La lettre juridique n°234 du 1 novembre 2006 : Éditorial

"TVA sociale" : la chevillette est tirée, mais la bobinette va-t-elle choir ?

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N4583ALC

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Le verrou de la "TVA sociale" vient-il de sauter ? A en lire et à en croire certains auteurs, la Cour de justice des Communautés européennes vient, par un arrêt du 3 octobre dernier, de valider l'institution d'une taxe sur la valeur nette de la production concurremment à la TVA. Attention, il ne s'agit "nullement" d'instaurer une nouvelle taxe sur le chiffre d'affaires qui tomberait sous la guillotine de l'article 33 de la 6ème Directive-TVA ! Non, cette taxe -dont les caractéristiques essentielles sont l'application générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services ; la fixation de son montant proportionnellement au prix perçu par l'assujetti en contrepartie des biens et des services qu'il fournit ; la perception de la taxe à chaque stade du processus de production et de distribution, y compris celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment ; la déduction de la taxe due par un assujetti des montants acquittés lors des étapes précédentes du processus, de telle sorte que la taxe ne s'applique, à un stade donné, qu'à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de la taxe repose en définitive sur le consommateur- se distinguerait de la TVA, taxe proportionnelle au prix des biens ou des services fournis, dans la mesure où son assiette est, en effet, égale à la différence qui ressort du compte de résultat entre, d'une part, la "valeur de la production" et, d'autre part, les "coûts de la production", et où cette taxe n'est pas conçue pour être répercutée sur le consommateur final. Admettons, tout de même, que la différence est subtile et marque là un revirement de jurisprudence de la Cour de Luxembourg qui considérait, jusqu'à présent, qu'une taxe méconnaissait l'article 33 de la 6ème Directive-TVA, si elle présentait les caractéristiques essentielles de la TVA, même si elles ne sont pas en tout point identiques à celle-ci. Ainsi, désormais, chaque Etat membre pourrait aisément asseoir une partie de sa fiscalité sociale, servant au financement des différents systèmes de santé, sur cette valeur nette de la production -valeur qui prend en compte de manière plus juste la création de richesse par l'entreprise et ses salariés-. Nous ne reviendrons pas ici sur notre éditorial du 2 décembre 2004 (TVA "sociale" : des vessies et des lanternes...) visant à montrer combien les bienfaits du transfert des charges sociales sur les salaires à la valeur ajoutée ou à la valeur nette de production pouvaient paraître, macro-économiquement, illusoires ; mais, force est de constater que cette option politique pourrait bien trouver à s'appliquer dans les prochains mois. En effet, c'est à l'occasion du débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires au Sénat, que l'ancien ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Nicolas Sarkozy, avait proposé, le 10 novembre 2004, le lancement d'une réflexion "sans a priori" sur l'idée d'une TVA sociale qui permettrait, en réduisant le coût du travail, de lutter efficacement contre les délocalisations. L'éventuel candidat à la présidence de la République entendrait-il reprendre le train de cette innovation fiscale dans son programme -alors, que le ministre soulignait, lui-même, que l'obstacle le plus ardu à surmonter serait probablement de faire accepter un tel changement par les Français, la TVA étant ressentie comme "un impôt qui réduit le pouvoir d'achat", alors que "les cotisations sociales sont assez bien acceptées par les Français qui les considèrent comme une assurance ou un salaire différé" ? Aussi, si la Cour de justice a bel et bien fait sauter un verrou communautaire à l'instauration d'une "taxe sociale sur la valeur nette de production", il s'agit là d'une serrure à goupilles ou serrure de Yale : entendez par là, que si un cran de la clef est trop court, la goupille correspondante n'est pas repoussée suffisamment haut et elle reste encastrée dans le trou du cylindre. A contrario, si un cran de la clé est trop long, le chasse-goupille vient s'encastrer dans le trou du barillet, empêchant le cylindre de tourner. Il faut que tous les crans de la clef alignent les goupilles à la limite du barillet et du cylindre pour que ce dernier puisse tourner. Bref, la bobinette n'a pas encore chue ! Les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire, cette semaine, le commentaire de Yolande Sérandour, Professeur à la faculté de droit de Rennes, Directrice du master droit fiscal des affaires et du département droit fiscal du CDA, L'eurocompatibilité de l'IRAP.

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