Réf. : Décret n° 2007-76 du 23 janvier 2007 (N° Lexbase : L1813HUP) ; Arrêté du 24 janvier 2007 (N° Lexbase : L1903HUZ) ; Décret n° 2007-136 du 1er février 2007 (N° Lexbase : L2865HUN)
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N0301BAE
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le 07 Octobre 2010
- l'article R. 39 (N° Lexbase : L3696HT3), règle d'application commune à plusieurs dispositions législatives concernant différentes catégories d'élections (8) ;
- l'article R. 160 (N° Lexbase : L3774HTX), son équivalent pour l'élection des sénateurs.
Ces dispositions s'appliquent de plein droit aux élections européennes (9) mais pas aux élections présidentielles. En effet, la modification des règles encadrant cette élection suppose une consultation préalable du Conseil constitutionnel (10). C'est chose faite avec le décret précité du 1er février 2007.
Le candidat, ou à défaut le prestataire subrogé dans ses droits à remboursement, doit présenter une attestation spécifique conforme aux nouveaux textes, dont le défaut fait obstacle au remboursement. Le décret du 1er février 2007 est assorti d'une restriction intéressante, qui se justifie par l'ampleur des prestations concernées : le candidat qui se trouverait dans l'impossibilité de se fournir en papier de qualité écologique peut se voir relevé de cette obligation par décision de la commission de contrôle propre à cette élection.
Ces dispositions interviennent dans le contexte spécifique du remboursement des frais d'impression de la "propagande officielle" par l'administration. Valent-elles en dehors de ce contexte ? Deux questions connexes peuvent se poser, l'une en partie réglée par la jurisprudence, l'autre entière.
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Les documents imprimés pour le compte des candidats sont acheminés auprès des électeurs sous l'égide de commissions spéciales, dites "de propagande", constituées pour la circonstance, le plus souvent au niveau départemental (11). Des commissions équivalentes, bien que d'appellation différente, officient également pour l'élection présidentielle (12). Une de ces commissions peut-elle décider de ne pas acheminer des documents de propagande non conformes aux prescriptions techniques énoncés par l'article R. 39 précité ?
La jurisprudence se montre peu encline à une interprétation extensive des textes. Le Conseil constitutionnel considère que les pouvoirs d'une telle commission se bornent à refuser, le cas échéant, les circulaires et bulletins qui ne respecteraient pas les prescriptions du Code électoral et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) relatives à la présentation matérielle des documents électoraux (13). Il n'appartient qu'au juge électoral de connaître des violations de la loi précitée par le contenu même des documents électoraux.
Qu'en est-il, alors, d'une prohibition de nature purement technique mais bien mentionnée dans le Code électoral ? Il existe, certes, une contradiction entre la préoccupation de faire respecter un certain nombre d'interdictions techniques, souvent légitimes, et la réticence du juge à déduire de leur méconnaissance une influence possible ou probable sur l'issue du scrutin. En clair, le juge électoral n'annulerait sans doute pas une élection au seul motif qu'une commission aurait adressé aux électeurs des documents non conformes aux prescriptions techniques du Code électoral. Il ferait prévaloir le principe de sincérité de l'expression des suffrages sur le respect de la règle formelle. Mais en cas de refus ? Le Conseil a déjà eu l'occasion de considérer que le non-acheminement de documents par une commission de propagande n'altérait pas la sincérité du scrutin (14).
A priori, cette prohibition doit s'interpréter de manière littérale, comme justifiant une sanction pécuniaire, à savoir le non-remboursement par l'administration des frais correspondants d'impression, mais nullement comme le fondement en droit d'une attribution supplémentaire des commissions de propagande.
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Comment, par ailleurs, coordonner cette règle avec le dispositif plus général des comptes de campagne ? En effet, en vertu de l'article L. 52-12 du Code électoral (N° Lexbase : L8364DYG), les dépenses de propagande officielle n'ont pas le caractère de dépenses de campagne, ni de dépenses remboursables au sens de l'article L. 52-11-1 (N° Lexbase : L9646DNL). Cependant, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques considère, sans être démentie sur ce point par le juge, que le montant des dépenses de propagande officielle non remboursé par l'administration doit être retracé dans le compte de campagne du candidat. Les documents qu'elle diffuse à titre d'information et les modèles de comptes de campagne qu'elle édite, par exemple pour l'élection du Président de la République (15), sont dépourvus d'ambiguïté à cet égard.
Les situations envisagées correspondent en général à des quantités de documents excédant les limites réglementaires du remboursement, par exemple, un tirage d'affiches manifestement supérieur à celui nécessaire pour orner les quelques emplacements officiels d'affichage, un tirage supplémentaire de circulaires excédant nettement le nombre d'électeurs de la circonscription et diffusées comme tracts, etc.
En revanche, l'absence de tout droit à remboursement autorise-t-elle le candidat à considérer la dépense dont il reste redevable vis-à-vis de son imprimeur comme "engagée en vue de l'élection", donc à retracer dans son compte de campagne et, par voie de conséquence, susceptible d'être couverte par le remboursement forfaitaire des dépenses électorales ? En d'autres termes, celui qui n'est pas remboursé au titre de l'article R. 39 du Code électoral peut-il l'être au titre de l'article L. 52-11-1 qui encadre le droit au remboursement forfaitaire ?
A ce jour, la jurisprudence ne permet guère de répondre à cette question. Au surplus, la question se complique par l'existence d'un contentieux spécifique du remboursement forfaitaire en Conseil d'Etat (16) depuis que la Commission nationale des comptes de campagne dispose du droit de fixer le montant du remboursement forfaitaire versé par l'Etat aux candidats (17).
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En conclusion, la difficulté résulte essentiellement d'une distinction opérée par le législateur dès 1990, initialement dans un souci de "simplification", pour ne pas toucher à des comportements ancrés dans les habitudes, mais qui ouvrait une faille dans le dispositif général. Le Conseil constitutionnel a proposé comme solution possible (18) de tout regrouper dans les dépenses retracées par le compte de campagne, ce qui conduirait à un remboursement unique. Cette proposition n'a pas été suivie d'effet. Elle a le trait caractéristique des simplifications du Code électoral, en réalité fort complexes à mettre en oeuvre. Il faudrait, en effet, modifier au moins une dizaine de dispositions législatives, certaines de valeur organique et adapter le dispositif à tout l'outre-mer.
Guy Prunier
Chargé de mission au Conseil constitutionnel
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