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N2895A94
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le 07 Octobre 2010
1. Isolation phonique : des désordres d'isolation acoustique peuvent-ils engager la responsabilité décennale des constructeurs alors même que l'isolation de la construction serait conforme aux normes réglementaires ?
Dans son arrêt en date du 27 octobre 2006, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation confirme une solution jurisprudentielle antérieure et rappelle, dans un attendu de principe, que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées (Ass. plén., 27 octobre 2006, n° 05-19.408, M. Emile Sladic c/ Société civile immobilière (SCI) Résidence du Belvedère, P+B+R+I N° Lexbase : A0473DSC).
En l'espèce, un particulier avait acquis, en l'état futur d'achèvement, un studio à usage d'habitation dans un immeuble édifié par la SCI Résidence du Belvédère.
Se plaignant d'un défaut d'isolation phonique, l'acquéreur a assigné, notamment, le maître d'ouvrage en référé expertise. A la suite du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, il a assigné en ouverture dudit rapport la SCI et son assureur sur le fondement de la garantie décennale.
Le tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement en date du 6 décembre 2000, a condamné la SCI à effectuer les travaux nécessaires dans l'appartement, afin que le niveau sonore de cet appartement soit conforme aux normes d'isolation acoustique des logements d'habitation, exclusion faite des tolérances.
Par un arrêt du 24 juin 2002, le jugement a été infirmé par la cour d'appel de Versailles, laquelle a considéré que la prescription était acquise sur le fondement de l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7123ABG).
Cet arrêt a été cassé par la Haute juridiction qui a rappelé, au visa de l'article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ), que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées (Cass. civ. 3, 9 décembre 2003, n° 02-18.628, M. Emile Sladic c/ Société civile immobilière (SCI) Résidence du Belvédère, F-D N° Lexbase : A4366DAX).
Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 30 juin 2005, infirmé le jugement (CA Paris, 23ème Ch., sect. B, 30 juin 2005, n° 04/03646, S.C.I. Résidence du Belvédère c/ M. Emile Sladic N° Lexbase : A4804DK7).
C'est dans ces circonstances que l'Assemblée plénière, saisie de cette affaire, a rendu l'arrêt commenté.
Rappelons brièvement que la garantie des constructeurs peut être mise en cause sur trois fondements différents à compter de la réception qui sont, outre la garantie de bon fonctionnement (C. civ., art. 1792-3 N° Lexbase : L6350G93) :
- la garantie de parfait achèvement (C. civ., art. 1792-6 N° Lexbase : L1926ABX) : cette garantie à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ;
- la garantie décennale (C. civ., art. 1792) : tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Plus spécifiquement, en matière d'isolation phonique, l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7123ABG) prévoit que les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique. Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du Code civil.
Le vendeur ou le promoteur immobilier est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.
En principe, les désordres d'isolation phonique relèvent de la garantie de parfait achèvement.
Toutefois, la Cour de cassation n'a jamais cessé de considérer, malgré la réforme de la responsabilité des constructeurs par la loi du 4 janvier 1978, que les dispositions spécifiques de l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation ne sont pas exclusives de celles, générales, de l'article 1792 du Code civil.
Ainsi, dans un arrêt du 1er avril 1992, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle considéré que les désordres d'isolation phonique, même lorsqu'ils proviennent du non-respect des prescriptions légales, peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la garantie décennale lorsqu'ils sont constitutifs d'un vice caché rendant l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 1er avril 1992, n° 90-14.438, Consorts Le Bugle et autres c/ Société Résidence du Mont Bizane et autres N° Lexbase : A5305AHX).
Dans un arrêt du 24 février 1993, il a été précisé que l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation n'avait pas exclu, même pour les désordres provenant du non-respect des prescriptions légales, l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil. Dès lors, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination et que ce n'était qu'à l'usage, et non lors de la réception, que le vice affectant l'isolation phonique avait pu se révéler dans sa vraie nature, dans son ampleur et dans ses conséquences, a légalement justifié sa décision (Cass. civ. 3, 24 février 1993, n° 91-15.960, Peron et autre SAEP c/ SARL Renom du bon et autres N° Lexbase : A4786CZB).
Dans l'espèce commentée, la cour d'appel de renvoi (cour d'appel de Paris) avait considéré que les nuisances acoustiques dénoncées par l'acquéreur n'étaient pas objectivées par les différentes mesures effectuées par les experts judiciaires et amiables. Dès lors, selon les juges parisiens, en l'absence de preuve de l'existence du désordre allégué, la SCI ne saurait être condamnée à entreprendre des travaux d'isolation acoustique.
En conséquence, et comme le précise Monsieur Guérin, avocat général, dans son avis, "dès lors qu'aucun désordre n'est constaté, la Cour d'appel n'avait pas à rechercher si une mauvaise isolation acoustique ne provenait pas de la division d'un duplex en deux studios indépendants".
Monsieur Guérin en concluait donc au rejet du pourvoi.
L'Assemblée plénière n'a pas été de cet avis.
Elle relève que, pour rejeter la demande de condamnation de la SCI, l'arrêt d'appel a retenu que, dès lors que les normes ont été respectées, et que les nuisances acoustiques dénoncées par l'acquéreur n'ont pas été objectivées par les différentes mesures effectuées, la preuve de l'existence du désordre allégué n'était pas rapportée.
Or, ainsi que le précise l'Assemblée plénière, la cour d'appel ne pouvait déduire de la seule conformité aux normes d'isolation phoniques applicables l'absence de désordre relevant de la garantie décennale et, en l'occurrence, l'absence d'impropriété à destination.
La Haute juridiction invite donc les juges à rechercher si, malgré le respect de la réglementation en vigueur applicable, le défaut d'isolation phonique dont se plaint l'acquéreur rend ou non l'ouvrage impropre à sa destination.
2. Indemnité d'occupation due par un occupant sans droit ni titre : la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du Code civil est-elle applicable ?
Dans un arrêt en date du 8 novembre 2006, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et a indiqué que le créancier d'une indemnité d'occupation ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, n° 05-11.994, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2865DSW).
Ce faisant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejoint la position adoptée par la première chambre civile.
Jusqu'à l'arrêt rapporté, en effet, la troisième chambre civile considérait qu'une indemnité d'occupation ayant un caractère mixte, compensatoire et indemnitaire, même si son montant correspond à celui des loyers convenus, une cour d'appel pouvait, à bon droit, retenir que l'indemnité demandée par le bailleur étant globale, la prescription quinquennale ne pouvait s'appliquer, en l'absence de condamnation préalable des anciens locataires, au paiement d'une indemnité mensuelle (Cass. civ. 3, 26 novembre 1997, n° 96-12.003, Consorts Gierak c/ Office public d'aménagement et de construction de la ville de Paris N° Lexbase : A1021ACS, Bull. civ. III, n° 210).
La première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l'article 2277 du Code civil (N° Lexbase : L5385G7L), considérait que la prescription quinquennale concerne les actions en paiement, non seulement des loyers, mais de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. En conséquence, elle appliquait la courte prescription à une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer annuel réajusté (Cass. civ. 1, 5 mai 1998, n° 96-16.500, Epoux Quesnel c/ Mme Bouctot [LXB=LA2283ACK], Bull. civ. I, n° 160).
Dans l'arrêt rapporté, la troisième chambre civile uniformise donc la position de la Haute juridiction eu égard à l'application de la prescription quinquennale au recouvrement d'une indemnité d'occupation.
James Alexandre Dupichot,
Avocat associé du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés
Marine Parmentier,
Avocat du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés
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