La lettre juridique n°252 du 15 mars 2007 : Éditorial

Adieu Walras, les théoriciens de la "concurrence imparfaite" au chevet de la clause de non-concurrence

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N3328BAI

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Adieu Walras, les théoriciens de la "concurrence imparfaite" au chevet de la clause de non-concurrence. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208994-adieuwalraslestheoriciensdelaconcurrenceimparfaiteauchevetdelaclausedenonconcurrence
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


A la manière des naturalistes, fervents de l'école classique des économistes des XVIIIème et XIXème siècles, nous avions déjà pu, dans ces colonnes, faire remarquer l'incongruité de la clause de non-concurrence en droit du travail, intervenant dans une sphère entreprenariale pour laquelle les vertus de la concurrence sont, sans cesse, louées (et contrôlées par les autorités administratives indépendantes), aux fins de dynamisme et de développement économiques. Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 7 mars dernier nous interpelle, également, lorsqu'il énonce que le montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence (car nul n'ignore plus, depuis 2002, que la clause sans contrepartie est nulle) ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat, ni son paiement intervenir avant la rupture. S'il n'est pas question, bien entendu et ici, de discuter l'analyse juridique des juges suprêmes, force est de constater que les conséquences de cette décision font montre de peu de pragmatisme économique. Nul ne peut remettre en cause l'idée selon laquelle le fait de limiter l'employabilité d'un ancien salarié lui cause nécessairement un préjudice, qui comme tout préjudice, se doit d'être indemnisé. Durant les premières années jurisprudentielles du principe de contrepartie financière à la clause de non-concurrence, la règle avait ceci de générale, que l'employeur pouvait proposer au salarié une indemnité calculée selon des éléments objectifs, quels qu'ils soient, et versée durant le contrat, comme à l'exécution de la clause, à partir du moment où le montant de l'indemnité n'était pas dérisoire et où elle était parfaitement identifiable contractuellement. La latitude ainsi laissée à l'employeur revêtait, à notre sens, un certain réalisme de l'entreprise. Car de deux choses l'une ; soit le salarié ne dispose pas d'une compétence propre à l'entreprise, et ne constitue pas une véritable valeur ajoutée pour son développement, et la clause sera, le plus souvent, levée ; soit le salarié, par son expérience dans l'entreprise, par sa formation continue promue et financée par son employeur, présente cette compétence essentielle sur le secteur d'activité concernée, et l'entreprise opposera la clause de non-concurrence afin de ne pas voir le fruit de son investissement en matière de ressources humaines bénéficier à ses concurrents. Si, comme le souligne le Professeur Christophe Radé, il est pertinent que le calcul de l'indemnité prenne en compte, comme le précise également la Haute juridiction, d'autres éléments que la seule durée d'exécution du contrat, est-il erroné de rappeler que la compétence, et donc la valeur sur le marché de l'emploi, du salarié se bonifie avec le temps, et que plus la durée d'exécution du contrat de travail est longue, plus sa valeur accroît, et plus l'indemnité doit être élevée ; le salarié disposant progressivement d'une capacité accrue d'employabilité dans le même secteur d'activité. Ainsi, cette "ancienneté" du salarié dans l'entreprise constitue de facto l'élément le plus pertinent en faveur du calcul de l'indemnité. Par ailleurs, concernant les modalités de paiement de l'indemnité compensatrice d'une clause de non-concurrence, l'arrêt de la Cour de cassation demeure ambigu, comme le rapporte le Professeur Christophe Radé, et demandera des éclaircissements à venir. Mais, si cette jurisprudence déclare, effectivement, nulle la contrepartie versée avant la fin du contrat, le caractère excessif de cette affirmation pourrait jouer finalement contre les intérêts mêmes du salarié. N'en déplaise aux économistes de l'école néoclassique, la concurrence pure et parfaite est une situation hypothétique qui ne se rencontre pratiquement jamais dans la réalité, et l'employeur préfèrera verser une indemnité de non-concurrence chaque mois à son salarié pour lui témoigner de sa valeur et l'encourager à une exécution de bonne foi de son contrat de travail, plutôt que de le sanctionner, a posteriori, en lui opposant une clause de non-concurrence et en lui versant une indemnité d'inactivité. Avec cette première modalité de paiement de l'indemnité, la clause de non-concurrence joue pleinement et le salarié aura pu bénéficier immédiatement de ce complément de salaire, qui indirectement l'encourage à la fidélité envers l'entreprise. Car après tout, c'est l'entreprise qui prend ainsi un risque en cas de non-respect par le salarié de sa clause de non-concurrence... le recouvrement de créance pour défaut d'exécution n'étant jamais chose aisée...

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