Chacun sait, depuis la petite enfance, que "
donner, c'est donner, reprendre, c'est voler !". Et bien force est de constater que les membres de la Commission européenne, que l'on dit si éloignés et technocrates, ont gardé une part de leur candeur et se souviennent, encore, du proverbe enfantin, pour l'appliquer aux situations pourtant les plus sérieuses. Il y a peu, la Commission concluait que le régime fiscal français dit des "GIE fiscaux" constituait une aide d'Etat. Pour être plus précis, l'article 39 C du CGI prévoit que l'amortissement fiscalement déductible d'un bien mis en location par un groupement d'intérêt économique (GIE), structure fiscalement transparente, ne peut excéder le montant du loyer perçu par celui-ci. L'article 39 CA prévoit, toutefois, sur agrément ministériel préalable, une dérogation à ce principe. En effet, les opérations portant sur des biens amortissables sur une période de plus de huit ans ne sont pas soumises à cette limitation de l'amortissement. Outre le déplafonnement de l'amortissement, les opérations concernées bénéficient, également, d'une majoration d'un point du coefficient d'amortissement applicable habituellement au bien considéré et, éventuellement, d'une exonération de la plus-value de cession dans l'hypothèse d'une vente du bien par le GIE à son utilisateur. A l'issue d'une enquête approfondie ouverte en décembre 2004, la Commission européenne a conclu que le dispositif fiscal de financement de biens mis en location par des GIE constitue une aide d'Etat en vertu des règles du Traité CE. Ce régime, qui a, principalement, bénéficié au secteur du transport maritime, est une aide d'Etat en raison de l'avantage sélectif qu'il procure à certains secteurs et du caractère discrétionnaire de ses conditions d'octroi. Il serait incompatible avec le marché commun, à l'exception des aides visant à faciliter le développement du transport ferroviaire et des autres aides éventuellement compatibles en application de règles sectorielles ou régionales. La trame juridique n'est pas nouvelle, la théorie des dominos prévaut excellemment bien en matière d'impôt et d'aide d'Etat. La CJCE affirme de façon très claire que "
les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du Traité concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure". On se souvient que, dernièrement, par trois arrêts rendus le 21 décembre 2006, le Conseil d'Etat a déclaré contraire aux prescriptions communautaires la taxe sur certaines dépenses de publicité, dont le produit est entièrement affecté au fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale afin de financer les projets de modernisation présentés par les agences de presse inscrites. En effet, cette taxe constitue une aide d'Etat instituée sans que le dispositif en fût préalablement notifié à la Commission européenne ; et c'est sur ce fondement que le Conseil accorde la restitution de la taxe. Mais, plus surprenante est la clémence de la Commission européenne au regard du régime des "GIE fiscaux" : la Commission limite grandement la restitution des avantages fiscaux ainsi accordés par l'Etat. Autrement dit, lorsqu'une taxe est perçue à l'encontre de la réglementation communautaire, l'Etat doit en restituer le montant, suivant certaines règles liées à l'enrichissement sans cause ; mais, lorsqu'il incomberait aux contribuables de restituer l'avantage fiscal indûment perçu, la Commission conseillerait la clémence... décidément, "
il est contre la bienséance de reprendre en public (proverbe oriental). Alors, en ce 15 février, aux contribuables d'aider l'Etat à arrondir ses fins de mois en mensualisant leurs impôts (cf. Communiqué du Minéfi, 13 février 2007, n° 081)... Les éditions juridiques Lexbase publient, cette semaine,
la nouvelle édition de la Revue Lexbase de Droit Public. Nous vous invitons, donc, à lire le commentaire d'
Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, sur
le groupement d'intérêt économique fiscal : entre condamnation et mansuétude européennes.
* Molière, La comtesse d'Escarbagnas
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