Réf. : CAA Marseille, 6ème ch., 4 décembre 2006, n° 04MA01042, SAS Onet Services (N° Lexbase : A9079DTG)
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le 07 Octobre 2010
I- La recevabilité des actions en responsabilité quasi-contractuelle et en responsabilité quasi-délictuelle
3- Si les voies de droit offertes aux contractants sont nombreuses (A), leur articulation repose sur des règles solidement établies qui visent à réparer au plus juste le préjudice qu'ils ont subi du fait de la nullité de leur contrat (B).
A- La pluralité des actions offertes aux cocontractants
4- Les parties à un contrat administratif ont plusieurs moyens d'actions leur permettant d'obtenir devant le juge le paiement d'indemnités auxquelles elles estiment avoir droit. Leur première possibilité consiste tout naturellement à saisir le juge administratif d'une action en responsabilité contractuelle, laquelle vise à contraindre les parties à réparer les préjudices découlant de la méconnaissance des obligations nées du contrat. L'une des caractéristiques essentielles de cette responsabilité contractuelle est son caractère attractif ou absorbant : les parties ne peuvent rechercher leur responsabilité respective que dans le cadre de leur contrat et il leur est donc impossible d'intenter une action en responsabilité extracontractuelle pour régler un litige qui a une origine contractuelle (6). C'est sur ce terrain exclusif de la responsabilité contractuelle que s'était placée la SAS Onet Services devant le tribunal administratif de Marseille pour obtenir réparation du préjudice lié à la rupture du marché par le département. Seulement, la déclaration de nullité du contrat litigieux a anéanti les chances de succès de la société requérante sur ce terrain car la recherche de la responsabilité contractuelle de la collectivité publique est conditionnée, comme on l'a dit, par l'existence d'un contrat valide.
5- Il ne restait plus, alors, à la société requérante qu'à utiliser une autre voie de droit pour obtenir gain de cause. L'une d'entre elles est celle de l'action en responsabilité quasi-contractuelle (7) et elle renvoie en réalité à trois catégories distinctes : l'action en répétition de l'indu, la gestion d'affaires et l'enrichissement sans cause, seule cette dernière nous intéressant ici (8). Trouvant sa source dans le droit romain, cette action est aujourd'hui pleinement admise par la jurisprudence administrative qui ne manque pas de s'inspirer des solutions consacrées par la Cour de cassation dans le silence du Code civil (9). Par son arrêt de section du 14 avril 1961, "Ministre de la Reconstruction et du Logement c/Société Sud-Aviation", le Conseil d'Etat l'a même érigée au rang de principe général du droit et elle est le pendant d'un autre principe général du droit, celui selon lequel on ne saurait condamner une personne publique à payer une somme qu'elle ne doit pas (10). L'action de in rem verso peut être engagée pour régler les conséquences indemnitaires de relations bilatérales d'échange de "pur fait" (11) ce qui renvoie en pratique à deux grandes hypothèses. Dans la première, il s'agit de reconnaître l'enrichissement sans cause d'une personne ayant bénéficié de prestations réalisées en dehors de toute base conventionnelle mais reposant néanmoins sur l'apparence d'une relation contractuelle (12). Dans la seconde, qui était directement en cause dans notre affaire, il s'agit d'utiliser l'action de in rem verso pour régler les conséquences indemnitaires découlant de la nullité d'un contrat. On sait, en effet, que les causes de nullité des contrats administratifs sont nombreuses et bien souvent décelées alors que le contrat a reçu un commencement d'exécution, voire a déjà été entièrement exécuté. Dans ce cas, le cocontractant de l'administration se trouve dans l'impossibilité d'invoquer devant le juge une quelconque créance contractuelle, le contrat nul étant censé n'avoir jamais existé, et l'équité commande bien évidemment qu'il soit justement indemnisé.
6- Pour obtenir une réparation complète, le cocontractant doit placer son action sur le terrain de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle en demandant au juge administratif de constater que la nullité du contrat soit la conséquence d'une faute commise par l'administration (13). Dès lors que toute illégalité commise par l'administration est fautive (en matière contractuelle au moins (14)) et engage la responsabilité de son auteur (15), il n'y a en effet aucune raison de ne pas autoriser la victime à compléter son action en responsabilité quasi-contractuelle par une action en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle.
B- L'articulation entre les différentes voies de droit
7- La combinaison entre les trois voies de droit évoquées, responsabilité contractuelle, quasi-contractuelle et délictuelle ou quasi-délictuelle, dans le cas de la nullité d'un contrat administratif repose sur les règles suivantes. Tout d'abord, et c'est une solution classique, la déclaration de nullité du contrat fait obstacle à ce que le cocontractant de l'administration puisse saisir le juge administratif d'une action en responsabilité contractuelle (supra n°4). Ensuite, rien n'interdit au cocontractant de compléter son action en responsabilité quasi-contractuelle (afin d'obtenir le remboursement des sommes utiles à l'administration, mais indûment perçues) d'une action en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle (pour obtenir réparation du préjudice liée à la faute commise par l'administration). Ce principe de la combinaison entre les deux actions est clairement rappelé par la cour administrative d'appel de Marseille dans l'arrêt du 4 décembre 2006 : "le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers de laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat". Le cumul des deux actions rencontre, cependant, une limite importante : la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de la collectivité ne peut être retenue que si "le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles [au titre de l'enrichissement sans cause] ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procuré". Cela signifie en d'autres termes que l'action en responsabilité quasi-délictuelle ne doit pas être utilisée par l'ex-cocontractant de l'administration pour s'enrichir aux dépens de la collectivité (16).
8- Ce cumul de responsabilités est d'autant plus favorable aux intérêts des anciens cocontractants de l'administration que le Conseil d'Etat considère, depuis son arrêt "Société Citécable Est" du 20 octobre 2000, que les conclusions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle et sur la responsabilité quasi-contractuelle sont recevables même si elles sont présentées pour la première fois en appel. Cette solution déroge aux règles classiques de la procédure administrative contentieuse. On sait qu'en principe la juridiction administrative d'appel ne peut statuer que sur les conclusions présentées aux juges de première instance et qu'elle doit donc rejeter comme irrecevables les conclusions nouvelles. Cela interdit donc au demandeur de première instance d'invoquer en appel des moyens se rattachant à une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance, sauf s'il s'agit de moyens d'ordre public invocables en tout état de cause. Appliquée à la matière contractuelle, cette règle signifiait avant l'arrêt "Société Citécable Est" que le cocontractant de l'administration ayant saisi le juge en première instance sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne pouvait pas, en appel, se placer sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle, sachant que ni l'action en responsabilité quasi-délictuelle ni l'action en responsabilité quasi-contractuelle ne sont d'ordre public. Pour classique qu'elle soit, cette solution pouvait heurter car il arrivait très souvent en pratique qu'un requérant ayant agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle se voyait opposer la nullité du contrat par le juge (laquelle peut être soulevée d'office) et ne pouvait pas prolonger son action contentieuse devant le juge d'appel en invoquant l'enrichissement sans cause et la faute de la collectivité. Il lui restait, alors, ce qui était une perte de temps regrettable et une cause d'encombrement des juridictions, à saisir à nouveau le juge de première instance de conclusions fondées sur ces deux causes juridiques. Par son arrêt précité du 20 octobre 2000, le Conseil d'Etat a corrigé ces inconvénients en affirmant que "lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les contractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles". La cour administrative d'appel de Marseille reprend à son compte ce considérant de principe en y ajoutant que les actions en responsabilité quasi-délictuelle et quasi-délictuelle sont recevables même dans l'hypothèse où la déclaration de nullité du contrat fait suite à une demande formulée par l'un des contractants en première instance. Cette précision est importante car, en l'espèce, le département des Bouches-du-Rhône avait riposté à l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre lui en invoquant la nullité du contrat. Il y avait donc un point commun entre l'affaire jugée par la cour administrative d'appel de Marseille et celle jugée par le Conseil d'Etat : l'action en nullité a été utilisée dans les deux cas par l'une des parties comme une sorte de moyen de défense pour se délier de ses obligations contractuelles. Mais il y avait également une différence qui aurait pu justifier une solution distincte : alors que la nullité du contrat avait été invoquée pour la première fois en appel dans l'affaire "Société Citécable Est" (ce qui portait à croire que la nullité avait véritablement été découverte à ce stade et non avant), elle avait été soulevée par le département des Bouches-du-Rhône dès le stade de la première instance dans le litige l'opposant à la SAS Onet Services. Et, dès lors que cette dernière avait connaissance des risques pesant sur le contrat au premier stade de la procédure contentieuse, le juge administratif aurait pu considérer que sa demande fondée sur la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle du département était irrecevable en appel faute d'avoir été invoquée plus tôt. Une telle solution n'était pas totalement à exclure : la cour administrative d'appel de Nancy avait opté en ce sens dans un arrêt du 4 décembre 2003 (17) à propos d'une société qui avait maintenu son action sur le seul terrain de la responsabilité contractuelle devant le tribunal administratif alors que celui-ci lui avait clairement indiqué qu'il était susceptible de soulever le moyen d'ordre public tiré de la nullité du contrat. En se ralliant à la position du Conseil d'Etat, les juges marseillais ont, certainement, été sensibles au fait qu'il fallait simplifier les règles applicables en la matière et qu'il n'était sans doute pas bon d'ajouter une exception à la "jeune" jurisprudence "Société Citécable Est".
II- L'exercice des deux actions en responsabilité quasi-contractuelle et en responsabilité quasi-délictuelle
9- Bien que jugeant les deux actions de la société requérante en responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle recevables, la cour administrative d'appel de Marseille ne leur a pas réservé le même sort au fond. Alors que les conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause ont été rejetées (A), celles exercées sur le terrain de la faute quasi-délictuelle ont été retenues (B).
A- Le rejet au fond de l'action en responsabilité quasi-contractuelle du département
10- Si le juge administratif fait preuve d'une certaine souplesse en admettant qu'un ex-cocontractant puisse mener de concert, y compris pour la première fois en appel, une action en responsabilité quasi-délictuelle et une action en responsabilité quasi-contractuelle, il veille toutefois à ce que le souci de protection des cocontractants de l'administration n'excède pas les limites de l'équité. Il attache, en effet, une grande importance au respect des conditions d'engagement de la responsabilité quasi-contractuelle de la collectivité publique. A l'enrichissement du débiteur poursuivi doit correspondre un appauvrissement corrélatif du titulaire de l'action, aucune cause juridique ne doit expliquer l'enrichissement (absence de tout contrat valide, par exemple, ou d'une quelconque obligation légale ou réglementaire à la charge du créancier) et l'appauvrissement (absence de faute ou d'intention libérale du créancier) et aucune autre voie de droit ne doit permettre au débiteur de faire valoir ses prétentions. En l'espèce, les faits ne prêtaient pas à discussion : alors que la société requérante invoquait les prestations de nettoyage réalisées sur la période courant du 1er septembre 1999 au 15 mars 2000, l'instruction a fait apparaître qu'elles avaient été payées. Par ailleurs, concernant la période courant du 16 mars au 22 mai 2000, les juges marseillais ont établi qu'elle n'avait "effectué aucune prestation de nature à établir que les dépenses qu'elle a exposées auraient été utiles au département des Bouches-du-Rhône".
11- S'il ne présente, en lui-même, aucune nouveauté fondamentale sur les conditions d'engagement de la responsabilité quasi-contractuelle, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille permet de rappeler que les exigences du juge administratif sont très fortes. La jurisprudence récente en témoigne. Dans l'arrêt "Me Malmezat Prat" lu le 24 novembre 2006 (18), le Conseil d'Etat était saisi du litige opposant la communauté urbaine de Bordeaux (la CUB) à la Société pour la concession du métro et du réseau de bus de l'agglomération bordelaise (la Société MB2). Plus précisément, après avoir confié par contrat à la Société MB2 la mission de préparer le projet de traité de concession du futur métro et du réseau de bus, l'établissement public de coopération intercommunale avait fini par abandonner son projet initial de concession de métro à Bordeaux. Saisi par la CUB d'une action en résiliation, le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré nulle ladite convention dans un premier jugement avant de condamner l'établissement public à payer une indemnité à la Société MB2 dans une seconde décision. Estimant qu'elle ne couvrait pas l'intégralité de son préjudice, le mandataire de cette dernière, placée en liquidation judiciaire, a saisi la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté son recours au motif que l'abandon du projet de réalisation d'un métro faisait obstacle à ce qu'elle obtienne, au titre de l'enrichissement sans cause, une indemnisation de la totalité de ses dépenses. En cassation, le Conseil d'Etat a validé ce raisonnement en prenant soin d'indiquer qu'il fallait distinguer la question de la consistance des prestations exécutées par l'ex-cocontractant de celle de leur utilité pour l'administration. Alors que les dépenses engagées par l'ex-cocontractant doivent être évaluées au moment où elles sont exécutées, leur utilité pour l'administration doit être appréciée par le juge administratif "à la date à laquelle il statue en tenant compte éventuellement de l'évolution des travaux ou du projet depuis leur exécution". Ce décalage dans l'appréciation des deux conditions d'engagement de la responsabilité quasi-contractuelle a pour conséquence directe d'exclure l'indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause en cas d'abandon du projet par l'administration, les dépenses engagées par son ex-cocontractant devenant inutiles du fait de cet abandon. Ne sont pas susceptibles de changer cet état de fait la circonstance que le projet aurait été abandonné pour des considérations étrangères à l'intérêt général ou que les dépenses ont été engagées par l'ex-cocontractant en vue d'assurer une exécution complète du contrat déclaré nul. La seule solution est, alors, pour l'ancien contractant de saisir le juge administratif d'une action en responsabilité quasi-délictuelle. Ce n'est que dans l'hypothèse, sans doute assez rare en pratique, où la renonciation au projet trouve sa source dans les difficultés révélées par les études effectuées par l'ex-cocontractant que ce dernier peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la personne publique.
12- Dans l'hypothèse où toutes les conditions d'engagement de la responsabilité quasi-contractuelle de l'administration sont réunies, le juge administratif prend garde à ne pas indemniser son ancien cocontractant plus qu'il ne le faut. L'action en répétition de l'enrichissement sans cause ne peut pas être utilisée pour réparer l'intégralité du préjudice subi par le partenaire de la personne publique du fait du constat de la nullité du contrat, elle peut seulement être activée pour contraindre l'administration à payer les sommes correspondant aux prestations réalisées par son cocontractant et qui lui ont été utiles.
B- La reconnaissance de la responsabilité quasi-délictuelle du département
13- Les exigences du juge administratif relatives à la réalisation des conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité quasi-contractuelle de la collectivité publique étant particulièrement fortes, il est judicieux pour l'ancien cocontractant d'ajouter à sa demande d'indemnisation fondée sur l'enrichissement sans cause une action en responsabilité quasi-délictuelle. Elle lui permettra dans le meilleur des cas d'obtenir un complément d'indemnisation à condition, toutefois, que l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée (19). Elle lui permettra, ensuite, dans le pire des scénarii (autrement dit lorsque l'enrichissement sans cause n'est pas constitué) de prétendre à une indemnisation des conséquences liées à la faute commise par l'administration. Tel était le cas dans l'affaire "SAS Onet Services". Le département des Bouches-du-Rhône avait, à l'évidence, commis une faute en organisant, dans le cadre de la procédure d'appel d'offres, une réunion d'information au cours de laquelle les candidats invités ont bénéficié d'informations, alors que les dossiers de consultation avaient continué à lui être adressés. Sans surprise, la cour administrative d'appel de Marseille a vu, dans l'organisation de cette réunion, une atteinte au libre jeu de la concurrence et au principe d'égalité des candidats à un marché public et a conclu à l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle du département.
14- Se posait, alors, la question du préjudice indemnisable. Selon une jurisprudence bien établie (20), "il appartient au cocontractant de l'administration qui entend obtenir l'indemnisation du préjudice que lui a causé la faute commise par cette administration en signant un contrat entaché de nullité, de justifier de la réalité de son préjudice, et notamment des dépenses et des charges qu'il a supportées pour exécuter ce contrat ainsi que de la perte de bénéfice". La SAS Onet Services ayant produit devant la cour divers courriers attestant de l'immobilisation de son personnel pendant une période de neuf semaines, les juges ont estimé que le préjudice subi par elle s'élevait à 301 835,71 francs (soit 46 014,56 euros). Toutefois, le département des Bouches-du-Rhône n'a été condamné qu'à régler les trois quarts de cette somme (soit 34 510,92 euros). Si la faute quasi-délictuelle était bien constituée et le lien de causalité entre la faute et le préjudice établi (21), la cour administrative d'appel de Marseille a mis en évidence que la SAS Onet Services avait elle-même commis une faute de nature à atténuer la responsabilité du département (22). La société requérante avait, en effet, participé à la réunion d'informations organisée par la collectivité territoriale et tout porte à croire qu'elle avait pu y glaner des renseignements qui lui ont permis par la suite de remporter le marché. Pour cette raison, les juges marseillais ont estimé que le département n'était responsable qu'à hauteur de 75 % du préjudice subi par la SAS Onet Services.
François Brenet
Maître de Conférences en droit public à l'Université de Tours
(1) H. Savoie, conclusions sur CE, 20 octobre 2000, n° 196553, Société Citécable Est (N° Lexbase : A9119AH9), RFDA 2001, p. 359 et spéc. p. 364.
(2) H. Savoie, conclusions précitées, RFDA 2001, p. 367.
(3) D. Pouyaud, La nullité des contrats administratifs, LGDJ 1991, BDP, tome 158.
(4) CAA Marseille, 4 décembre 2006, n° 04MA01042, SAS Onet Services, Dr. Adm. 2007, comm. 4, O. Guillaumont.
(5) CE, 20 octobre 2000, Société Citécable Est, précité, Rec. 457, RFDA 2001, p. 359, concl. H. Savoie, RDP 2001, p. 376, obs. C. Guettier.
(6) CE 3° et 5° s-s-r., 1er décembre 1976, n° 98946, Berezowski (N° Lexbase : A1417B7M), Rec. 521.
(7) F. Moderne, Les quasi-contrats administratifs, Sirey, 1995.
(8) Sur ce quasi-contrat administratif, voir G. Bayle, L'enrichissement sans cause en droit administratif, LGDJ 1973 ; C. Moniolle, Enrichissement sans cause, Encyclopédie Dalloz, Responsabilité de la puissance publique.
(9) C. cass., 19 juin 1892, D. 1892, I, 596.
(10) CE, 9 mars 1971, Sieur Mergui, Rec. 235 ; concl. M. Rougevin-Baville, RDP 1972, p. 234, note M. Waline.
(11) H. Savoie, conclusions précitées, p. 362.
(12) CE 3° et 8° s-s-r., 25 octobre 2004, n° 249090, Commune du Castellet N° Lexbase : A6708DDS : RJEP 2005, n° 617, p. 69, concl. E. Glaser ; CMP 2004, n° 258, comm. J.-P. Piétri ; CT-Intercommunalité janvier 2005, n° 9, comm. L. Erstein. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a reconnu l'enrichissement sans cause de la commune du Castellet qui avait bénéficié des prestations offertes par un syndicat intercommunal alors qu'aucun contrat ne les liait.
(13) CE 2° et 6° s-s-r., 19 avril 1974, n° 82518, Société Entreprises Louis Segrette (N° Lexbase : A3000B8M), Rec. 1052.
(14) Tel n'est pas le cas en matière de loi inconventionnelle comme en a décidé récemment le Conseil d'Etat : CE, 8 février 2007, n° 279522, M. Gardedieu (N° Lexbase : A2006DUT).
(15) CE, 26 janvier 1973, n° 84768, Ville de Paris c/ Sieur Driancourt (N° Lexbase : A7586B8H), Rec. 78, concl. M. Gentot.
(16) Pour un rappel de cette limite : CE, 20 octobre 2000, Société Citécable Est, précité ; CE, 2° et 7° s-s-r., 16 novembre 2005, n° 262360, M. Auguste c/ Commune de Nogent-sur-Marne (N° Lexbase : A6287DLG) : Rec. 507 ; BJCP 2006, n° 45, p. 128, concl. D. Casas ; CP-ACCP mai 2006, note A. Claeys ; RJEP-CJEG 2006, p.122, note C. Guettier.
(17) CAA Nancy, 4 décembre 2003, n° 02NC00012, SA GMEP (N° Lexbase : A4588DA8) : Rec. CE, p. 866 et p. 858. Décision citée par D. Chabanol, J.-P. Jouguelet et F. Bourrachot, Le régime juridique des marchés publics, Le Moniteur, 4ème édition, 2004, p. 255.
(18) CE, 2° et 7° s-s-r., 24 novembre 2006, n° 268129, Me Malmezat Prat (N° Lexbase : A7594DS3) : Contrats Marchés publ. 2007, comm. 9, W. Zimmer ; Dr. Adm, 2007, n° 22.
(19) CE, 16 novembre 2005, M. Auguste c/ Commune de Nogent-sur-Marne, précité.
(20) CE, 24 novembre 2006, Me Malmezat Prat, précité.
(21) Pour un exemple dans lequel ce lien de causalité n'est pas établi, voir CE, 9 février 1968, n° 69949, Canaut (N° Lexbase : A6261B7Z), Rec. 105.
(22) Par exemple : CE, 13 juillet 1968, n° 70932, Stoskopf (N° Lexbase : A9489B7L), Rec. 460 ; CE, 11 février 1972, n° 79402, OPHLM du Calvados (N° Lexbase : A7771B7X), AJDA 1972, p. 245, concl. E. Guillaume.
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