La lettre juridique n°256 du 19 avril 2007 : Social général

[Evénement] Philosophie et application de la réforme de l'épargne salariale et des dividendes du travail : le point de vue de Maître Alain Sauret

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[Evénement] Philosophie et application de la réforme de l'épargne salariale et des dividendes du travail : le point de vue de Maître Alain Sauret. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209045-evenement-philosophie-et-application-de-la-reforme-de-lepargne-salariale-et-des-dividendes-du-travai
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par Compte-rendu réalisé par Aurélie Serrano, SGR - Droit social

le 07 Octobre 2010


Le 5 avril 2007, les Petites affiches ont organisé, dans le cadre des colloques Lextenso et en partenariat avec Capstan avocats, une formation sur le thème de la loi sur l'actionnariat salarié du 30 décembre 2006 (loi n° 2006-1770, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social N° Lexbase : L9268HTG). Ainsi que le souligne Emmanuelle Filiberti, rédactrice en chef des Petites affiches, cette loi a ajouté de la lisibilité au dispositif et a contribué, d'une part, à mieux ancrer les dispositifs d'épargne salariale dans les entreprises qui en disposaient déjà et, d'autre part, à les étendre aux entreprises qui en étaient dépourvues. Au final, l'ensemble du dispositif de participation et d'actionnariat est rénové et les impacts, tant sur le plan social et fiscal que sur le plan comptable, sont nombreux. Nous avons choisi de vous présenter un compte-rendu de l'intervention de Maître Alain Sauret, président du conseil de surveillance de Capstan avocats, sur l'épargne salariale et les dividendes du travail.



1. Le contexte de la réforme

Ainsi que le relève Alain Sauret, la méthode adoptée pour parvenir à la loi de 2006 fait ressortir, notamment, la concurrence entre les différents ministères, mais aussi la lente évolution du projet, au gré des nombreuses consultations du Sénat et de l'Assemblée nationale. Au final, la fusion obtenue entre les différentes visions, au départ divergentes, donne un texte riche et cohérent. La loi de 2006 s'inscrit dans une démarche complémentaire de la loi "Fabius" (loi n° 2001-152 du 19 février 2001, sur l'épargne salariale N° Lexbase : L5167ARS). Alors que cette dernière visait à favoriser la mise en place de différents plans d'épargne, la loi de 2006 a pour but de multiplier les possibilités de mise en place de la participation, de l'intéressement, et de l'actionnariat salarié. La volonté du législateur, en instaurant la notion de dividende du travail, est, plus que jamais, d'associer les salariés aux résultats de l'entreprise, au même titre que les actionnaires eux-mêmes (sur ce sujet, lire Jean-Baptiste Lenhof, Réflexion sur les aspects de droit des sociétés de la nouvelle notion de "dividende social", Lexbase Hebdo n° 240 du 13 décembre 2006 - édition privée générale [LXB=N4132A9W ])

2. La notion de dividende du travail

Selon Alain Sauret, la définition de dividende du travail retenue par le législateur est une définition "fourre-tout" qui englobe tout ce que crée la loi, tout en excluant certaines dispositions de lois antérieures qui auraient pu venir s'y greffer. En réalité, la définition retenue participe, avant tout, d'une volonté politique d'imposer le vocable.

Sont, ainsi, qualifiés de dividendes du travail aux termes de l'article 1er de la loi :

- le supplément d'intéressement ou de participation, versé en application de l'article L. 444-12 du Code du travail (cf. 2.) ;

- les droits inscrits à un compte épargne-temps (CET) versés sur un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) ou un plan d'épargne d'entreprise (PEE), dans les conditions et selon les modalités visées au second alinéa de l'article L. 443-2 du Code du travail et à l'article 163 A du Code général des impôts. Selon Alain Sauret, il est excessif de qualifier les droits qui peuvent être inscrits à un CET de dividendes du travail. Ces droits correspondent, en effet, à un salaire ou, au moins, à un temps monétarisable. On le voit bien, ici encore, la définition de dividendes du travail répond à la volonté politique de favoriser les dispositifs d'actionnariat salarié et d'étendre la participation et l'intéressement ;

- les attributions d'actions gratuites destinées à être versées sur un plan d'épargne d'entreprise (PEE), distribuées en application du troisième alinéa de l'article L. 443-6 du Code du travail ;

- la disponibilité immédiate des dividendes attachés aux actions détenues dans le cadre d'un fonds commun de placement d'entreprise dont plus du tiers de l'actif est composé de titres émis par l'entreprise, dans les conditions prévues au onzième alinéa de l'article L. 214-40 du Code monétaire et financier ;

- la réserve dérogatoire de participation, conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code du travail.

3. Le supplément d'intéressement et le supplément de participation

Selon Alain Sauret, le supplément d'intéressement mérite quelques commentaires. En effet, ce supplément, dont la nature juridique est assimilée à celle de l'intéressement triennal de base par référence à l'article L. 441-4 du Code du travail, doit être décidé au moment de la clôture de l'exercice. Dès lors, s'il répond au même caractère collectif que l'intéressement triennal classique, il est adopté en violation du principe aléatoire. Ce supplément se démarque donc, sur ce point, de l'intéressement triennal, qu'il a d'ailleurs pour vocation de venir compléter ou remplacer (sur ce sujet, lire Fabien Girard de Barros, Redistributions collectives et actionnariat : "l'important, c'est de participer", Lexbase Hebdo n° 235 du 8 novembre 2006 - édition lettre juridique N° Lexbase : N4922ALU).

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Ainsi que le souligne Alain Sauret, l'appréciation de la date de clôture de l'exercice peut, également, susciter quelques difficultés d'interprétation. En effet, faut-il prendre en compte l'exercice clos au moment de la décision de mise en place d'un supplément ou au moment de l'entrée en vigueur de la loi sur l'actionnariat salarié du 30 décembre 2006 ? L'Acoss a penché en faveur de cette seconde option, ce qui rend le supplément possible immédiatement. En revanche, certains praticiens ou auteurs de doctrine ont retenu la première conception. Aujourd'hui, la discussion n'est pas tranchée mais la publication d'un questions-réponses aux alentours de la fin avril, de deux instructions fiscales ainsi que d'un décret et d'une circulaire dans le courant du mois de mai devraient permettre de clore la question.

En ce qui concerne le versement tant d'un supplément d'intéressement que d'un supplément de participation, la décision appartient au conseil d'administration ou au directoire ou, à défaut, au chef d'entreprise. Cette décision ayant une influence sur les dividendes distribués aux actionnaires, elle doit être soumise à l'assemblée générale. Le supplément pourra donc être décidé par un organe de direction et pourra être versé selon les modalités de répartition prévues par l'accord de base. Il est toutefois possible, tant pour le supplément d'intéressement que pour le supplément de participation, de conclure un accord prévoyant des modalités de répartition spécifique. Cette dernière option est, d'ailleurs, assez courante étant donné que la notion même de supplément n'obéit pas à la même logique que l'intéressement de base. La mise en place d'un versement égalitaire du supplément pourra spontanément être préférée à une répartition proportionnelle aux salaires.

Le supplément d'intéressement et le supplément de participation doivent respecter les plafonds individuels et collectifs mentionnés dans le premier cas aux sixième et huitième alinéas de l'article L. 441-2 du Code du travail et, dans le second cas, à l'article L. 442-6 du Code du travail.

Selon Alain Sauret, on peut se demander si la notion même de supplément ne va pas inciter les partenaires sociaux à être encore plus exigeants lors d'une future négociation d'un accord de participation ou d'intéressement. Pourtant, le supplément doit, rappelons-le, être clairement distingué de l'accord de participation ou d'intéressement de base. Il serait d'ailleurs logique de penser que le supplément puisse contribuer à pallier un accord aux termes duquel l'intéressement ou la participation serait nul. Toutefois, selon la Direction générale du travail, en désaccord sur ce point avec le ministère du Travail, il ne peut y avoir d'autonomie entre l'accord de base et le supplément et ce dernier ne peut être versé que si l'intéressement ou la participation de base existe.

4. L'intéressement de projet

L'article 4 de la loi du 30 décembre 2006 crée, également, une nouvelle catégorie d'intéressement par l'ajout d'un alinéa à l'article L. 441-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7694HBL). Il s'agit de l'"intéressement de projet". Selon la nouvelle disposition, "dans les entreprises ou groupes disposant d'un accord d'intéressement et concourant avec d'autres entreprises à une activité caractérisée et coordonnée, un accord peut être conclu pour prévoir que tout ou partie des salariés bénéficie d'un intéressement de projet". Selon Alain Sauret, des incertitudes pourraient naître lors de l'application de l'intéressement de projet, notamment en ce qui concerne son objet et son périmètre. En effet, la mise en oeuvre de cet intéressement peut se faire au sein d'un même groupe ou dans les entreprises qui n'ont pas entre elles de lien financier. En outre, l'intéressement de projet peut viser les salariés d'une entreprise ou d'une partie d'entreprise, telle que l'établissement ou l'unité de travail.

Seules les entreprises qui sont déjà couvertes par un accord "classique" d'intéressement peuvent mettre en oeuvre un intéressement de projet. Ce dernier obéit donc à toutes les caractéristiques de l'accord d'intéressement telles que prévues par l'article L. 441-1 du Code du travail : caractère pluriannuel, collectif et aléatoire, respect des délais de signature et de dépôt... Mais, attention, cela ne signifie pas qu'il faille confondre l'intéressement de projet avec le supplément d'intéressement.

L'accord d'intéressement de projet peut être négocié dans deux cadres différents. Si le projet n'implique que tout ou partie des salariés d'une même entreprise ou d'un même groupe, dans cette hypothèse, l'accord devra être négocié dans les mêmes conditions qu'un accord d'intéressement de droit commun, c'est-à-dire conformément à l'article L. 441-1 du Code du travail. En revanche, si le projet implique des salariés d'entreprises qui ne constituent pas un groupe, l'accord devra être négocié dans les mêmes conditions que celui instituant un plan d'épargne interentreprises (PEI) (C. trav., art. L. 443-1-1 N° Lexbase : L8388ASH).

Toutefois, pour Alain Sauret, la règle de la majorité des deux tiers devra être entendue uniquement des salariés entrant dans le champ d'application du projet.

De plus, le législateur a prévu une période spécifique de calcul de l'intéressement de projet puisque celle-ci peut être liée à la durée du projet. Toutefois, la durée de l'accord ne pourra pas excéder 3 ans. Il faut veiller, cependant, à ne pas conclure un accord d'une durée trop courte, ce qui pourrait compromettre le respect du principe aléatoire.

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