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N2930A9E
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Tous les opérateurs économiques, ou presque, étaient d'accord : le système des "marges arrière" mis en place par les grands distributeurs afin de revendre à perte ou au coût de revient les produits de consommation courante, et, ainsi, d'aiguiser leur propre compétitivité, nécessitait qu'on en limite la portée, notamment, vis-à-vis des fournisseurs assujettis à ce régime, voire qu'on en définisse clairement les tenants et aboutissants. Pour rappel, afin de vendre au plus bas prix, les grands distributeurs (en situation de monopsone) exigeaient de leurs fournisseurs qu'ils leur rétrocèdent une partie de leurs marges sous forme d'un pourcentage des ventes réalisées par l'intermédiaire de leurs grandes et moyennes surfaces en contrepartie d'une coopération commerciale renforcée (prime de gondole, prime de coopération commerciale, primes d'objectifs, etc.). Problème de taille : non seulement la réalité ou l'efficacité de cette coopération était mise en doute par certains fournisseurs ; mais aussi, le système amputant de facto une part importante des marges des fournisseurs dont les coûts fixes de production demeuraient stables ou en inflation, les plus faibles ou les plus petits d'entre eux se voyaient contraints à disparaître, dans un premier temps, des étaux, puis, par là-même, du marché. Même, si certains fournisseurs se sont opposés à ce système, comme le producteur de crème de marrons de l'Ardèche Clément Faugier, qui a disparu des rayons de marchandises de toutes les grandes surfaces sans être remplacé, car aucun concurrent ne proposait de produit similaire, mais qui est revenu sur les étaux sur demande expresse des clients ; rares sont les produits ou fournisseurs non substituables. La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est venue poser sur la place publique l'ensemble de ce mécanisme et de ses travers afin d'en limiter l'emprise sur les petits fournisseurs. Désormais, le contrat de coopération commerciale, convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente, est censé clarifier les obligations des distributeurs et des fournisseurs dans un esprit d'équilibre du contrat, évitant la lésion. Pour autant, cette loi était-elle nécessaire pour constater de la réalité et de la proportionnalité des services rendus par les distributeurs aux fournisseurs en échange de ce prix rétrocédé ? Une décision du tribunal de commerce de Nanterre du 24 octobre 2006, d'ores et déjà commentée dans nos colonnes, témoigne de l'inanité des dispositions introduites dans la loi du 2 août 2005 afin de remédier au phénomène du développement des "marges arrière". Par une argumentation claire et limpide, le tribunal examine point par point les éléments composant les tenants de la "coopération commerciale" contestée par la DGCCRF, pour en dégager l'absence totale d'efficacité, mettant en doute la réalité des prestations fournies par la centrale concernée en échange de la rétrocession d'une partie du chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de ces adhérents. Or, cet exemple de limitation des "marges arrière" s'est fait sous l'empire de l'ancienne loi "Galland". L'attention des agents de la DGCCRF et le rôle des tribunaux de commerce sont des armes tout aussi efficaces, en l'espèce, que les nouvelles contraintes législatives encadrant le régime des coopérations commerciales entre distributeurs et fournisseurs ; et ce d'autant plus volontiers que l'instauration d'un contrat cadre de coopération commerciale ne change en rien le rapport de force établi entre les grands distributeurs, peu nombreux et incontournables sur le marché, et la majorité des fournisseurs. Sur cette décision et sur l'appréciation des "marges arrière", les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire éclairé de André-Paul Weber, Professeur d'économie et ancien rapporteur au Conseil de la concurrence, Le rôle essentiel des tribunaux de commerce dans la dénonciation des "marges arrière".
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