Assurément, le Congrès mondial de droit du travail, organisé cette année à Paris, au début du mois de septembre, marque, à échéance régulière, le pas des réflexions sur l'évolution du droit social face à la mondialisation économique et,
de facto, juridique. Riches furent les heures consacrées à la libéralisation des échanges, à la décentralisation productive et aux risques professionnels (lire les trois comptes-rendus réalisés par notre rédaction, et publiés dernièrement dans Lexbase Hebdo - édition sociale ; cf
. cette semaine,
Risques professionnels : protection sociale et responsabilité de l'employeur). L'analyse comparée de ces trois thématiques, loin de porter dogmatiquement à l'index la flexibilité du travail, a taché de "dédiaboliser" ces notions et de montrer combien l'externalisation du travail, l'entreprise "réseau" se substituant à l'entreprise "fordiste" sous l'effet d'outils juridiques tels que la franchise, la sous-traitance, le travail temporaire ou encore le prêt de main d'oeuvre, comme l'externalisation des responsabilités sociales professionnelles (partage des assurances et de la protection sociale entre les sphères privées et publiques), devaient "simplement" être normées et harmonisées localement (au sein de Communauté, en pour ce qui nous concerne). En outre, participant de cette dédiabolisation, était préconisé un renforcement de la représentativité et des groupes de défense des salariés, à l'image des "
class actions" en matière civile. Ce rendez-vous a permis de comprendre combien les solutions locales et isolées ne pouvaient guère répondre au défi de la mondialisation et du libre échange, à la faveur de la protection des salariés ; c'est l'art du compromis qui y est ainsi dessiné pour faire émule auprès des législateurs. Le compromis, respectueux des droits des salariés et des droits à la "survie" commerciale des entreprises, c'est le but à atteindre afin de régler, notamment, l'Arlésienne question du maintien du repos dominical. Le législateur semble, aujourd'hui, décidé à modifier la loi en élargissant la possibilité pour les magasins de commerce de détail de donner le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche, en fonction de leur taille. Il était temps ; la cour administrative d'appel de Paris ayant, dernièrement, fortement accru son contrôle et son refus d'étendre les dérogations au repos dominical, faute texte pragmatique (cf. la fermeture dominicale du service d'accueil téléphonique "10 14" n'étant pas préjudiciable au public, le travail le dimanche des salariés de France Télécom ne se justifie pas - CAA Paris, 3ème ch., 5 juillet 2006, n° 04PA00128, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ; la délivrance dans l'heure de lunettes correctrices de vue ne correspond pas à un besoin devant nécessairement être satisfait le dimanche - CAA Paris, 3ème ch., 5 juillet 2006, n° 04PA00176, Société Grand Optical ; la cour administrative d'appel de Paris prononce le sursis à l'exécution du jugement qui a annulé l'autorisation donnée à la société Louis Vuitton d'accorder à l'ensemble des salariés de l'enseigne des Champs-Elysées le repos hebdomadaire par roulement - CAA Paris, 3ème ch., 29 juin 2006, n° 06PA02060, SA Louis Vuitton Malletier). Toutefois, en l'état actuel du texte de proposition de loi, des lacunes semblent rendre cette extension des dérogations inégalitaire ; et surtout, le volontariat des salariés concernés ne semble pas en constituer la pierre angulaire ; lire
Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV,
Repos hebdomadaire le dimanche : et si ses jours étaient comptés ? Le juste équilibre reste donc à trouver. Sur une autre gamme, mais dans le même esprit, deux décisions rendues le 13 septembre dernier par la Chambre sociale de la Cour de cassation démontrent, une nouvelle fois, que la Haute cour n'entend pas délivrer un "blanc-seing pour les licenciements préventifs" à la suite des arrêts "Pages jaunes". Là encore, un compromis doit être trouvé entre le nécessaire maintien de la compétitivité des entreprises et les licenciements "boursiers" ; lire
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV,
Licenciements économiques fondés sur la sauvegarde de la compétitivité des entreprises : la Cour de cassation rassure. Rappelons que sans dialogue social, ni compromis communautaire, la Cour de justice des Communautés européennes décide, comme ce fut le cas dernièrement, d'appliquer
a maxima les régimes de protection des salariés (cf. la Directive 75/129 /CEE du Conseil, du 17 février 1975, est applicable en cas de licenciements collectifs résultant de la cessation définitive du fonctionnement d'une entreprise ou d'une exploitation, décidée à la seule initiative de l'employeur, en l'absence d'une décision de justice préalable - CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-187/05 à C-190/05, Georgios Agorastoudis e.a. c/ Goodyear Hellas ABEE ; lire, dans votre Lettre juridique n° 228,
Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale,
Précisions sur le champ d'application de la législation communautaire en matière de licenciement pour motif économique). Aussi, à qui profite le
statu quo et l'absence de dialogue social ? Certainement pas à la compétitivité des entreprises et, donc, à l'emploi.
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