d'immobilisation du véhicule, au motif qu'elle avait souscrit un contrat en valeur dite réparation. Au lieu de 2 400 euros, ce sont 3 919 euros qui sont demandés. L'assureur refuse de lui accorder une telle indemnisation en se fondant surtout sur une raison surprenante, à savoir que l'assurée ne justifiait pas des réparations effectuées. Cette dernière assigne donc l'assureur devant le tribunal d'instance de Roubaix qui, statuant en dernier ressort, la déboute. Devant la Cour de cassation, la propriétaire du véhicule prétend que la réparation intégrale du dommage suppose la remise en état du véhicule ou le versement d'une somme d'argent représentant la valeur de son remplacement. Elle ajoute qu'elle est, en outre, libre de disposer des fonds versés, sans avoir à produire des factures attestant de la réalité de la réparation.

Situation fréquente s'il en est, en pratique, que l'application des valeurs d'assurance en général pouvant se targuer d'être à l'origine de l'un des aspects les plus mal connus et donc peu admis par les assurés. Ce qui est moins banal c'est que la Cour de cassation ait à trancher ce type de difficulté à propos de l'indemnisation en matière d'assurance de dommages. Une rapide recherche historique de jurisprudence démontre que ces décisions sont très rares à ce niveau de juridiction tout au moins, ce qui est logique. Cet arrêt fournit donc l'occasion de rappeler ce que sont certaines valeurs d'assurance : la valeur vénale, la valeur de remplacement et la valeur résiduelle (I), ainsi que de souligner la jurisprudence établie depuis quelques années sur la différence à effectuer dans la mise en oeuvre de celles-ci selon qu'il s'agit d'une assurance de responsabilité ou d'une assurance de biens (II).

I - Les valeurs vénale, de remplacement et résiduelle

En droit des biens stricto sensu, la valeur vénale est, chacun le sait, souvent définie comme le prix qu'un individu aurait retiré de la vente d'un bien si ce dernier n'avait pas été endommagé (7). Ce prix dépend donc de l'état du marché à un moment donné, dans un lieu donné.

La valeur de remplacement est un peu différente puisqu'elle consiste dans le prix de revient total d'un bien dont l'état et le type sont semblables à ceux du bien sinistré. Cette valeur doit permettre d'acheter un autre véhicule de même nature, de même état, de même âge et offrant les mêmes possibilités ou services que le bien antérieurement détruit (8). Concrètement, elle suppose la prise en compte des frais qui doivent être engagés pour user du nouveau bien comme de l'ancien. C'est ainsi qu'il faut intégrer, par exemple, le coût de la carte grise, la somme correspondant aux démarches effectuées pour retrouver un bien identique, voire la marge bénéficiaire prise par le vendeur professionnel de ce dernier (9). En d'autres termes, la valeur de remplacement peut s'avérer plus intéressante pour l'assuré que la valeur vénale.

Quant à la valeur résiduelle, appelée également valeur de sauvetage, elle consiste, comme chacun le sait, dans la valeur du prix de l'épave qui reste la propriété de l'assuré (10).

Assez souvent, notamment dans les assurances de biens ordinaires, comme dans les assurances des biens d'habitation, la valeur retenue est la valeur vénale. Mais, en droit des assurances de responsabilité, une évolution s'est produite au cours de la précédente décennie. En effet, la Cour de cassation a décidé de condamner les responsables et leurs assureurs à payer non pas la valeur vénale du véhicule accidenté, mais sa valeur de remplacement (11). C'est la règle qu'elle rappelle indirectement dans cet arrêt en précisant que, si les assurances de biens et de responsabilité sont toutes les deux des assurances indemnitaires, elles n'ont pas la même nature.

L'expression peut, cependant, laisser un peu dubitatif. Ce n'est pas à strictement parler une question de nature, ou bien il faut l'entendre dans un sens assez large. Il aurait, peut-être, été plus explicite de dire que les deux catégories d'assurance ont des régimes distincts sur certains aspects.

Quoi qu'il en soit, ce qui apparaît troublant dans cet arrêt est que le contrat d'assurance n'employait ni la notion de valeur vénale, pas plus que celle de valeur de remplacement, au profit de la notion de valeur de réparation. Or la Cour de cassation ne l'entend pas ainsi. L'idée est que la victime n'est pas en mesure de négocier le contrat d'assurance, et encore moins ce type de clause dont la signification ne lui est pas familière. La cour suprême impose donc son analyse, ce qui n'est pas sans heurter la liberté contractuelle, mais vise à protéger l'assuré, partie faible au contrat.

Dans le même temps, la Cour de cassation considère, également, que la valeur de remplacement constitue aussi la limite de la responsabilité de l'auteur du dommage. Par conséquent, la valeur résiduelle du véhicule doit être retirée du montant de la valeur de remplacement. La prétention de l'assurée n'avait donc guère de chance de prospérer. Mais la Cour de cassation confirmait ainsi sa jurisprudence antérieure et ancienne dont le rappel n'était pas inutile. L'assuré a droit à la valeur de remplacement à laquelle est soustraite la valeur résiduelle, ni plus, ni moins. La valeur de remplacement devient donc un plafond ; et c'est de ce point de vue qu'elle se rapproche de la principale conséquence de l'application du principe indemnitaire. Néanmoins, les deux aspects ne doivent pas être confondus et même distingués, ce qui n'a pas été effectué par les parties dans cet arrêt, contraignant la Cour de cassation à rappeler cette évidence.

II - Valeurs d'assurance et principe indemnitaire

En invoquant l'article L. 121-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0077AA4), qui contient la règle du principe indemnitaire, l'assureur se trompe de champ d'application. En effet, le principe indemnitaire, énoncé dans cet article, institue une sorte de plafond légal : en aucun cas, l'indemnité versée par l'assureur ne saurait dépasser la valeur de la chose au moment de la survenance du sinistre. La Cour de cassation le rappelle à intervalles réguliers. L'objectif, chacun le sait, est d'éviter que le contrat d'assurance devienne une technique d'enrichissement de l'assuré. Cet argument de l'assureur n'avait cependant guère de chance de prospérer puisqu'il procède d'une confusion entre deux aspects distincts.

Savoir si l'assuré doit ou non fournir les factures démontrant l'utilisation de l'indemnité versée est une question d'affectation imposée ou non de l'indemnité d'assurance versée par l'assureur à la réparation des dommages subis, et non de calcul du montant de cette dernière. Or, l'habitude, en droit français, n'est pas d'imposer une telle affectation, de manière universelle. En revanche, un contrat d'assurance peut le prévoir, de manière ponctuelle, notamment, pour certains types de contrats. Mais, dans le cas présent, une telle disposition ne semblait pas avoir été insérée dans le contrat d'assurance. Par conséquent, l'assureur ne pouvait s'en prévaloir.

Pour conclure, une remarque s'éloignant des faits de l'espèce mérite d'être effectuée : l'affectation de l'indemnité d'assurance est de plus en plus souhaitée par les assureurs, pour diverses raisons, y compris parfois la limitation des risques de fraude. Mais c'est déjà un tout autre sujet.

Véronique Nicolas
Professeur de droit privé
Membre de l'IRDP de la Faculté de droit de Nantes

Cette décision est d'un parfait classicisme. Elle énonce, en premier lieu, le caractère limitatif des sanctions applicables aux manquements de l'assureur dommages-ouvrage à ses obligations. En effet, l'article L. 242-1 du Code des assurances, pour obliger l'assureur à régler rapidement les sinistres, lui impose le respect des délais bien connus de 60 et 90 jours pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en oeuvre des garanties prévues au contrat et, par suite, en cas de mise en jeu acceptée, pour faire une offre d'indemnité destinée au paiement des travaux de réparation de dommages ; en cas d'acceptation de l'offre par l'assuré, l'assureur dispose d'un délai de 15 jours pour régler l'indemnité. L'alinéa 5 de cet article assortit ces obligations de sanctions : le non-respect des deux premiers délais, de même qu'une offre manifestement insuffisante, permettent à l'assuré, après notification à l'assureur, d'engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. En outre, en cas de retard apporté au règlement de l'indemnité, celle-ci est majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. Enfin, sanction supplémentaire, posée par la jurisprudence cette fois, lorsque l'assureur ne respecte pas le délai de 60 jours, il ne peut plus contester ni le principe de sa garantie, ni son étendue (12).

Dès avant l'arrêt examiné, la Cour de cassation avait nettement consacré le caractère limitatif de ces sanctions en cantonnant ces règles au périmètre de l'assurance dommages-ouvrage. Or, le champ de cette assurance de pré-financement est calqué sur celui de l'assurance responsabilité décennale des constructeurs, laquelle ne comprend pas les dommages immatériels que le maître de l'ouvrage pourrait être amené à subir à la suite de désordres. On notera que ces dommages immatériels peuvent faire l'objet d'une garantie spécifique. Tel n'était pas le cas en l'espèce, comme il s'infère de la motivation de la Cour de cassation qui qualifie de "motif erroné mais surabondant" l'argument "relatif à l'absence de souscription de la garantie des dommages immatériels". Voilà qui conduit à penser que l'assureur avait, en l'espèce, proposé cette couverture (chose remarquable car elle n'est pas fréquemment proposée) que le maître de l'ouvrage avait choisi de ne pas souscrire. Mais, quand bien même une telle extension aurait-elle été souscrite, il n'y a point là de quoi intégrer ces dommages dans le champ de l'article L. 242-1 du Code des assurances.

Forte de cette analyse, la Cour de cassation a posé que, en cas de non-respect du délai de 60 jours, l'assureur ne peut être sanctionné par la privation du droit d'invoquer une limitation de garantie et une franchise prévues au contrat pour les dommages immatériels (Cass. civ. 3, 12 janvier 2005, n° 03-18.989, FS-P+B N° Lexbase : A0281DGI, Bull. civ. III, n° 3 ; D. 2005, IR p. 385 ; Resp. civ. et assur. 2005, comm. n° 111) dans un arrêt de censure d'une grande netteté (13).

Toutefois, un arrêt récent a été justement remarqué pour avoir retenu une "responsabilité contractuelle de l'assureur 'dommages-ouvrage' pour des dommages immatériels ne relevant pas de la garantie légale" (14). Dans cet arrêt du 24 mai 2006, la Cour de cassation a sanctionné un assureur "dommages ouvrage" dont l'expert mandaté n'avait pas bien estimé les travaux dont l'assureur devait assurer le préfinancement, retenant que l'assureur ayant "proposé à l'acceptation de son assuré non professionnel, un rapport d'expertise unilatéral défectueux conduisant à un préfinancement imparfait qui, de plus, avait été effectué avec retard et que les travaux préconisés et exécutés n'avaient pas été suffisants, [n'a] pas rempli ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres".

L'exécution défectueuse par l'assureur de son obligation, consécutive à la faute de l'expert dont l'assureur est responsable (dans le cadre d'une responsabilité contractuelle du fait d'autrui), peut donc conduire à engager la responsabilité de l'assureur dommages-ouvrage, condamné à réparer tout préjudice qui découlerait de cette mauvaise exécution, y compris les dommages immatériels (dans l'espèce du 24 mai 2006, il s'agissait de pertes d'exploitations). Hubert Groutel a judicieusement souligné que cette question ne relève pas du champ de l'article L. 242-1 du Code des assurances, mais bien plutôt de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).

A l'évidence, le demandeur au pourvoi, dans l'arrêt du 7 mars 2007, cherchait à tirer parti de ce précédent pour obtenir réparation de son "préjudice locatif" lié au départ de ses locataires qu'il imputait au "retard fautif de son assureur dans le paiement de l'indemnisation lui incombant", invoquant "que lorsque l'assureur dommages-ouvrage engage sa responsabilité personnelle à l'égard de l'assuré, au titre d'une faute commise dans l'exécution même du contrat d'assurance, cet assureur ne saurait se soustraire à l'indemnisation des préjudices immatériels résultant directement de sa faute, au motif que l'indemnisation de ce type de préjudice n'est pas prévue dans la police dommages-ouvrage ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil et l'article L. 242-1 du Code des assurances".

Mais, la Cour de cassation ne répond pas au demandeur sur le terrain de l'article 1147, s'en tenant à une réponse, sobre et classique, sur l'inapplicabilité de l'article L. 242-1 du Code des assurances aux dommages immatériels non couverts. Voilà qui n'est pas pleinement satisfaisant, car si l'on comprend aisément que le retard de l'assureur, donc la sanction prévue à l'alinéa 5 de L. 242-1, ne saurait couvrir les dommages immatériels, si ce retard a bien été causal d'une perte non couverte, le droit commun devrait ici prendre le relais. Mais, ce préjudice immatériel (perte de loyers consécutive au départ des locataires que le demandeur présente comme la conséquence d'un versement tardif de l'indemnité de réparation d'infiltrations) est-il bien, même sur le terrain du droit commun, imputable à l'assureur dommages-ouvrage ? Une lecture minutieuse conduit à relever une formulation retenue in limine de l'arrêt, selon laquelle le maître de l'ouvrage "a assigné les constructeurs et leurs assureurs en ne sollicitant l'indemnisation de son préjudice locatif que de l'assureur dommages-ouvrage". Cette formulation négative semble bien traduire que le demandeur avait mal choisi sa cible. S'il voulait se faire indemniser de son préjudice immatériel consécutif au départ de ses locataires, ce n'est pas tant vers l'assureur dommages-ouvrage [non tenu de l'indemniser de ce chef et dont la faute ne sera retenue que si elle le conduit à ne pas préfinancer "des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres" (15), ce qui n'était nullement le cas ici], que vers le constructeur et l'assureur de responsabilité décennale qu'il devait se tourner.

Sébastien Beaugendre
Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes,
Membre de l'IRDP (institut de recherche en droit privé)

L'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité est un régime de faveur né de la jurisprudence (Cass. civ., 14 juin 1926, DP 1927, jurisp., p. 57, note L. Josserand ; S. 1927, 1, p. 25, note P. Esmein), ayant pris place dans le Code des assurances à l'article L. 124-3. La mise en oeuvre de ce droit exclusif au profit de la victime devient plus délicate lorsque la situation met en présence des coresponsables et une pluralité d'assureurs. Cette pluralité favorise le jeu de condamnations in solidum et d'appels en garantie. Souhaitant ne pas déroger à cette ligne directrice de protection du droit de créance de la victime, la jurisprudence a développé toute une série d'interprétations visant à consacrer l'autonomie de l'action directe et à cantonner, le plus possible, les exceptions que peut valablement opposer au tiers l'assureur actionné par voie directe (16). Mais, la protection ne doit pas tourner à la sur-protection. Or, l'arrêt commenté nous semble susceptible d'encourir un tel grief.

Cet arrêt du 26 avril 2007 est l'épilogue, perdu par l'assureur, d'une très longue bataille. Qu'on en juge ! Cet arrêt constitue le "troisième passage" de cette affaire devant la Cour de cassation, qui aura sollicité la Chambre commerciale, la première chambre civile et, en dernier lieu, la deuxième chambre civile. Ce contentieux à rebondissements s'est nourri de bien des questions, ayant trait au droit international privé, aux actions directes dans les chaînes de contrats, à l'action directe propre au droit des assurances et aux règles de procédure permettant de dénouer l'enchevêtrement de ces différentes demandes.

L'affaire étant compliquée, il importe d'avoir une vue exacte des faits et de la procédure.

L'espèce concerne une société française (SBCN) de construction navale ayant acheté à une société française (Nanni Diesel devenue Testerine) cinq propulseurs. Cette dernière s'est approvisionnée tantôt par une chaîne de sous-contrats (achat de trois de ces groupes propulseurs auprès de la société Marine Drive Units, qui les a commandés à la société MB marine), tantôt par un unique sous-contrat (acquisition des deux autres propulseurs directement auprès de MB marine), auprès de sociétés italiennes. Ces deux "sous-fournisseurs" italiens sont assurés auprès de la même compagnie (Winterthur Milan).

Ces propulseurs s'étant révélés défectueux, la SBCN a assigné, en janvier 1991, devant un tribunal de commerce, son vendeur et l'assureur de celui-ci (Zurich assurances), lequel a appelé en garantie tous les "sous-fournisseurs" et leur assureur (Winterthur). Le contentieux devait, ensuite, considérablement se développer.

Un regard rétrospectif sur le déroulement de ce procès révèle que cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 26 avril 2007 a été rendu sur le pourvoi formé contre un arrêt de renvoi émanant de la cour d'appel d'Angers (17 janvier 2006), par suite d'une censure prononcée par la première chambre civile le 8 janvier 2002 (17) à l'encontre d'une décision de la cour d'appel de Rennes du 7 juillet 1999. Dans cet arrêt du 8 janvier 2002, les Hauts magistrats avaient relevé d'office un motif de pur droit, lié à l'autorité de la chose jugée, l'arrêt lui ayant été déféré étant en contrariété avec une précédente décision émanant de cette même cour d'appel de Rennes, datée du 20 mai 1992 et devenue irrévocable par suite du rejet du pourvoi formé contre cet arrêt par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation dans une décision du 18 octobre 1994 (18). L'arrêt rennais de 1999 avait, en effet, déclaré irrecevable l'action directe de la victime (la société SBCN) contre l'assureur Winterthur, alors que l'arrêt rennais du 20 mai 1992, puis celui rendu par la Cour de cassation le 18 octobre 1994, en avaient admis la recevabilité. La Chambre commerciale avait, alors, défendu la recevabilité de cette action directe de la victime française contre l'assureur italien sous l'angle du droit international privé, défendant la compétence judiciaire internationale des tribunaux français et la compétence de la loi française en tant que loi du lieu de réalisation du dommage.

On notera que l'assureur italien avait choisi de placer le débat sur le terrain de l'action directe "de droit commun", dans le cadre des chaînes de contrats, et non sur le terrain "spécial" de l'action directe propre au droit des assurances (réservée à la victime en matière d'assurance de responsabilité) (19). On notera, aussi, que la tentative de l'assureur italien pour convaincre de rattacher le contentieux à la catégorie de droit international des contrats avait échoué, la Chambre commerciale ayant choisi de résoudre ce litige par rattachement à la catégorie des délits, suivant en cela, ce qui se conçoit aisément s'agissant de droit international privé communautaire, l'analyse de la CJCE qualifiant de délictuelle la responsabilité dans une chaîne de ventes (20), contrairement, chacun le sait, à l'analyse qui prévaut en droit interne où c'est une action de nature contractuelle qui prospère dans ce schéma.

Après cet épisode de droit international privé pour asseoir l'action directe en son principe (par examen de sa recevabilité), est venu le temps de sa mise en oeuvre. A ce stade, les choses se sont à nouveau compliquées, car l'acheteur insatisfait a engagé, conjointement à son action directe contre l'assureur des deux auteurs des dommages (Wintherthur en qualité d'assureur des deux "sous-fournisseurs"), une action en garantie des vices cachés contre son vendeur (le "fournisseur principal") et l'assureur de ce dernier. L'acheteur final mettait, ainsi, en oeuvre des actions distinctes (ou des demandes distinctes au sein d'une action intentée contre plusieurs défendeurs), assis sur des fondements juridiques distincts, contre différents "maillons" de la chaîne de contrats.

Ayant à connaître de ces demandes, la cour d'appel de Rennes a, dans son arrêt précité du 7 juillet 1999, condamné le vendeur et son assureur à réparation et accueilli l'appel en garantie formé par cet assureur (Zurich) contre l'assureur des "sous-fournisseurs" (Wintherthur). Elle a condamné in solidum les trois défendeurs (on ignore la part contributive de chacun).

La cour refusait, en revanche, toute action directe de la victime contre l'assureur des responsables, ce qui devait lui valoir, on le sait, une censure pour violation de l'autorité de la chose jugée par la première chambre civile, dont l'arrêt du 8 janvier 2002 renvoya l'affaire devant la cour d'appel d'Angers.

L'assureur des "sous-fournisseurs" (Wintherthur) s'est exécuté de cette condamnation en versant à l'assureur du "fournisseur principal" (Zurich) une certaine somme (on ignore s'il était question d'une garantie totale ou partielle), celui-ci versant l'indemnité à l'acheteur.

La cour d'appel d'Angers a accueilli l'action directe de l'acheteur contre l'assureur des sous-fournisseurs, et l'a "condamné in solidum avec d'autres parties, en deniers ou quittances, à indemniser la SBCN dans les limites fixées par la police".

Cet assureur a formé un pourvoi, cette fois enraciné dans le droit des assurances et qui se réfère bien à l'action directe prévue par le Code des assurances, articulé autour de deux branches.

Dans la première branche, il reproche aux juges angevins d'avoir "violé l'article L. 124-3 du Code des assurances, ensemble les règles régissant l'action directe", par leur refus de tenir compte d'une extinction de l'action directe ouverte à la victime contre l'assureur "à hauteur des sommes perçues, dès lors que la victime a déjà été désintéressée par l'auteur du dommage ou son assureur". C'est, nous semble-t-il, habilement plaider, sans que ces termes soient directement employés, que les deux demandes, bien que distinctes, ont le même objet (l'indemnisation de la victime), de sorte que l'exécution de l'une peut engendrer l'extinction de l'autre par privation d'objet, extinction totale ou partielle selon que la demande initialement satisfaite ait indemnisé intégralement ou partiellement le préjudice.

La seconde branche du moyen reproche à cette analyse, consacrant "l'indépendance de l'action directe par rapport à l'action contre le vendeur", de faire litière du principe indemnitaire, applicable en droit commun de la responsabilité civile comme en matière d'assurances dommages, les juges refusant "de rechercher si le fait que la SBCN avait déjà perçu des sommes en réparation de son préjudice ne conduisait pas à l'indemniser à une hauteur supérieure au montant du dommage, [ayant de ce fait] privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 124-3 du Code des assurances, ensemble les articles 1641 (N° Lexbase : L1743AB8), 1147 et 1149 (N° Lexbase : L1743AB8) du Code civil" (curieusement, l'article L. 121-1 du Code des assurances, support du principe indemnitaire, n'a pas été visé par le demandeur au pourvoi !).

Le pourvoi soulevait, ainsi, la question de savoir si, malgré l'autonomie de l'action directe et de l'appel en garantie, l'assureur peut valablement opposer, en guise d'exception à l'action directe, le paiement déjà effectué dans le cadre d'une action distincte l'ayant conduit à contribuer à la dette par le truchement d'un appel en garantie ?

Le problème semble inédit et diffère de celui où l'assureur actionné par voie directe aurait désintéressé totalement la victime, alors que son assuré condamné in solidum avec d'autres coresponsables ne serait que partiellement responsable, ce qui conduit cet assureur à se retourner par voie de subrogation contre l(es)'assureur(s) de ces coresponsables (21) ou bien, comme la jurisprudence lui en reconnu la possibilité (22), à appeler ces autres assureurs en garantie au cours de ce procès initié par exercice de l'action directe de la victime.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en défendant vigoureusement l'indépendance de l'action directe, retenant que "le sort de l'action directe" est indépendant de l'action exercée par l'acheteur contre son vendeur donnant lieu à un appel en garantie entre assureurs. De ce principe, elle tire les conséquences suivantes : primo, les sommes payées sur l'un des fondements (action sur le fondement du droit de la vente donnant lieu à l'appel en garantie de l'assureur des "sous-fournisseurs") "sont sans incidence sur les demandes formées directement par la victime contre [l'assureur]" ; secundo, "les comptes entre les parties ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort des demandes formées au titre de l'action directe". Il est permis de penser que le souci de protéger la victime et la volonté de conforter l'autonomie de l'action directe ont poussé la Cour de cassation a une formule trop générale, donc critiquable.

La défense de l'autonomie de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du Code des assurances par rapport à l'appel en garantie ne surprendra guère, car c'était là un enseignement posé auparavant par d'autres chambres de la Cour de cassation (chronologiquement, la première (23), la troisième (24), et la Chambre commerciale (25)). Mais il s'agissait pour celles-là de poser la distinction afin que l'on n'exigeât pas de l'assureur de l'auteur du dommage qui appellerait en garantie un autre assureur qu'il ait à se justifier d'avoir préalablement désintéressé la victime du dommage. En effet, l'appelant en garantie n'agit alors nullement par subrogation dans les droits de la victime titulaire de l'action directe. Il n'est donc point nécessaire d'exiger sur le fondement de l'un (l'appel en garantie) une condition propre à l'autre (le désintéressement préalable du subrogé par le subrogeant).

La perspective dans laquelle le problème de droit se posait dans notre arrêt est toute différente, car l'autonomie ("l'indépendance" selon la Cour) s'envisage, ici, au stade des effets. Il s'agit cette fois de savoir si l'assureur actionné par voie directe peut valablement opposer à la victime qu'il l'a déjà indemnisée dans le cadre d'une action distincte où il est devenu partie à l'instance, et à la dette (!), par la technique de l'appel en garantie. Or, comme nous l'avons vu, la deuxième chambre civile rejette la recevabilité d'une telle exception, affirmant que ce paiement antérieur est "sans incidence" sur "le sort de l'action directe" et que "les comptes entre les parties ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort des demandes formées au titre de l'action directe".

Une telle affirmation nous semble contestable, car s'il est certain que l'exercice préalable d'une action en garantie des vices cachés donnant lieu à un appel en garantie n'obère pas le principe d'une action directe, indépendance oblige, la quotité de ce que l'on obtiendra par cette action subséquente est forcément conditionnée par ce que l'on a déjà obtenu dans le cadre de cette première action (26) sans quoi, comme le soulevait fort justement le pourvoi, on risque, par ce cumul d'actions, de réparer plus que le préjudice souffert par la victime et l'assureur risque d'avoir à payer deux fois pour le même préjudice ! L'indépendance des actions ne gommera pas qu'il n'y a qu'un préjudice à réparer !

La justification de la Cour de cassation semble s'appuyer sur une analyse toute processuelle (ce qui n'étonnera pas venant de la deuxième chambre civile !) qui voit dans la contribution financière de l'assureur appelé en garantie, dans le cadre de l'action en garantie des vices cachés, une sorte d'action indirecte alors que l'action exercée par la victime contre ce même assureur en usant des ressources du droit des assurances est une action directe. On opposera à cette lecture que si la victime a initialement divisé ses recours [A agit, d'une part, contre B (qui appelle C en garantie) et, d'autre part, par voie d'action directe contre C], il est contestable de soutenir que l'appel en garantie ne concerne que les rapports entre B et C (27). Dès lors que B procède par voie d'intervention forcée pour attraire C à la cause, le procès oppose A à B et C. D'ailleurs, le demandeur a, postérieurement à cet appel en garantie, possibilité de déposer des conclusions tournées contre ce tiers, sans contrevenir à l'interdiction des demandes nouvelles, comme il est consigné à l'article 564 du NCPC (N° Lexbase : L2814ADL). Dès lors, il n'est pas raisonnable de faire comme si les deux actions, ou les deux demandes au sein d'un même procès, étaient totalement indépendantes l'une de l'autre. Si l'unité de personnes n'est obtenue qu'indirectement via l'appel en garantie (en débouchant sur une pluralité de défendeurs), il y a bien unité d'objet (obtenir réparation du préjudice) et, sur le terrain de la cause, la jurisprudence récente rendue sur l'autorité de la chose jugée a montré que la différence de fondements juridiques n'emporte pas nécessairement différence de causes (28). Dès lors, on pourrait raisonner en termes d'autorité positive de la chose jugée de la première décision (rendue ici sur le fondement des vices cachés) sur la seconde (action directe), ou, à tout le moins, s'inspirer de cette notion par un raisonnement analogique.

Surtout, il est un élément, rempli dans l'espèce étudiée, qui ne peut être écarté du raisonnement : il nous semble que l'on ne peut traiter l'action directe postérieure à l'exécution de la condamnation à garantir le défendeur initial actionné sur le terrain des vices cachés comme s'il était question d'une action directe concomitante à cette action distincte. Lorsque la victime a, sur un terrain, déjà obtenu réparation (partielle, a fortiori totale), elle ne devrait pouvoir obtenir par la voie de l'action directe contre l'assureur du responsable du dommage qu'une somme soumise à une double limite : elle ne devrait pouvoir réclamer que le reliquat de sa créance de responsabilité, sans pouvoir excéder les plafonds de garantie contenue dans la police liant cet assureur à son assuré (co)auteur du dommage.

Ce n'est pas ce que décide la Cour de cassation qui considère que l'autonomie de l'action directe induit qu'elle prospère, sans aucune incidence, d'une autre action distincte, quand bien même unirait-elle les mêmes protagonistes, et quand bien même aurait-elle déjà fait l'objet d'une exécution. Mais, faire fi de cette distinction entre action directe concomitante et action directe postérieure conduit à considérer que l'assuré peut, dans le cadre d'une action directe contre l'assureur d'un coresponsable réclamer réparation de l'intégralité de son préjudice sans tenir compte d'une extinction antérieure de sa créance, c'est-à-dire exposer l'assureur à payer plus qu'il ne doit et la victime à recevoir plus que son dû. Traduire ainsi "l'indépendance" entre l'action directe et l'appel en garantie n'est à l'évidence pas souhaitable et l'on ne peut croire que la Cour de cassation ait voulu un tel résultat. L'autonomie de l'action directe et le caractère exclusif du droit propre de la victime sont nés de la volonté que l'assureur ne puisse opposer à la victime un paiement libératoire fait entre d'autres mains que celles de cette victime. Mais qui pourrait soutenir que le versement par l'assureur A à l'assureur B d'une somme remise à la victime C n'équivaut pas à une remise directe, donc libératoire, de A à C ?

Il est peut-être une interprétation moins pessimiste. La philosophie énoncée par les Hauts magistrats selon laquelle "les comptes entre les parties ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort des demandes formées au titre de l'action directe" traduirait l'idée qu'il faut juger la demande en action directe indépendamment de toute demande distincte (même connexe), et qu'il ne faudrait "faire les comptes entre les parties", à la fois entre coresponsables et, comme ici, entre la victime et l'assureur ayant payé deux fois au prix de deux procédures, qu'a posteriori. Ce serait faire passer l'indemnisation de la victime au premier chef et laisser les assureurs régler entre eux le problème de leurs parts contributives respectives ou, comme en l'espèce, laisser la question de la compensation entre ce que l'assureur a déjà versé à un titre et ce qu'il doit à un autre (action directe) se régler au stade de l'exécution de la décision, donc, en cas de problème, devant le juge de l'exécution. Au pire, la question se réglerait par un procès supplémentaire en répétition de l'indu que devrait intenter l'assureur contre la victime ayant "trop reçu". La Cour aurait choisi de faire passer son message sur l'indépendance et l'efficacité de l'action directe sans vouloir l'obscurcir en distinguant l'hypothèse particulière où une action distincte a déjà été exécutée par l'assureur actionné par voie directe...

Pour l'assureur concerné par un tel "double paiement" (sur le fondement de l'appel en garantie et tenu à réparation intégrale dans le cadre de l'action directe), la situation n'est guère enviable. Cet arrêt ne l'encouragera guère à verser à l'assureur qui l'a appelé en garantie sa quote-part et l'incitera à négocier avec cet assureur une suspension de sa contribution, le temps pour l'action directe de déployer ses effets. Mais il est vrai que le contexte particulier de cet arrêt, où l'action directe avait été "bloquée" par des juges du fond qui avaient estimé que l'action distincte (en vices cachés) avec appel en garantie y suffisait, pose une difficulté qui ne correspondra pas au schéma le plus usuel. Plus souvent, la victime qui met en oeuvre conjointement l'action directe et l'action distincte mettra d'abord à exécution l'action directe, de sorte que cet assureur se retournera, ensuite, contre les assureurs des coresponsables.

Sébastien Beaugendre
Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes,
Membre de l'IRDP (institut de recherche en droit privé)


(1) Cass. civ. 2, 24 janvier 1990, n° 88-14.209, M. Debbiche et autres c/ M. Fumex et autre (N° Lexbase : A0069AB8), Bull. civ. II, n° 14, p. 8. Voir encore : Cass. crim., 18 octobre 2005, n° 05-81.384 (N° Lexbase : A5296DW3), RCA janv. 2006, n° 17, p. 16, note H. Groutel.
(2) Cass. civ. 2, 4 juillet 2002, n° 00-12.529, Société des Transports Garcia c/ M. Adrien Lajarthe, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0668AZR), Bull. civ. II, n° 151, p. 145 ; RCA 2002, comm. 330, note H. Groutel ; RTDCiv. octobre/décembre 2002, p. 829, note P. Jourdain ; D. 2003, p. 859, note H. Groutel.
(3) Cass. civ. 2, 4 juillet 2002, précité, RCA 2002, comm. 330, note H. Groutel et D. 2003, p. 860, note H. Groutel.
(4) Cass. civ. 2, 4 juillet 2002, précité, RTDCiv. octobre/décembre 2002, p. 829, note P. Jourdain.
(5) Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 02-19.841, Mme Annick Renaudin, veuve Roger c/ Fonds de garantie Automobile, F-P+B (N° Lexbase : A4909DBG), RCA juin 2004, comm. 180, note. H. Groutel.
(6) P. Jourdain, Un taux d'alcoolémie excessif est-il une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation ?, RTDCiv. octobre/décembre 2002, p. 829. Voir dans le même sens, à propos de ces mêmes arrêts : P. Jourdain, Faute de la victime conductrice : le retour à l'orthodoxie de l'assemblée plénière de la Cour de cassation, JCP éd. G, II, n° 10078, 9 mai 2007, p. 23.
(7) V. Nicolas in Traité de droit des assurances : le contrat d'assurance, sous la direction de J. Bigot, LGDJ 2002, n° 1459, p. 1049 ; Lamy assurances, éd. 2007, n° 751, p. 308 ; Y. Lambert-Faivre, Droit des assurances, par L. Leveneur, 12ème éd. 2005, n° 441, p. 331.
(8) V. Nicolas in Traité de droit des assurances : le contrat d'assurance, sous la direction de J. Bigot, LGDJ 2002, n° 1467, p. 1052 ; Lamy assurances, éd. 2007, n° 751, p. 308.
(9) Lamy assurances, éd. 2007, n° 4727, p. 2151.
(10) J. Bonnard, Droit des assurances, Litec, 2005, n° 451, p. 135 ; Y. Lambert-Faivre, Droit des assurances, par L. Leveneur, 12ème éd. 2005, n° 533, p. 402.
(11) Lamy assurances, éd. 2007, n° 2669, p. 1065 ; Cass. civ. 2, 31 mars 1993, n° 91-18.691, Mme Thévenin c/ Les Cars bleus Brossard et autres (N° Lexbase : A5934AHA), Gaz. Pal. 1994, 1, somm., p. 393, note F. Chabas ; Cass civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-14.946, M. Joseph Baena c/ Société Transportunternehmen Harmunt Hesselbarth, FS-D (N° Lexbase : A4980DNR), RCA 2006, comm. 159, note S. Hocquet-Berg.
(12) Jurisprudence constante. Voir, en dernier lieu, Cass. civ. 3, 26 novembre 2003, n° 01-12.469, M. Patrice Chassagne c/ Société Axa assurances, FS-P+B (N° Lexbase : A3093DAS), D. 2004, somm. 911, obs. H. Groutel ; RCA 2004, comm. 49 et 108, obs. G. Durry ; RGDA 2004, p. 447, note A. d'Hauteville.
(13) "Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 242-1, alinéa 5, du Code des assurances, qui sanctionne le retard ou le défaut, par l'assureur, de mise en oeuvre de la garantie, est inapplicable aux dommages immatériels qui ne relèvent pas des garanties d'assurance obligatoires, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
(14) H. Groutel, Responsabilité civile et assurances n° 10, octobre 2006, comm. 314, à propos de Cass. civ. 3, 24 mai 2006, n° 05-11.708, M. Yves Dupouy c/ Société civile professionnelle (SCP) Becheret-Thierry, FS-P+B (N° Lexbase : A7564DPT).
(15) Pour reprendre un extrait de la motivation de l'arrêt susmentionné du 24 mai 2006.
(16) Là-dessus, nous renvoyons le lecteur à la jurisprudence rapportée sous l'article L. 124-3 dans le Code des Assurances (Litec ou Dalloz) et aux ouvrages de référence en droit des assurances, not. Lamy Assurances 2007, spéc. n° 1479.
(17) Cass. civ. 1, 8 janvier 2002, n° 99-19.470, Société bretonne de construction navale c/ Société MB Marine, F-D (N° Lexbase : A7641AXB).
(18) Cass. com., 18 octobre 1994, n° 92-19.070, Société bretonne de construction navale c/ Société MB Marine SPA et autres (N° Lexbase : A6179AWR), Bull. civ. IV, n° 292.
(19) Comme l'atteste cet extrait de son moyen soutenant que "la SBCN ne pouvait agir contre la société MB Marine, assuré auprès de la compagnie Winterthur Milan, qu'en exerçant l'action contractuelle née du contrat conclu entre la société MB Marine et la société Nanni Diesel".
(20) La Cour, au visa des articles 5, 1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifié par la Convention de Luxembourg du 9 octobre 1978 et 5, 3° de la même Convention de Bruxelles, se réfère expressément à la jurisprudence de la CJCE : "attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 27 septembre 1988 [CJCE, 27 septembre 1988, aff. C-189/87, Athanasios Kalfelis c/ Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst et Cie, et autres N° Lexbase : A7252AH3], la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la convention comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, paragraphe 1er, et que, dans un arrêt du 17 juin 1992 [CJCE, 17 juin 1992, aff. C-26/91, Jakob Handte & Co. GmbH c/ Traitements mécano-chimiques des surfaces SA N° Lexbase : A9406AUW], la même Cour a dit pour droit que l'article 5, paragraphe 1er, de la Convention doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; par ces motifs, casse et annule".
(21) Là-dessus, cf. D. Veaux et P. Veaux-Fournier, J. Cl. Resp. civile et Ass., Fasc 511-8, qui s'interrogent : "si la victime agit contre l'assureur de responsabilité d'un des responsables, notamment par la voie de l'action directe, peut-elle de la même façon exiger qu'il paie la totalité de l'indemnité, en lui laissant la charge de se retourner contre les autres responsables, ou leurs assureurs de responsabilité, pour obtenir leur contribution par remboursement ? Ou bien la victime ne peut-elle obtenir de l'assureur de responsabilité qu'une indemnité correspondant à la partie des dommages-intérêts qui doit rester définitivement à la charge de son assuré ? Auquel cas, c'est la victime qui devra exercer d'autres actions, contre les autres responsables et leurs assureurs de responsabilité pour obtenir le complément de son indemnisation. Sous une autre forme, cela revient à se demander si, au cas de sinistre imputable à plusieurs responsables condamnés solidairement ou in solidum, l'assureur de responsabilité de chacun d'eux est tenu à concurrence de la poursuite à laquelle son assuré est exposé, ou seulement à concurrence de la contribution incombant définitivement à son assuré dans la réparation du dommage. La réponse de principe de la Cour de cassation n'est pas douteuse : l'assureur doit couvrir la responsabilité de l'assuré pour la totalité des sommes que la victime peut lui réclamer (dans les limites de la garantie stipulée à la police, si cette garantie n'est pas illimitée), c'est-à-dire à la hauteur de la poursuite à laquelle l'assuré est exposé (Cass. civ. 1, 23 juin 1987, n° 85-13.653, Société Coopérative des Producteurs de la région de Châtellerault c/ Compagnie d'assurances La Foncière et autres N° Lexbase : A1169AHR, Bull. civ. I, n° 203 ; JCP éd. G, 1987, IV, n° 301 ; RGAT 1987, p. 596, obs. R. Bout). Lorsque l'assureur de responsabilité aura exécuté la totalité de la condamnation prononcée contre son assuré et les coresponsables, il sera subrogé dans les droits de son assuré pour se faire rembourser par les coresponsables de leur part contributoire, telle que le juge l'aura fixée en prononçant la condamnation in solidum (Cass. civ. 1, 3 janvier 1996, n° 93-18.070, La Mutuelle du Mans c/ Mme Coutant N° Lexbase : A9403ABU, JCP éd. G, 1996, IV, n° 414). Et, si ces coresponsables sont eux-mêmes couverts par une assurance de responsabilité, l'assureur qui aura indemnisé la victime pourra également se retourner contre les assureurs des coresponsables".
(22) Là-dessus, cf. infra.
(23) Cass. civ. 1, 21 janvier 1997, n° 94-19.689, Société Legendre c/ Compagnie Le Continent et autres (N° Lexbase : A0063ACC), Bull. civ. I, n° 24 ; D. 1997, IR p. 41 ; Resp. civ. et assur. 1997, Chron n° 4 par H. Groutel ; RGDA 1997, p. 542, note Mayaux.
(24) Cass. civ. 3, 9 décembre 1998, n° 97-13.550, Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment (CAMB) et autres c/ M. Louis Hospice et autres, inédit (N° Lexbase : A5883CQX), D. 1999, p. 228, obs. H. Groutel.
(25) Cass. com., 2 février 1999, n° 96-17.912, Société Sovedi France c/ Assurances générales de France (AGF)et autres (N° Lexbase : A3755AUM), RGDA 1999, p. 677, note Ph. Remy.
(26) Comp. avec les judicieuses observations d'Hubert Groutel, dans sa chronique de droit des assurances (D. 2006, p. 1784 et s.), lorsque le tiers lésé agit en même temps contre l'assuré et contre l'assureur par voie d'action directe, l'assureur a "malgré l'absence de [sa] condamnation dans le dispositif du jugement, un intérêt propre à interjeter appel d'une décision retenant la responsabilité de son assuré, laquelle conditionnait au moins pour partie l'action directe suivie à son encontre". S'arrêtant sur cette formule : "conditionnait[...] l'action directe" et dénonçant son ambiguïté, "car, prise littéralement, elle pourrait signifier que l'action directe contre l'assureur de responsabilité ne peut être exercée qu'à la condition qu'une action ait été préalablement exercée contre l'assuré et une condamnation de ce dernier, intervenue", l'auteur soulignait que "la décision retenant la responsabilité de l'assuré a une influence sur l'action directe, en ce sens qu'elle va donner l'étendue de la dette de l'assureur lui-même à l'égard de la victime". Le propos demeure exact dans le contexte qui est le nôtre où la victime agit à la fois contre l'assureur de son vendeur ayant appelé en garantie l'assureur de son propre fournisseur et par voie d'action directe contre ce dernier. Il en va de la détermination de l'étendue de la dette de cet assureur !
(27) Cf., toutefois, Cass. com., 8 février 2000, n° 97-10794, M. Rochut c/ Société Axa assurances et autre (N° Lexbase : A5738CGM), Bull. civ. IV n° 26 ; D. 2000, IR, p. 92, qui, au visa des articles 334 (N° Lexbase : L2557AD3) et 335 (N° Lexbase : L2558AD4) du NCPC pose en principe que "l'appel en garantie simple ne crée pas de lien juridique entre le demandeur à l'action principale et le garant".
(28) Cf. Cass. Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, M. Gilbert Cesareo, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU), rejetant le pourvoi formé par une personne qui, postérieurement au décès de son père agriculteur, avait assigné la succession aux fins d'obtenir paiement de l'aide "apportée à la ferme" par une première demande fondée sur le salaire différé défini par le Code rural. Débouté de ce chef par une décision passée en force de chose jugée, l'intéressé intenta une nouvelle action en modifiant le fondement juridique de sa demande, assise cette fois sur l'enrichissement sans cause. Cette différence de fondements juridiques n'a pas suffit à convaincre que cette seconde demande ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée. C'est considérer que la cause n'est pas nouvelle, malgré la différence de fondement, l'identité d'objet et de personnes étant ici évidentes. Le rejet est ainsi motivé : "Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; Qu'ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d'une somme d'argent à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie financière, la cour d'appel en a exactement déduit que Gilbert Y. ne pouvait être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé". Il faut, il est vrai, noter que la consécration de cette conception large de la cause est motivée par une obligation de concentration des demandes (là-dessus, cf. les explications fournies dans le Rapport annuel 2006, en ligne sur le site de la Cour de cassation).

newsid:283594