Réf. : Projet de Code des marchés publics 2006, version n°3
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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale
le 07 Octobre 2010
La procédure de dialogue compétitif débute par l'envoi d'un avis d'appel public à la concurrence, établi selon les mêmes conditions de seuils que les autres procédures* et préalable à la remise des candidatures. Le délai entre l'envoi de l'avis d'appel public à la concurrence et la remise des candidatures est de 37 jours minimum.
* soit :
- publicité obligatoire dès 4 000 euros HT ;
- publicité au BOAMP ou dans un journal d'annonces légales dès 90 000 euros HT ;
- publicité au BOAMP et au JOUE pour les marchés de fournitures et services supérieurs à 135 000 euros HT (Etat) ou 210 000 euros HT (collectivités territoriales) ;
- publicité au BOAMP et au JOUE pour les marchés de travaux supérieurs à 5 270 000 euros HT.
Les candidatures sont, ensuite, sélectionnées par le pourvoir adjudicateur, après une éventuelle régularisation, lorsque certaines pièces étaient absentes ou incomplètes.
Le dialogue s'engage, ensuite, avec les candidats sélectionnés afin d'identifier et de définir les "moyens propres à satisfaire au mieux les besoins". Le projet de code 2006 précise que "tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les candidats sélectionnés", ce qui semble inclure les prix, même s'il paraît difficile pour bon nombre d'acheteurs publics qu'un débat sur le prix ait lieu à un stade où le projet n'a pas encore abouti. Comme dans le code de 2004, le dialogue peut se dérouler en plusieurs phases permettant d'affiner, à chaque phase, la (ou les) solution(s) pertinente(s).
Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que le dialogue est achevé, les candidats sont invités à remettre une offre finale, dans le délai minimum de 15 jours, qui peut être précisée, clarifiée, perfectionnée ou complétée à la demande du pouvoir adjudicateur. Les offres sont ensuite classées. Le pouvoir adjudicateur, après avis de la commission d'appel d'offres pour l'Etat, ou la commission d'appel d'offres elle-même pour les collectivités territoriales, attribue le marché. Les candidats non retenus sont informés du rejet de leurs offres ; le pouvoir adjudicateur notifie le marché et procède à la publication d'un avis d'attribution.
Ces précisions et aménagements relèvent de deux types. Les premiers intègrent à l'article spécifique au dialogue compétitif des éléments présents dans les autres procédures du code. Les seconds constituent des innovations destinées à encadrer la procédure ou à en renforcer la transparence, celle-ci ayant, en effet, souvent, été désignée comme permettant manipulations et accords entre l'acheteur et les candidats.
Les précisions issues des autres procédures
Concernant les candidatures (mais l'on peut supposer que le principe est aussi applicable aux offres), ne peuvent être ouverts que les plis parvenus dans le respect de la date et de l'heure limites de remise. Le pouvoir adjudicateur peut, par ailleurs, demander aux candidats dont le dossier est incomplet d'ajouter des éléments ou de compléter ceux déjà présents. Cette possibilité doit être offerte à toutes les entreprises concernées, afin de respecter le principe d'égalité de traitement des candidats.
Après classement des offres, le marché est attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse en fonction des critères énoncés dans la publicité ou le règlement de la consultation. Les critères sont pondérés ou hiérarchisés, le cas échéant. Dans l'hypothèse où le candidat classé en premier ne serait pas en mesure de présenter l'ensemble de ses certificats sociaux et fiscaux, il doit être fait appel au candidat classé en 2ème position, et ainsi de suite.
Les innovations du projet de code
Elles concernent, tout d'abord, l'avis d'appel public à la concurrence. Celui-ci doit comporter les besoins et exigences du pouvoir adjudicateur ; ils figurent aussi, le cas échéant, dans un projet partiellement défini ou un programme fonctionnel. Cette exigence, dès le stade de la publicité, est nouvelle, le code de 2004 n'évoquant le programme fonctionnel qu'au stade de l'engagement du dialogue. Elle permet l'information des entreprises dès le stade de la publicité, afin qu'elles fassent une demande du cahier des charges en ayant une connaissance aussi précise que possible du besoin de la personne publique.
Le pouvoir adjudicateur peut, ensuite, limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre (il peut s'agir d'un nombre minimum -3 étant un plancher- ou d'une fourchette). Le Code des marchés publics 2004 prévoit, lui, que "le nombre de candidats invités à participer au dialogue compétitif ne peut être inférieur à 3". Cette rédaction différente laisse perplexe : stricto sensu, les candidats visés ne sont pas les mêmes. Le code de 2004 vise les entreprises sélectionnées par la personne responsable du marché après remise des candidatures, donc, avant l'engagement du dialogue ; le projet de code 2006 vise les candidats restant en lice à l'issue du dialogue et de ses différentes phases éventuelles. Cette différence de rédaction ne révèle, cependant, peut-être pas une différence de sens, car, en effet, il semble hasardeux, dès l'avis d'appel public à la concurrence, dans un projet que l'acheteur public ne maîtrise pas, d'anticiper le nombre d'offres valables à l'issue du dialogue et utiles à analyser. De plus, cette limitation, qui n'est pas issue de la version d'origine du Code des marchés publics, issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 (N° Lexbase : L0537DN9), mais du décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004, relatif à diverses dispositions concernant les marchés de l'Etat et des collectivités territoriales (N° Lexbase : L4183GUH), est destinée à réduire la durée et la lourdeur du dialogue, qui impose d'organiser des rencontres avec les candidats dans le respect d'un certain formalisme. Limiter le nombre de candidats à l'issue du dialogue présente, donc, dans ce contexte, un faible intérêt. Il faut souhaiter que cette ambiguïté sera levée avant la sortie du nouveau code.
Par ailleurs, le contenu de l'invitation à participer au dialogue adressée aux candidats sélectionnés a été développé. Alors que le code de 2004 dispose seulement que le dialogue s'engage à partir d'un programme fonctionnel et, si nécessaire, d'un projet partiellement défini, le projet de code 2006 comporte une liste des informations devant figurer dans l'invitation :
- les documents de la consultation (au nombre desquels figure le programme fonctionnel) ;
- les références de la publicité ;
- la date et le lieu du dialogue ;
- la date limite pour demander des renseignements complémentaires ;
- les documents à joindre à l'offre ;
- les critères d'attribution du marché (sauf s'ils figurent dans la publicité) et leur pondération ou leur hiérarchisation (s'ils ne figurent pas dans la publicité ou les documents de la consultation).
Autre innovation du projet de Code des marchés publics 2006, les offres ne sont plus remises sur la base du cahier des charges arrêté par l'acheteur à l'issue du dialogue mais sur la base "de la ou des solutions qu'ils ont présentées et spécifiées au cours du dialogue". Les candidats pourront, ainsi, jusqu'à la fin, faire preuve d'innovation et d'originalité dans leur réponse qui n'est jamais encadrée par un cahier des charges mais seulement par la discussion avec l'acheteur. Cette liberté extrême pourrait, cependant, se révéler délicate en pratique, notamment, lors de l'analyse des offres finales qui, n'ayant pas été remises sur la base d'un cahier des charges identique, pourraient être difficiles à comparer. C'est dans cette optique, peut-être aussi, que le pouvoir adjudicateur dispose de la possibilité de demander au candidat retenu, donc, en toute fin de procédure, de clarifier des aspects de son offre ou de confirmer ses engagements.
Enfin, l'échec éventuel de la procédure a été particulièrement développé. Le code de 2004 n'envisage que la déclaration sans suite lorsque aucune offre remise n'est jugée acceptable. Le projet de code 2006 est beaucoup plus précis et ne laisse pas les acheteurs désarmés face à l'échec d'une procédure longue et complexe. Aux termes du projet de code 2006, le dialogue compétitif peut être déclaré sans suite ou infructueux. La déclaration sans suite n'appelle pas de remarques particulières : elle obéit à la condition habituelle de l'existence d'un motif d'intérêt général. En revanche l'infructuosité est une nouveauté qui permet à l'acheteur de rebondir en cas d'échec et de relancer une procédure. En effet, dans l'hypothèse où il n'a été proposé que des offres "irrégulières" (incomplètes ou qui ne respectent pas les exigences du cahier des charges) ou "inacceptables" (qui répondent au besoin mais qui sont trop élevées, ou contraires aux dispositions relatives à la sous-traitance ou au travail illégal), la consultation peut être déclarée infructueuse et plusieurs procédures peuvent être lancées. Il peut s'agir :
- d'une procédure formalisée ;
- d'un marché négocié, si les conditions initiales du marché ne sont pas substantiellement modifiées : ces "conditions initiales du marché" semblent cependant, a priori, délicates à identifier car, en effet, aux termes de ce projet de code, à l'issue du dialogue compétitif, les candidats ne sont plus invités à remettre une offre sur la base du cahier des charges arrêté par l'acheteur, comme c'est le cas dans le code de 2004, mais sur la base de la (ou des) solution(s) qu'ils ont présentée(s) et spécifiée(s) au cours du dialogue ;
- d'une procédure adaptée, si le montant du marché ou du lot le permet et dans le respect des règles habituelles de cumul des seuils.
Cette nouvelle version du dialogue compétitif vient clarifier certaines questions posées par cette procédure complexe mais aussi innovante et valorisante pour les entreprises et les acheteurs publics, même si quelques points devront encore être précisés lors de son application pratique.
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